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Photo ethnographique: Tranches de vie juives

Envoyé par jero 
Photo ethnographique: Tranches de vie juives
13 décembre 2006, 23:21
Photo ethnographique: Tranches de vie juives

Le Musée du judaïsme marocain présente, jusqu’au 31 janvier, une collection de photos sur les Casablancais juifs dans les années 1960.«Béret, feutre et casquettes, on ne marchait pas nu-tête», «Si jeune et si savant !», «Un Juif, un Musulman et quelques cageots de légumes», «Que ferait-il sans elle ?»…

Les 34 photos exposées au Musée du judaïsme marocain sont éloquentes, tout autant que leurs titres. Portraits, scènes de rue, cérémonies à la synagogue, elles racontent, avec les nuances émouvantes du noir et blanc, ce qu’a été la vie de la communauté juive de Casablanca dans les années 1960.

Les deux photographes, Claude Sitbon et Gabriel-Axel Soussan, sont deux enfants de la ville. «Deux copains, fous de photo et du Maroc», se souvient ce dernier, évoquant la mémoire de son ami et mentor. Claude Sitbon, né en 1929, était pédiatre à Casablanca avant de partir pour Paris où il est décédé en 1995. Gabriel-Axel Soussan, né en 1938, est parti lui aussi pour Paris. Ces photos, fruit de leurs recherches communes, même si chacune est signée de son auteur, sont pour lui «un acte de mémoire et un témoignage sur la communauté juive du Maroc contemporain». L’exposition a circulé à New York, Bruxelles, Amsterdam et Londres, et partira bientôt pour Paris, mais il en a fait don au Musée du judaïsme marocain de Casablanca, “le seul musée d’art juif dans le monde arabe”, insiste la conservatrice Zhor Rehihil, une des premières Marocaines musulmanes à avoir travaillé sur la communauté juive. «Ces photos viennent compléter la collection du musée, qui est surtout ethnographique et présente le patrimoine marocain dans sa composante juive, surtout à travers des objets de culte, des costumes, des bijoux», précise-t-elle.

Témoignage

Et c’est à cette dimension de témoignage que tient la valeur de ces photos. Pourtant, leur valeur esthétique est indéniable, par la beauté de leur construction et l’émotion qu’elles dégagent. Le Dr. Claude Sitbon était attentif aux visages en ce qu’ils reflètent la spiritualité des gens, il s’attachait à saisir les individus dans leur activité quotidienne. Cette sensibilité, il l’a également développée dans le Marais à Paris, notamment rue des Rosiers. «Si jeune et si savant» montre un jeune étudiant abîmé dans l’étude de la Thora ; “Sa lumière est en lui-même” présente le visage pâmé et couvert de rides d’un vieillard à la barbe chenue. Gabriel-Axel Soussan, lui aussi, aimait particulièrement faire des portraits pour ce qu’ils révèlent de la nature humaine. Sa photo “Quatre femmes, quatre générations” lui a d’ailleurs valu le grand Prix international Nikon. Un tableau de famille dans la synagogue de la rue Lusitania, où quatre femmes, de l’aïeule à la jeune fille, posent à la manière des tableaux du XVIIIème siècle autour d’une tenture de velours brodée au fil d’or de caractères hébreux.

