Un siècle de présence des soeurs chrétiennes au Maroc
En 1912, huit mois après la proclamation du protectorat, huit sœurs se sont installées au Maroc, pays qu'elles ne quitteront plus. En 100 ans de présence en terre marocaine, leur œuvre, sociale et médicale, est empreinte d'intégration, de dévouement et d'abnégation. A tel point qu'aujourd'hui encore bien des Marocains gardent un souvenir impérissable et une reconnaissance sans faille envers ces religieuses affectueusement surnommées "err'hibate".
En octobre dernier, on célébrait le centenaire de la présence des sœurs religieuses au Maroc. A cette occasion, différentes manifestations furent organisées à Casablanca et s'étaleront jusqu'en 2012 sur l'ensemble du territoire national.
“Nous n'avons jamais hésité à aider l’autre quand il avait besoin de nous !” s'exclame Soeur Thérèsa, résumant le parcours des Sœurs au Maroc. “Nous n’avons jamais eu l'impression de servir des étrangers, on fait partie de ce pays et on ne s’est jamais considérées étrangères”, ajoute fièrement Sœur Monique.
Au service de son prochain
De son côté, Vincent Landel, archevêque de l'église catholique au Maroc, se souvient, quand il était petit, des Sœurs avec leurs long “hijab”, qui faisaient le tour des maisons pour collecter des aides au profit des enfants défavorisés.
Vincent Landel, né et élevé au Maroc, avait attiré l’attention d’un groupe de religieuses, lors d’une homélie prononcée pour célébrer le centenaire de leur présence au Maroc, sur ce que le monde vit aujourd’hui, notamment le “printemps arabe” se référant aux valeurs de liberté, de justice et de dignité.
Quant à Aicha Echchenna, l’icône du tissu associatif au Maroc, elle reconnaît dans une interview accordée à l'hebdomadaire d'expression arabe Al Hayat, qu’elle doit beaucoup aux sœurs dans son parcours professionnel: “elles m’ont formée et encadrée quand j’ai débarqué à 17ans à Casablanca. En cela je leur serai toujours reconnaissante. Elles ne jugent personne, et se contentent de comprendre et d'agir”.
La retraite? Connais pas
Faisant preuve de discipline et de rigueur dans leur travail, tous les médecins qui ont servi aux cotés des sœurs témoignent de leurs qualités rares. Aïcha Echchenna se souvient aussi que les Sœurs montraient beaucoup d’intérêt à prendre soin des sections les plus sensibles à l’ex-hôpital Colombali, (Ibn Rush actuellement), où se trouvaient des patients atteints de maladies contagieuses. Sans oublier le service de pédiatrie.
“Le Sacrifice est notre slogan. Notre seul but est de rendre service aux patients et aux enfants défavorisés, peu importe les obstacles qui ne limitent point notre courage, et notre rigueur car, derrière tout cela, il y a de l’amour.”
Sœur Simone
Avoisinant les quatre-vingts ans, Sœur Simone, Sœur Thérèse et Sœur Monique ne veulent toujours pas prendre leur retraite. Elles gardent la même énergie, la même discipline et entendent bien poursuivre leurs mission et donner l’exemple à la nouvelle génération de religieuses. “On ne pense pas à accéder à un poste supérieur, ou à un poste de responsabilité. Pour nous, il s’agit bien d’aider les autres, sentir de la joie en compagnie d’un patient. Et rendre un service sans contrepartie”, explique Sœur Thérèse.
Le dispensaire itinérant
“J’étais prête à aller dans n’importe quel pays du monde, sauf en Afrique du Nord”, reconnaît Sœur Cécile en parlant de son parcours dans une des lettre qu’elle a rédigée en 1969. Mais le destin en a voulu autrement et la voilà qui débarque au Maroc, pays où elle a vécu une expérience humaine qui a complètement changé sa vie.
Après Salé, Casablanca, Taroudant et Fès, Sœur Cécile s’installe enfin à Midelt, en 1961, où elle travaille comme infirmière dans un dispensaire local. L’action sanitaire de Cécile était bien accueillie. Dans cet établissement, les sœurs s'occupaient les orphelines et soignaient les malades.
Sœur Cécile rendait même visite aux patients à domicile, et pour atteindre les ksour lointains, elle n’hésitait pas à prendre le moyen de locomotion le plus commode: l'âne.
