Éliette Abécassis explique pourquoi le Golem est toujours d’actualité
La romancière et l’illustrateur Benjamin Lacombe ont publié ensemble L’ombre du Golem, un message qui nous apprend à lutter contre le désespoir de la réalité
Journalistes
Sandrine Szwarc - Times of Israel
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Le Golem est un thème qui ne cesse de fasciner les consciences contemporaines. On se rappelle que le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, notamment, a consacré à cette légende une exposition-événement qui s’est terminée il y a peu.
Le Golem est de nouveau sous les feux des projecteurs avec, la parution ces jours-ci chez Flammarion du nouveau livre d’Éliette Abécassis, artistiquement illustré par Benjamin Lacombe qui, au-delà de la fiction, délivre un message qui nous fera tous réfléchir sur les frontières mouvantes entre la science et sa conscience ainsi que sur le Bien et le Mal.
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De quoi parle donc ce livre ? Le récit de L’ombre du Golem se déroule au 16e siècle. Il nous fait rencontrer le rabbi Yehouda Loew ben Bezalel, autrement dit le Maharal de Prague, son ami l’astronome Tycho Brahé ou l’Empereur Rodolphe II et même le Golem, protecteur des Juifs persécutés. En effet, une grand-mère praguoise, Zelmira, décide de raconter à ces petits-enfants une histoire qui lui est arrivée alors qu’elle était elle-même enfant.
Cet événement a marqué toute son existence et son grand-âge lui intime de rendre public ce secret qui a bouleversé sa vie. Mais pas seulement, car l’humanité aussi est concernée. Zelmira commence alors le récit d’une nuit particulière au cours de laquelle elle croise la route du Maharal de Prague et assiste, en secret, à la création du Golem.
L’ombre du Golem, chez Flammarion, le nouveau livre d’Éliette Abécassis, illustré par Benjamin Lacombe.
« J’avais assez de souvenirs et de questions et l’envie grandissante de retourner voir ce fameux Golem, cette créature incroyable, invention du plus grand génie de Prague », dit le personnage qui va se lier d’amitié avec le Maharal, son épouse et son Golem.
Le récit d’Éliette Abécassis reste fidèle à la légende. La talentueuse écrivaine nous explique pourquoi avoir choisi d’écrire sur ce thème.
« C’est un thème qui est doublement d’actualité. D’abord, parce que nous sommes menacés en tant que juifs comme du temps du Maharal comme le montre l’actualité récente. Et l’on se plaît à imaginer qu’il puisse exister une créature qui nous défende contre cet antisémitisme barbare et insupportable. Et d’autre part — et les deux thèmes se rejoignent —, le Golem rappelle la machine que l’homme crée et qui va finir par dominer l’homme. »
« Dans des moments de crise de civilisation comme celle que nous vivons actuellement avec l’évolution technologique et la domination de la science, étrangement, les gens se retournent souvent contre les Juifs comme s’ils étaient des vestiges de cette humanité dont il faut à la fois témoigner et attaquer sans cesse. J’ai écrit ce récit illustré pour la jeunesse en pensant à ce que la technologie fait aux enfants. Personnellement, j’ai eu l’impression de perdre le lien avec mes enfants à cause du portable, une création humaine qui vient nous dominer et finalement se retourne contre nous. C’est précisément ça le thème du Golem. »
Le Golem trouve son origine dans les Textes de la tradition juive. Le mot apparaît en effet dans le Livre des Psaumes 139 pour qualifier une masse informe. Et l’on peut même considérer qu’Adam serait le premier des Golem puisque selon la Genèse, l’homme originel a été créé par Dieu lors du sixième jour de la Création à partir de la poussière de la terre qu’il façonna à son image, avant de l’animer de son souffle. Eliette Abécassis nous explique ce qu’est un Golem.
« C’est une créature d’argile que le Maharal de Prague, un sage et un scientifique au savoir universel à qui l’on prête des inventions extraordinaires, a créée. C’est une légende à la lisière du réel et du fantastique, mais on peut la prendre comme une invention scientifique du Maharal qui aurait créé une sorte de robot. Ce robot est créé par désespoir pour la défense exclusive de sa communauté devant les pogroms qui déciment les Juifs d’alors. Le Golem va effectivement les défendre et ramener le calme dans les esprits de sa communauté. Mais cette créature créée par le Maharal va finir par se retourner contre son créateur, exactement comme je disais que les machines prennent le contrôle de nous. »
Benjamin Lacombe, qui a signé les illustrations et de qui Éliette Abécassis nous dit qu’il est « un grand artiste et un dessinateur parmi les meilleurs de sa génération ». (Crédit : Alyz/Flammarion)
Cette légende bien qu’apparue à une époque ancienne, passe les époques, et reste d’actualité, véhiculant un message à la fois universel et indémodable, car adaptable à tous les temps.
« Je dirais, complète Éliette, une légende bien plus qu’indémodable car le Golem a inspiré tous les super-héros — Superman, Spiderman, les Xmen, etc. — parce qu’il reprend le mythe de l’homme et de la machine, mais finalement du surhomme, de celui qui se rêve plus fort, plus puissant qu’il n’est. Ce mythe est actuellement d’actualité grâce au transhumanisme qui est cette idéologie qui veut augmenter l’homme et le rendre quasiment immortel. C’est-à-dire de faire de tous les hommes des Golems. »
Dans ce livre pour toutes les générations, à partir de 11 ans, les dessins de Benjamin Lacombe prolongent la plume d’Éliette Abécassis.
« Absolument, le livre est illustré et je dirais même peint par un grand artiste et un dessinateur parmi les meilleurs de sa génération. Dans la conception des personnages, nous avons travaillé ensemble parce que nous les avons pensés ensemble. Quand je les décrivais, Benjamin Lacombe les dessinait. Et cela donne un livre avec de très belles illustrations dont certaines sont de véritables tableaux. Et j’en suis très fière, » souligne la romancière au Times of Israël.
En résumé, un très beau livre qui mêle sens et conscience s’adaptant à tous les lecteurs du plus petit aux plus grands pour rappeler l’histoire du Golem en échos avec le temps présent.
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