« Le Pacte de l'ONU sur les migrants encourage l'immigration au lieu de l'encadrer »
Par Yves Mamou - Le Figaro
FIGAROVOX/TRIBUNE - Un Pacte de l'ONU «pour des migrations sûres, ordonnées et régulières» a été signé par de nombreux pays dont la France. Yves Mamou craint que ce texte ne prive les États de leur souveraineté, en faisant du droit aux migrations un droit de l'homme.
Yves Mamou est un ancien journaliste du Monde. Il a également collaboré au Canard Enchaîné, à Libération et à La Tribune. Collaborateur régulier du site américain The Gatestone Institute, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Hezbollah, dernier acte (éd. Plein jour, 2013) et Le Grand abandon. Les élites françaises et l'islamisme (éd. L'Artilleur), paru le 25 septembre 2018.
Un nouveau droit de l'homme semble sur le point de naître: le droit à la migration. Sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, un «Pacte global pour des migrations sûres, ordonnées et régulières» a été adopté au Maroc par les États membres de l'ONU. Ce Pacte mondial ne porte pas sur les réfugiés qui relèvent de la Convention de Genève, mais concerne tout un chacun: il postule en effet que l'acte migratoire est un «choix» individuel (par opposition à une «nécessité»), choix qu'il convient d'accompagner, sécuriser et pérenniser.
Inventaire
L'accord signé au Maroc comprend 23 «Objectifs» qui vont de la construction d'un appareil statistique harmonisé local-national-et-mondial sur les migrants (Objectif 1) au renforcement de la coopération internationale pour une migration ordonnée et sécurisée (Objectif 23) en passant par la lutte contre les passeurs (Objectif 9) ou l'organisation des frontières (Objectif 11).
Ce sera l'alliance entre les élites mondialistes mobiles par vocation et les pauvres mobiles par désir d'une vie meilleure.
Pour réduire les aléas de l'aventure migratoire, un site Internet (Objectif 3) sera mis en place pour informer les candidats au départ de «toutes les options migratoires possibles telles «les lois et les politiques migratoires» de tous les pays envisageables, «les contraintes de visa, les dossiers à remplir, les frais de visa et les taux de change, les cartes de travail, les exigences professionnelles, l'évaluation des compétences et les équivalences de diplômes, les possibilités de formation professionnelle ou d'inscription dans un établissement scolaire ou universitaire, le coût de la vie…». Le même Objectif 3 signale que tout au long des routes migratoires des bureaux ou des outils d'information seront postés «qui peuvent renvoyer les migrants vers des services de soutien et de conseil adaptés aux enfants et aux femmes, permettre de communiquer avec les représentants consulaires du pays d'origine et mettre à leur disposition des informations pertinentes, notamment sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, la protection et l'assistance appropriées, les options et les voies de migration régulières, et les possibilités de retour, dans une langue que la personne concernée comprend».
L'objectif 16, d'un angélisme surprenant, entend «promouvoir le respect mutuel des cultures, traditions et coutumes des populations d'accueil avec les traditions et cultures des migrants par l'échange et la mise en œuvre de meilleures pratiques en matière de politiques, programmes et activités d'intégration, y compris sur les moyens de promouvoir l'acceptation de la diversité et de faciliter la cohésion et l'inclusion sociales.» L'«acceptation de la diversité» par comparaison des pratiques culturelles entre les migrants et la population d'accueil ne peut que laisser sceptique quand on voit comment les migrants tendent généralement à se communautariser au sein d'ensembles urbains homogènes en Europe.. L'avocate et éditorialiste Judith Bergmann, sur le site américain Gatestone, se demande si le respect des cultures tel qu'il est prôné par l'ONU passe par le respect et la perpétuation en Europe des mutilations génitales féminines imposées aux femmes en Somalie? Rappelons qu'à Cologne, le soir du Nouvel an 2015, les célibataires musulmans n'ont guère négocié non plus la liberté d'aller et de venir des femmes allemandes.
L'accord énumère ensuite les obligations qui incombent aux États pour accueillir chaque migrant.
L'accord énumère ensuite les obligations qui incombent aux États pour accueillir chaque migrant. Penser que les monarchies pétrolières du Golfe Persique, vraisemblablement signataires de l'accord et réputées pour les mauvais traitements qu'elles infligent aux travailleurs migrants, vont accepter (Objectif 6) de signer des contrats aux employées de maison philippines, de traquer les mauvais comportements des agences de recrutement (taxation des immigrés) d'empêcher les employeurs de confisquer les passeports de ces employées de maison (Objectif 6, paragraphe h) et de mobiliser un corps d'inspecteurs du travail (Objectif 6, paragraphe f) pour s'assurer que les droits sociaux des migrants correspondent aux standards internationaux, prête à sourire.
L'Objectif 8 oblige les États à se porter au secours des migrants qui empruntent des routes dangereuses et l'Objectif 9 leur fait aussi obligation de lutter contre les trafiquants de main-d'œuvre et autres passeurs.