Sœur Cécile... ou la ‘timraboutines’ amoureuse de l’Atlas
Plus tard, et en 1969, se rendant compte de la souffrance et du manque affligeant des soins chez les nomades, sœur Cécile a alors imaginé et inventé le dispensaire itinérant: elle suivait les nomades lors de leurs déplacements, prenait soin d’eux et a même passé des nuits à leurs côtés.
En 1974 , Sœur Cécile avait à son actif 659 familles nomades visitées, soit un total de 3833 personnes. Elle aimait les Berbères qui le lui rendaient bien et l'avaient surnommée timraboutines (amrabet= adepte d’une zaouia). Soeur Cécile s'était alors liée d'amitié avec l'une de ces femmes.
“Nous étions très heureuses en nous consacrant à soigner les gens, nous étions même plus heureuses à montrer aux autres comment on vivait nous deux chacune sa religion dans une atmosphère empreinte de tolérance et de dialogue chrétien-musulman.”
Sœur Cécile dans l’une de ses lettres.
Quand Sœur Cécile meurt le 11 octobre 1983, elle parlait le berbère couramment, et avait même rédigé un dictionnaire des termes berbères avec leurs équivalents en français.
Aujourd’hui encore, on se rappelle son histoire, qui reste gravée dans la mémoire des nomades. Sœur Simone, a transformé son histoire en un chef-d’œuvre: Bucoliques, bèrbères...Itto, fille de l’Atlas publié en 2010 aux éditions Le Fennec.
Religieuses et humaines avant tout
A Casablanca, Hajja M’barka une ancienne habitante de Derb Elbaladia, dit à leur propos: “il ne leur manquait plus que de prononcer la chahada”. Elle se rappelle quand Soeur Cécile leur rendait régulièrement visite pour soigner ses enfants dans leur centre.
“Les sœurs recevaient des patients même le jour de la fête du trône”, confie Hajja. Une des femmes qui accompagnaient Hajja M’barka, a même révélé que c’était grâce aux sœurs qu’elle avait pu voir la mer pour la première fois de sa vie.
“Elle organisait des excursions pour les enfants, ainsi que des ateliers d’apprentissage de couture et de tissage. Franchement, j’ai été surprise par les accusations de prosélytisme à leur encontre.”
Une habitante de Deb Lihoudi de Casablanca
Tous enfants d'Abraham
Pour Aicha Echchenna, qui a vécu 40 ans avec elles, les sœurs n’ont jamais fait preuve de prosélytisme:“Personnellement j'étais encore plus curieuse que les soeurs quant à la religion et je voulais en discuter avec elles. Mais à chaque fois elles évitaient le sujet et répondaient que nous sommes tous enfants d’Abraham, et que nous prions le même dieu !”.
Aujourd’hui encore, les sœurs dont le nombre rétrécit de façon irréversible, continuent à aider les femmes et les enfants démunis: alphabétisation, soins médicaux, apprentissage de couture et de tissage...
Omar Lebchirit
Commentaires
de mon petit enfance j etais soigné par les soeurs dit rhibate a casablanca souvenir inoubliable c est comme c etait hier j ai adoré ces rhibates j ai une immence estime envers les rhibates pour moi les rhibates c est du sacre sont est des anges humaines . MAZAL A ISRAEL.
Oui!! Elles se sont beaucoup devouees. Il y avait aussi sante secours,
qui vous prenait en charge pour vous faire arriver a destination,
par avion, de Casa a Paris, quand vous voyagiez seul a 6 ou 7 ans
et vous remattait a votre tante en bas de la passerelle
du Super Constellation en 1958.
Ayant apris que ma mere, apres son travail, etait assistante sociale
autonome, benevole, je veux rappeller le travail dans les annees 60
de soeur Gertrude, qui devait etre du cote du " Deb Ghalef " en haut
du Bd Abdel Moumen. Infirmiere de formation elle etait venue pour voir si elle pouvait aider ma mere. Oui lui repondit elle. Ma mere achetait aussi a nos correligionaires les piqures et soeur Gertrude gratuitement leurs injectait. Beaucoup de " messirout nefesh " beaucoup de dignite.
Je ne peux pas oublier.
ariel
jerusalem
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