380 roquettes sur Israël, 4 morts chez les lanceurs ? (011311/18) [Analyse]
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
380 roquettes tirées par les milices islamiques sur Israël en moins de 24 heures. Pour mémoire, durant la pire journée de l’opération "Tzuk Eitan" [rocher inébranlable] en 2014, 250 projectiles avaient été lancés depuis Gaza sur l’Etat hébreu.
Un homme d’une quarantaine d’années a été tué autour de minuit lorsque la maison qu’il habitait à Ashkalon a été frappée de plein fouet par un Qassam ; il s’agit de Mahmoud Abou Assva, un Palestinien de Khalkhoul, en Cisjordanie, qui séjournait illégalement, pour des motifs qui restent à définir, dans la ville côtière où vivent 130 000 personnes.
La victime a été découverte par des voisins, enfouie dans les décombres, une heure après que les services de secours eurent déjà quitté les lieux.
Dans le bâtiment en question, les mêmes services ont mis 40 minutes après l’explosion du projectile pour dégager une femme de soixante ans, inconsciente, atteinte par le souffle de la détonation et souffrant de nombreuses blessures occasionnées principalement par des éclats de verre.
Deux autres femmes ont été découvertes, bien après le retrait des secouristes, par un civil venu prendre des photos de la maison détruite. Elles sont dans un état critique. Le traitement de ce sinistre restera sans doute parmi les échecs les plus cuisants des organes de sauvetage depuis la création d’Israël.
En tout, c’est une soixantaine de personnes qui ont été blessées dans la journée et la nuit de lundi dans notre pays. Parmi celles-ci, trois se trouvent dans un état grave, une est moyennement atteinte et 23 sont légèrement touchées, par des éclats de verre, le souffle d’explosions, l’inhalation de fumée, et pendant qu’elles courraient pour se mettre à l’abri.
Une trentaine de patients supplémentaires sont en état de choc.
Parmi les blessés en sérieuse situation médicale, on compte le jeune soldat de 19 ans qui se trouvait dans le bus attaqué par les milices au missile antichar Kornet au tout début de la confrontation actuelle.
Arrivé à l’hôpital Soroka de Beersheva dans un état désespéré, criblé de shrapnels dans tous le corps, il a été opéré simultanément par plusieurs équipes de chirurgiens onze heures durant. Ce matin, le directeur de l’établissement hospitalier a déclaré que "son pronostic vital n’était plus immédiatement engagé".
Côté gazaoui, le Khe’l Avir, les hélicoptères d’assaut et les chars ont détruit environ 150 objectifs, incluant trois tunnels stratégiques, des installations militaires, des postes d’observation, des manufactures d’armes et des sites de lancement.
Presque chaque fois, Tsahal a averti les occupants de ces infrastructures de l’imminence d’une frappe, ce qui explique le nombre très restreint de morts, 4. Tous des miliciens, deux du Hamas, deux du Djihad islamique, aucun civil ne figure dans le bilan des frappes de l’Armée israélienne.
En plus de ces cibles, l’Aviation des Hébreux a anéanti l’immeuble de la télévision du Hamas, Al Aqsa, qui encourageait les sympathisants islamiques de Gaza et de Cisjordanie à perpétrer des assassinats d’Israéliens. Al Aqsa continue cependant d’émettre des programmes limités à partir de studios souterrains.
Le Khe’l Avir a également oblitéré l’ "hôtel" al Amal [l’espoir], qui ne servait plus d’hôtel depuis longtemps mais abritait un nœud important du renseignement du Hamas.
De plus, les avions à l’étoile de David ont réduit en poussière sept immeubles d’habitation qui étaient occupés par les chefs des milices islamiques. Toujours après avoir employé la technique "toc-toc" [on frappe à la porte] afin d’aviser les occupants de frappes imminentes et de leur permettre de se mettre à l’abri.
Ce mardi matin, la Marine de guerre israélienne s’est mêlée au combat contre les milices islamiques. Le cabinet politique-sécuritaire est réuni depuis 9h autour du Premier ministre, y participe l’état-major de Tsahal ainsi que les représentants des services de renseignement.
Le gouvernement a informé les médiateurs égyptiens, ceux de l’ONU et les pays amis qui avaient proposé leurs bons offices pour parvenir à un cessez-le-feu qu’une trêve n’était pas, pour le moment, à l’ordre du jour.