Si l’on est toujours sensible à l’esthétique qui émane de ces photos, le temps qui a passé et les bouleversements qu’a connus la société marocaine ces cinquante dernières années nous amènent à les regarder avec l’émotion qu’on ressent face à un témoignage d’un passé, certes proche, mais révolu. Il n’est pourtant pas loin le temps où, dans les années 1960, plus précisément entre 1963 et 1965, les photographes ont opéré, “un Casablancais sur cinq ou six était juif”, comme le souligne Simon Lévy, secrétaire général de la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain et directeur du musée, qui dénombre entre 75 000 et 80 000 Casablancais juifs. Cette communauté était à l’image de la ville, illustrant toutes les classes sociales, du bourgeois jusqu’au mendiant : «Il y avait un grand sous-prolétariat, des chômeurs, même des putes et des voleurs… D’ailleurs, il y avait beaucoup d’institutions de charité qui s’étaient développées pour faire face à la pauvreté. Ceux qui allaient à l’école parlaient français, les autres parlaient l’arabe marocain avec quelques particularités». A ce sujet, on trouve dans le musée une affiche signée du militant nationaliste marocain juif Azouz Cohen qui appelle en 1931 ses coréligionnaires à ne pas négliger l’apprentissage de l’arabe : «Le Maroc qui vous a vu naître et auquel vous rattachent tant de liens a pour langue officielle l’ARABE. C’est non seulement la langue officielle mais c’est aussi la langue de vos pères ; c’est la langue véhiculaire de tant de nos compatriotes». Et de demander l’adjonction de professeurs d’arabe dans les écoles franco-israélites et l’attribution de bourses pour les étudiants brillants. Comme les autres Casablancais, «les Juifs venaient de toutes les villes du Maroc», rappelle Simon Lévy. Zhor Rehihil explique que dans les quartiers qu’ils occupaient, on désignait «la maison des Chleuh, des Souassa, des Aarobi, des Doukkala, des Fassis, des Jbala…». Ils occupaient les rues autour de la place Verdun (rue Lacépède, rue Lusitania), le mellah à Bab Marrakech (rue des Anglais). «On appelait mellah, à tort, toute l’ancienne médina alors qu’elle n’était pas entièrement le mellah, qu’il y avait des rues mélangées», se souvient Simon Lévy. Le premier habitat moderne occupé par la communauté juive a été le quartier d’El Hank.

Derniers clichés

C’est vers cette communauté variée et multiple que Claude Sitbon et Gabriel-Axel Soussan ont tourné leurs objectifs. D’abord intéressés par le «judaïsme du petit peuple», celui des artisans, des petits vendeurs, ils ont aussi saisi quelques bourgeois, surtout dans les cérémonies religieuses et les mariages à la synagogue. «On avait une triple préoccupation», explique le photographe : «une préoccupation humaines car il y avait une humanité très belle à regarder et à photographier». Et à voir ce marchand d’épices vêtu de guenilles, ce joueur de dames, cette femme d’âge mûr posant dans sa keswa lkbira, sa tenue de mariée dans laquelle elle avait reçu la cérémonie du henné, ou encore le tenancier de bouiboui annonçant le menu de Yom Kippour sur une ardoise marquée Pepsi-Cola, on veut bien le croire. «L’exposition est très expressive», insiste Simon Lévy. «Elle montre des vêtements qu’on ne voit plus, comme les djellabas noires ou les fichus». «Notre seconde préoccupation était politique», poursuit Gabriel-Axel Soussan. «Nous avions sous les yeux la cohabitation des juifs et des musulmans. Ils travaillaient ensemble, se touchaient, échangeaient…», tels ces deux propriétaires d’une même échoppe de légumes. «Si on entre dans les photographies, on se rend compte que les personnages sont complètement semblables. On sait en même temps qui est musulman et qui est juif. Les deux appartiennent à la même terre, ont les mêmes gestes, la même proximité». Il y avait enfin un intérêt pour la spiritualité, montrée dans son aspect esthétique : la forêt de kissane, les bourgeoises en grande toilette réunies à la synagogue pour un mariage… Une spiritualité «proche de celle des musulmans, avec les hiloulat, équivalents des @#$%&». Une très belle photo montre un musulman entretenant la tombe d’un saint juif.

Ces photos sont parmi les dernières de cette union des Casablancais quelle que soit leur confession. «Deux à trois ans plus tard, vers 1964-1965, beaucoup sont partis. Ça s’est accéléré après la guerre des Six Jours», explique Simon Lévy. Gabriel-Axel Soussan, lui, insiste sur «le départ messianique, après la création de l’Etat d’Israël, renforcé par les tensions au Proche-Orient». Zhor Rehihil, elle, souligne le fait que les premiers à partir étaient les classes pauvres…

Cette exposition est rendue vraiment nécessaire car cette image du passé casablancais est un important enjeu de mémoire et d’identité, pas seulement pour les quelque 2000 Casablancais juifs qui sont restés mais pour tous les Marocains.
Kenza Sefrioui

Re: Photo ethnographique: Tranches de vie juives
13 décembre 2006, 23:49
Image sur le message precedent
Pièces jointes:
LEMATIN (2).jpg
Re: Photo ethnographique: Tranches de vie juives
14 décembre 2006, 06:36
Auteur: elomar
Date: 3 décembre 2006, 01:30


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Modifié 2 fois. Dernière modification le 19/12/2006 12:45 par clementine.
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