ALTNEULAND Un roman de Théodore HERZL
SI HERZL REVENAIT AUJOURD’HUI, IL NE SERAIT PAS DÉPAYSÉ CAR IL RETROUVERAIT LES INGRÉDIENTS D’UN PAYS QU’IL AVAIT IMAGINÉ AU PLUS PROFOND DU DÉSESPOIR JUIF. UN ROMAN À DÉCOUVRIR OU À REDÉCOUVRIR
Théodore HERZL est bien sûr connu pour son ouvrage célèbre l’État juif mais il n’était pas attendu comme romancier, auteur d’Altneuland. On n’imaginait pas, dans ce genre d’exercice, le journaliste sérieux qui avait manifesté sa réprobation devant le déroulement du procès du capitaine Dreyfus.
Le roman commence par une description de la vie de la bourgeoisie juive autrichienne avec ses cachotteries, ses rivalités et ses mesquineries où la considération se mesure à l’étendue de la richesse des familles. Cette entrée en matière se voulait en fait un contraste avec la vie qu’avait choisie de mener ultérieurement son héros.
On le sait, Herzl avait un don de visionnaire qui lui permettait d’imaginer comment concevoir un État juif alors que le projet semblait bloqué de toutes parts. Mais son imagination débordante lui a permis de décrire en 1902 l’ébauche d’un futur État juif tel qu’il l’envisageait en 1923 alors qu’il devait mourir en 1904.
L’auteur imagine alors que son héros s’isole pendant vingt ans dans une ile déserte, totalement coupé du monde et de l’Europe pour revenir en Palestine découvrir un pays qu’il ne reconnait plus. Avec la vision prémonitoire qui le qualifie, il avait prévu plusieurs années auparavant le retour en masse en Palestine des Juifs du monde parce qu’il avait anticipé les difficultés des Juifs en Diaspora : «il était devenu insupportable aux Juifs de continuer à vivre en Europe».
Quelle vision négative du monde pour être capable d’anticiper en 1902 un monde qui devait subir tous les cataclysmes ! Mais Herzl reste très positif puisqu’il conçoit comme une utopie sociale une nouvelle société bâtie sur un mode coopératif, une société pluraliste, idéale, avancée qui devrait être une «lumière pour les nations» et qui donnerait aux femmes les mêmes droits que les hommes.
Il est impossible que ce livre, qui explicite clairement le symbole de l’idéal sioniste, ait pu laisser insensibles les Juifs qui l’ont lu à l’époque alors que rien ne laissait prévoir la création d’un État juif tant l'assimilation avait fait ses dégâts en Autriche.
Au détour de ses rêveries, il reprend sa plume de journaliste pour décrire la vie arabe de l’époque sans imaginer que plusieurs dizaines d’années plus tard, elle serait d’une actualité encore brûlante : «la majorité des Arabes musulmans ne possédaient rien, n’avaient rien à perdre et naturellement ne pouvaient que gagner. Ils ont gagné au point de vue travail, nourriture et bien-être. Il n’y avait rien de plus misérable et de plus lamentable qu’un village arabe de Palestine à la fin du 19ème siècle. Les paysans habitaient dans des masures de terre, dont les animaux n’eussent pas voulu.»
Si Herzl revenait aujourd’hui, il ne serait pas dépaysé car il retrouverait les ingrédients d’un pays qu’il avait imaginé au plus profond du désespoir juif. Un roman à découvrir ou à redécouvrir grâce à une maison d’édition canadienne entreprenante.
Le roman, édité par les Éditions du Marais (Montréal), est précédé par une préface de Claude SITBON dans laquelle il trace le portrait de l’auteur.
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