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24 octobre 1870 - Promulgation du décret Crémieux

24 octobre 1870 - Promulgation du décret Crémieux

 

Son nom restera à jamais associé au destin des juifs d’Algérie. Isaac Jacob Crémieux, plus connu sous le nom d’Adolphe Crémieux, est l’homme qui a contribué à l’assimilation de la communauté juive à l’époque où l’Algérie était encore une colonie française. Né le 30 avril 1796, il est issu d’une famille juive spécialisée dans le négoce de soie. Avocat, franc-maçon, député, sénateur et ministre, ardent défenseur de la cause juive, Adolphe Crémieux fut élu président du Consistoire central israélite de Paris en 1843 et de l’Alliance israélite universelle en 1864.

Promu en 1870 ministre de la Justice du gouvernement provisoire de Défense nationale, instauré après la chute du Second Empire face aux Prussiens, il fait promulguer, le 24 octobre 1870, six décrets pour régenter la vie administrative et sociale en Algérie. L’un met fin à l’administration militaire dans la colonie, un autre interdit la polygamie aux juifs d’Algérie. Le plus important leur accorde de facto la citoyenneté française. Publié au Bulletin officiel de la ville de Tours le 7 novembre 1870, il s’énonce ainsi : « Les Israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français : en conséquence, leur statut réel et le statut personnel sont, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française. Tous les droits acquis jusqu’à ce jour restent inviolables. Toutes dispositions législatives, décret, règlement ou ordonnance contraires sont abolis. »

La présence de la communauté juive au Maghreb remonte au Ve siècle avant J.-C. D’autres s’y installent quelques siècles plus tard, notamment à la suite de la répression exercée par l’empereur Titus en Palestine après la destruction du Temple en l’an 70. À la faveur de la conquête musulmane en Afrique du Nord, les communautés juives obtiennent le statut de dhimmi. Ce cadre leur accorde la liberté du culte, mais leur attribue un statut juridique inférieur à celui des musulmans. Après la victoire des Rois Catholiques contre les troupes musulmanes et la chute de Grenade en 1492, la chasse aux juifs est ouverte en terre ibérique. Fuyant la mort et la persécution, des milliers d’entre eux trouvent refuge dans les pays du Maghreb. Lorsque les troupes françaises s’emparent de la Régence d’Alger, en 1830, on y compte quelque 30 000 juifs, résidant essentiellement dans la région d’Alger et de Constantine. Ils sont soumis au même régime de l’indigénat que les populations musulmanes.
L’empereur Napoléon III veut mettre fin à cette situation. Le 17 septembre 1860, il foule le sol algérien avec en tête un grand projet : la création, sous la bienveillance et la protection de la France bien sûr, d’un royaume arabe qui s’étendrait d’Alger à Bagdad. Sous le Second Empire, Européens et indigènes seront égaux en droits et en devoirs. Fort d’une pétition de 10 000 signataires juifs réclamant la « naturalisation collective », Napoléon III fait promulguer, le 1er juillet 1865, un sénatus-consulte en vertu duquel juifs et musulmans pourraient accéder, à titre individuel, à la nationalité française, à condition de renoncer à la loi religieuse. Cette procédure suscite peu d’échos. Le sénatus-consulte est considéré comme une hérésie, autant par les juifs que par les musulmans.

Pour remédier aux insuffisances du sénatus-consulte, Adolphe Crémieux fait donc adopter le décret qui portera son nom, mais qui, aussitôt promulgué, provoque une vague de colère. La défaite de la France contre l’Allemagne et une terrible famine qui décime des milliers d’entre eux accentuent le ressentiment des musulmans. Jugé discriminatoire et offensant, le décret Crémieux sera à l’origine d’une série de révoltes conduites par des chefs religieux. Le 8 avril 1871, Cheikh Aheddad décrète le djihad contre la France. Des milliers de personnes périssent dans l’insurrection, dont les chefs sont déportés en Nouvelle-Calédonie. Dans l’espoir de mettre fin à la révolte, le chef du gouvernement provisoire, Adolphe Thiers, dépose, le 21 juillet 1871, un projet d’abrogation du décret. Sous la pression du banquier Alphonse de Rothschild, sa proposition sera repoussée. Le décret Crémieux ne sera finalement abrogé qu’en octobre 1940, sous le régime de Vichy.

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