L’on s’attend à une décision mi-figue mi-raisin du cabinet politique-sécuritaire, qui va sans doute décider d’une opération terrestre limitée, qui ne chassera pas les milices islamiques de Gaza et ne prodiguera pas, de cette manière, la paix et le calme auxquels aspirent légitimement les habitants du pourtour de Gaza.
Les habitants d’Israël, en général, ceux du Sud, en particulier, sont très remontés contre leurs dirigeants. Ils vivent avec le sentiment diffus que, depuis huit mois, ils servent de chair à canon à la politique sans queue ni tête de ce gouvernement. Ils demandent une action réelle afin de se débarrasser des miliciens et non plus un trompe-l’œil.
Nous, dont c’est le métier, avons les mots pour expliquer ce qu’ils ressentent. Un chiffre suffit à exprimer ce qui ne va pas : les miliciens ont tiré 380 roquettes sur les Israéliens, avec les conséquences que l’on sait, et ils n’ont eu que quatre morts. Et deux seulement en train de tirer des fusées Qassam. Autant dire que s’ils sont parvenus à tirer un aussi grand nombre de projectiles sur les habitants du Néguev, c’est qu’on les a laissé faire !
Par bonheur, nous possédons le Dôme de fer et ses missiles Tamir, sans eux et leurs 130-150 interceptions, le bilan aurait viré au carnage. Mais, on l’a vu, la protection qu’ils assurent n’est pas absolue, leur barrage n’est pas hermétique, surtout face aux salves de dizaines de Katiouchas tirées simultanément. Il y en a parfois une qui échappe aux Tamir et qui explose sur une maison. C’est arrivé à Ashkelon, que les milices islamiques ont décidé de transformer en ville martyr, mais aussi à Sdérot et à Nétivot, et dans nombre d’autres endroits.
Or la tâche numéro un de l’Armée – comme son nom l’indique : Tsahal, Armée de Défense d’Israël – est de défendre sa population et son territoire. Elle est censée, avant de s’occuper de l’immeuble de la télévision du Hamas, de faire la chasse absolue et ininterrompue aux lanceurs de Qassam. De les empêcher de lever la tête, au risque de la perdre.
Tsahal a les moyens de le faire, notamment en suivant les formations de lanceurs avec ses drones, et de les débusquer dans les vergers et sous les bâtiments ; il l’a fait avec une grande réussite lors de Tzuk Eitan en 2014, mais il ne le fait pas maintenant. Pourquoi ?
Hier, j’ai compté plusieurs heures – par exemple entre 20h et minuit ! - durant lesquelles les habitants ployaient sous des dizaines de projectiles, sans que le Khe’l Avir n’intervienne à Gaza directement contre les responsables de ces tirs. C’est plus qu’un scandale, c’est une aberration, presque un cas de trahison, en tout cas contre la fonction primordiale de l’Armée.
Et je n’accuse certainement pas les pilotes ni les commandants des unités aériennes et terrestres, ils réalisent tous à la lettre et avec professionnalisme et dévouement les missions qui leur sont confiées. Je mets en cause Binyamin Netanyahu, qui ne sait pas ce qu’il fait.
Il laisse des groupuscules – 30 000 miliciens tout au plus – sans chars, sans canons et sans avions, terroriser et tuer les citoyens d’un pays pouvant aligner un million de soldats dans l’une des plus puissantes armées du monde, paraît-il.
Je ne suis pas un partisan des visions politiques et "humanitaires" de Vladimir Poutine, mais je peux vous assurer que si une seule roquette avait frappé une ville russe de 130 000 âmes, il ne resterait plus une pierre sur une pierre à Gaza. Poutine ne serait assurément pas allé se coucher pendant qu’un quart de ses administrés croupissaient dans les abris – pour ceux qui en possèdent – sous les bombes de terroristes islamiques. C’est absurde ! C’est de l’abandon de poste, de l’indifférence !
De plus, laisser cette situation se prolonger pendant une journée sans noyer les miliciens sous les bombes n’a aucun sens. Le temps de réaction militaire à des bombardements de cette envergure sur les villes israélienne doit être d’une heure tout au plus. Et nous en avons évidemment les moyens.
