Messieurs, Mesdames, au cours de
l'automne 1952, la première liaison entre le Maroc et Israël a
été inaugurée. Madame. Schramm, qui dirigeait une agence de
voyage à Casablanca dans le Passage Tazi, invita mon quotidien
"Maroc-Presse"
à déléguer un reporter a l'occasion de ce premier vol.
J'ai proposé de transformer ce voyage à Tel-Aviv en un reportage
de plusieurs semaines en Israël, le nouvel État Juif. Le sujet en
serait : "QUE SONT
DEVENUS LES JUIFS DU MAROC EN ISRAEL." L'émigration
avait commencé en 1948 après des émeutes dont 40 juif
avaient été les victimes.. Le sujet était brûlant. Mon idée fut
acceptée.
Pendant trois semaines, avec l'aide du nouveau ministère de
l'information dont les bureaux était encore dans une toute petite
villa de Tel-Aviv, j'ai
pu arpenter le pays (ce qui restait du pays. Jérusalem était
encore divisé) d'est en ouest du Nord au Sud. Des kibboutzim les
plus développés en Haute Galillée aux plus récents, ancien
Nahal, dans le Neguev. J'ai vu amener l'eau dans le Neguev.
Barsheeba avec six immeubles. J'ai vu les Marabroot de l'époque et
les mochavim J'ai été reçu comme un frère, et guidé avec
amitié, j'ai vu tous ceux que je voulais rencontrer : les
Juifs du Maroc, jeunes et vieux, venus de tous les coins du Royaume
marocain , installés partout en Israel, mais souvent déçus, à
lépoque, dans leur rêve de "demain à
Yerushalayim" de ne pas avoir été accueilli avec tapis rouges
et fanfare municipale. Israël était très pauvre. Avait d'autre
problèmes a résoudre.
J'ai vu des dizaines de gens de nous âges de toutes conditions
sociales.
Souvenir inoubliable. Cela a été traduiit en une
"série" de neuf articles de 2.500 mots environ qui eut je
crois quelque succès. Jusqu'au souverain de
l'époque, Mohammed V, qjui fut interessé (pour des raison qui lui
étaient propres) et intrigué par les écrits de l'inconnu
que j'étais, me raconta plus tard un "corse" proche du
Palais de Casablanca.
J'ai naturellement conservé précieusement le texte de ce reportage
comme un talisman et cinquante ans après sa publication en novembre
1952, je me
demande s'il ne vaudrait pas la peine que je reprenne ce texte (
environ 22500 mots soit 75 pages) en l'honneur de ces émigrés des
années "50" pour rappeler aux survivants et à
leurs descendances le courage, la determination
qu'ils ont eu et la façon dont ils ont planté de nouvelles racines
en Israël.
Votre avis me serait precieux car il serait pour moi une indication
sur l'intérêt que peut encore provoquer le récit de cette grande
épopée dans
laquelle son rappelés tous les noms des émigrants que j'ai
interviewe pendant ce reportage .
"Sans tradition nous serions comme des violneux en equilibre
sur un toit."
Sénèque écrivait dans sa première lettre à Lucilius
"Réunis ce capital et ne le laisse plus se perdre. Dis toi
bien que c'est à la lettre: il est des instants qu'on nous arrache,
il en est qu'on nous escamote, il en est aussi qui nous filent entre
les doigts; la perte à dire vrai n'est jamais jamais aussi sordide
que lorsqu'elle est dure à la négligence."
(Sénèque - Lettres à Lucilius, I,1)
Bertrand C. Bellaigue
|