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2022, année charnière, par David Bensoussan

2022, année charnière, par David Bensoussan

Alors que la planète se remet tant bien que mal de la pandémie de la COVID, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé l’équilibre géopolitique et a affecté l’économie mondiale. La confirmation d’un troisième mandat à la présidence et sans limite d’âge de Xi Jinping, la crise de l’énergie et de l’alimentation tout comme le résultat mitigé des républicains américains constituent un tournant important du contexte géopolitique et économique des pays industrialisés.

Les conséquences de l'invasion de l'Ukraine

Confortée par le désistement des États-Unis au Moyen-Orient, puis par la débâcle américaine en Afghanistan en 2021, la Russie a tour à tour grugé des territoires en Ukraine (Crimée, Donbass) sans que les pays occidentaux réagissent fermement. Mais l’invasion de l’Ukraine a été la goutte qui a fait déborder le vase.

L’opposition des pays occidentaux à cette invasion a été unanime. Des sanctions économiques ont été imposées sur la Russie et de grandes compagnies occidentales ont tout simplement laissé tomber leurs investissements. L’économie et l’armement russes ont peine à vivre avec la cessation de l’importation de senseurs et de semiconducteurs avancés.

Le projet de pipeline gazier russe Nord Stream a été abandonné et l’économie de l’Union européenne en souffre. À moyen terme, les exportations de gaz américain pourront répondre aux besoins énergétiques européens.

Quand on sait que la puissante Russie est allée quémander des drones et des missiles à l’Iran et à la Corée du Nord, qu’elle a recouru à la conscription de plus de 300 000 soldats et à l’engagement de forçats dans les troupes de mercenaires de Wagner pour venir à bout d’une «opération militaire», on comprend que les choses vont au plus mal. Les pertes en équipement de la Russie ont été plus importantes que l’ensemble des armements que l’Ukraine a reçu des pays occidentaux.

Les démocraties ont armé l’Ukraine d’armes défensives redoutables. Elles se sentent soudées et recherchent à revitaliser l’OTAN. Le président Trump avait secoué les pays de l’OTAN les accusant de vivre aux crochets de l’Amérique et les forçant à augmenter leur budget de défense. Il avait en outre interdit l’adoption des produits chinois de haute technologie, dont les télécommunications. Cette interdiction a été renforcée par le président Biden qui a prohibé la vente des technologies de semiconducteurs avancés à la Chine.

La Chine  

Xi Jinping est devenu le président permanent de la Chine. Il ne souffre aucune critique ou dissidence au Politburo et il s’est entouré de personnes «sûres». L’agressivité dont il a fait preuve en mer de Chine, au détroit de Taiwan et à proximité des îles japonaises de Senkaku a fait que les pays de l’Asie du Sud-est se sont ralliés aux États-Unis. Xi Jinping — qui s’est promis de rallier de gré ou de force Taiwan à la Chine — doit suivre de près ce qui s’est passé en Ukraine : d’une part, l’armement russe copié ou construit sous licence en Chine ne semble pas avoir été performant; d’autre part, le ralliement des pays occidentaux contre la Russie et leur aspiration à la «déglobalisation» au prix d’une inflation non négligeable doivent lui donner à réfléchir.

L’hubris de son infaillibilité a reçu un sérieux coup de semonce avec l’abandon de sa politique du «zéro COVID» dont il a longtemps vanté la sagacité.

À surveiller

La fourniture d’engrais sérieusement ralentie par la guerre en Ukraine devient un problème vital. Y répondre est essentiel si l’on veut éviter une crise de famine mondiale.

L’Iran se rapproche dangereusement de l’arme atomique. La population iranienne ne fait plus confiance aux mullahs qui recourent à la violence. Devant le danger iranien, les pays du Golfe soudent leurs liens militaires et diplomatiques avec Israël. Même l’erratique président turc Erdogan fait des appels de pied à Israël depuis plus d’un an. Des décisions cruciales devront être prises à ce sujet.

Selon toute probabilité, la Russie prépare une attaque massive de l’Ukraine au printemps 2023 en tenant compte des leçons tirées sur la performance de l’Armée rouge en 2022. Le fait que la Pologne ait décidé de faire des exercices militaires avec 200 000 soldats et autant de réservistes au mois de mars 2023 est peut-être le signe que ce pays se prépare au pire.

Dans son ouvrage prémonitoire Le problème de la Chine publié en 1922, le philosophe britannique Bertrand Russell avançait avec enthousiasme que la Chine avec ses ressources, sa population et son esprit patriotique, pouvait devenir «la plus grande puissance du monde après les États-Unis.» Mais il ajoutait également une réserve : «le danger du patriotisme est que, dès qu’il s’est avéré assez fort pour une défense réussie, il est susceptible de se tourner vers l’agression étrangère.»

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