Nul ne doit pouvoir bombarder nos villes impunément si nous avons les moyens de l’en empêcher. Tous les moyens nécessaires afin d’empêcher un ennemi de bombarder nos villes doivent être mis en œuvre immédiatement, totalement, sans hésitations et sans considérations politiques !
Je ne suis pas le seul de cet avis, loin s’en faut. A la Ména, Stéphane Juffa partage mon point de vue. Et Ehud Barak, celui qui est considéré comme le meilleur soldat de Tsahal de tous les temps et comme un stratège de premier plan mondial, a ainsi déclaré hier lors d’une interview avec notre confrère Oded Ben Ami : "Le gouvernement, depuis huit mois, abandonne les citoyens du Sud. C’est au Hamas qu’il faut chercher de la conviction, et celui qui décide, c’est Ykhyé Sinwar [le chef du Hamas]. Les ministres du cabinet se disputent comme des enfants. C’est un gouvernement qui ne sait pas diriger une opération à Gaza. Je regrette que nous devions tous en payer le prix".
L’ancien chef d’état-major, ministre de la Défense et Premier ministre a aussi déclaré qu’en se rendant à Paris, M. Netanyahu savait qu’une opération délicate allait se dérouler à Gaza durant son absence. "L’estomac se torsade en pensant que la nuit où doit avoir lieu une opération comme celle-ci, celle qui dirige le pays est – sur décision personnelle du premier ministre -, Miri Regev !". Madame Regev est la ministre du Sport et de la Culture et ne possède pas les connaissances militaires voulues pour gérer une crise de l’ampleur de celle générée par l’échec de la mission du commando à Khan Yunis, dimanche dernier.
En plus du Hamas, qui doit être aussi surpris que nous de la marge de manœuvre que lui laisse Binyamin Netanyahu pour l’instant – les tirs de roquettes sur nos villes se poursuivent avec autant d’entrain et une capacité de nuisance quasi-intacte – d’autres épient les aptitudes d’analyses stratégiques d’Israël et sa capacité à réagir correctement à une attaque. Je pense évidemment aux Iraniens, au Hezbollah et aux Syriens, sans parler des Russes. Et les incohérences que nous leur laissons voir peuvent avoir des conséquences préjudiciables lors de nos prochaines confrontations militaires.
Une dernière chose : Binyamin Netanyahu a tenu une conférence de presse à Paris. Il est intervenu publiquement plusieurs fois la semaine dernière. Mais depuis son retour au pays, dans la nuit de dimanche à lundi, il ne s’est pas adressé ne serait-ce qu’une seule fois à ses compatriotes soumis aux Katiouchas des milices islamistes.
Pour leur dire sa solidarité, par exemple, et les assurer de son soutien et de sa sympathie (c’est la moindre des choses). Mais surtout, pour leur expliquer ce qu’il entendait faire afin de mettre un terme à leur calvaire inutile, en leur soumettant un projet d’action efficace auquel ils ont indubitablement droit. Cela fait 24 heures qu’ils se pressent dans les abris sans que personne ne leur dévoile les intentions de leur gouvernement. Le ministre de la Défense, Avigdor Liebermann, pas plus qu’aucun autre membre de l’exécutif ne s’est encore adressé aux Israéliens. Dont note.
Il est treize heures trente à Tel-Aviv, les ministres n’ont toujours pas terminé leur réunion. Les lanceurs de roquettes, quant à eux, continuent de faire pleuvoir leurs projectiles sur le Néguev. Presque sans être dérangés. Les trois dernières fois, sur les Conseils régionaux de Shaar Hanegev et de Sdot Negev. A 11h50, à midi 31 et midi 57. Cela recommence toutes les dix minutes sur l’ensemble des agglomérations du pourtour de Gaza, depuis 24h.
Autre chose : un lanceur de roquettes, un, a été abattu à 9h37 dans le nord de la bande de Gaza alors qu’il s’apprêtait à lancer sa fusée sur Ashkelon. Et un groupe de miliciens, à 11h42, a tenté de franchir la barrière de sécurité. Deux d’entre eux ont été neutralisés par les tirs d’un hélicoptère d’assaut. Cela porte le nombre des miliciens islamiques éliminés à 7.
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