L'Objectif 5 fait obligation aux État d'organiser le «regroupement familial» et de fournir aux migrants les mêmes droits à la «sécurité sociale et aux services sociaux» (paragraphe i) que les natifs du pays d'accueil. Les Européens qui ont accepté d'être taxés et de cotiser sur plusieurs générations pour bâtir une éducation et une protection sociale digne de ce nom devront partager leurs droits avec des nouveaux venus qui eux, n'ont jamais contribué au système.
Les rédacteurs de l'accord anticipent certes que des frictions entre populations d'accueil et populations migrantes pourraient avoir lieu. L'Objectif 17 tient donc un inimitable double discours: d'un côté, les États signataires doivent s'engager à «éliminer toutes formes de discrimination, à condamner et contrer les expressions, actes et manifestations de racisme, de discrimination, de violence, de xénophobie et d'intolérance envers les migrants». Mais dans le même paragraphe, les États signataires s'engagent à «protéger la liberté d'expression» et affirment qu'un «débat libre et ouvert contribue à une meilleure compréhension de tous les aspects de la migration». Il est trop tôt pour savoir comment les État vont arbitrer entre la lutte contre le discours anti-immigration et la liberté d'expression..
Plusieurs phrases postulent implicitement que racisme et violences ne peuvent surgir que des populations d'accueil.
Tous les alinéas de cet Objectif 17 postulent implicitement que racisme et violences ne peuvent surgir que des populations d'accueil, alors que la réalité montre que l'inverse est tout aussi probable. Le paragraphe c de l'Objectif 17, exige des États signataires qu'ils promeuvent «des reportages indépendants, objectifs et de qualité dans les médias et sur Internet (sur le droit à la migration), mais aussi qu'ils sensibilisent et informent les professionnels des médias sur les questions migratoires et la terminologie adaptée, en mettant en place des normes éthiques pour le reportage et la publicité». Le même paragraphe c exige aussi que les États signataires privent «de subventions ou d'aide matérielles tous les médias qui promeuvent systématiquement l'intolérance, la xénophobie, le racisme et d'autres formes de discrimination à l'égard des migrants, le tout dans le plein respect de la liberté des médias.» Comment promouvoir le débat et la «liberté des médias» en menaçant de couper les aides et les financements aux critiques et récalcitrants? Cette question délicieusement orwellienne laisse augurer un durcissement des règles liées à la liberté d'expression.
Le 1er novembre dans The Guardian, Louise Arbour, la représentante spéciale des Nations unies pour les migrations, s'est insurgée contre l'idée que le droit à migrer soit devenu un nouveau droit de l'homme: “C'est complètement faux et ce n'est pas dans le texte. Il n'y a aucun sinistre projet de ce type» a-t-elle déclaré. Le mot «droit de l'homme» n'est en effet jamais prononcé tout au long du «Pacte», mais le nombre et la précision des Objectifs pourrait laisser penser le contraire.
La discrétion qui a entouré l'élaboration du texte et le fait que ce texte n'existe qu'en anglais ont garanti à l'ONU d'échapper au débat jusqu'à il y a peu. Néanmoins, les retraits tonitruants de certains pays ont fini par attirer l'attention. Donald Trump a fait savoir en septembre 2018, à la tribune de l'ONU, qu'il «rejetait l'idéologie mondialiste et qu'il ne connaissait que le patriotisme». Les États-Unis ont fait savoir les premiers en 2017, qu'ils ne signeraient pas le Pacte pour les migrations. La Hongrie a suivi en juillet 2018. Peter Szijjarto, ministre hongrois des affaires étrangères et du commerce, a expliqué que cet accord «était contraire au bon sens et à la nécessité de restaurer des règles de sécurité en Europe». Le même mois, l'Australie a fait savoir qu'elle ne signerait pas pour les mêmes raisons de «souveraineté» et de «protection des frontières». Le 1er novembre 2018, l'Autriche a annoncé le retrait de sa signature craignant que ce Pacte n'institue la migration comme «un droit de l'homme». Les Polonais et les Tchèques ont, le même mois, à leur tour jeté l'éponge affirmant que «la protection des frontières était une priorité absolue». La Belgique est divisée sur le sujet ainsi que l'Allemagne. Israël a fait savoir à l'ONU, dès 2017, qu'il privilégiait les accords bilatéraux pour le recrutement de main-d'œuvre non qualifiée et ne sera pas non plus signataire du Pacte.
Et la liste des non-signataires n'est sans doute pas close.
La liste des non-signataires n'est sans doute pas close.
Pour l'ONU, 250 millions de personnes sont actuellement sur les routes de par le monde. Soit 3.4% de la population mondiale. «Le phénomène va durer pendant des siècles» a affirmé le 14 juillet 2018, Miroslav Lajčák, président de l'Assemblée générale des Nations Unies. Toute la question est cependant de savoir si ce Pacte ne risque pas démultiplier le phénomène qu'il prétend planifier.
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