Après l’effroi et la meurtrissure, l’analyse froide.
Par Vanessa De Loya Stauber - Psychanalyste
Satellite des Frères musulmans d’Egypte, le Hamas, fondé en 1987, véhicule ouvertement un tissu de délires antisémites. Son enjeu enfin démasqué consiste à éliminer Israël de la carte. Son passage à l’acte le 7 octobre met en relief une effroyable désinhibition meurtrière.
Une fois dépassé la pétrification et l’immense douleur , tentons d’analyser le phénomène de convoitise.
René Girard avec sa grille peut nous aider à décrypter cette crise
mimétique.
Fondé sur un schéma triangulaire sujet – modèle-objet, le modèle involontèrement pointe au sujet ce qui est désirable . On assiste là à une fascination affirmée du sujet pour le modèle, ce dernier possédant ce dont il est démuni !
René Girard distingue deux modèles de désir via une médiation interne et externe. Toutes deux reposent sur la nature des différences sociales, culturelles et intellectuelles tout en signifiant une distance spirituelle
certaine.
L’absence de rivalité se définit par une simple imitation tandis qu’une rivalité déclarée s’intensifie de par l’ absence de contact entre le modèle et l’imitateur. Là, on assiste à la convergence des désirs sur un même objet qui ne fait qu’amplifier et déclencher une violence avec conséquences.
L’imitateur dit en sourdine : il a ce que je n’ai pas ! Frustration qui très vite se transfigure en haine du désir ! René Girard l’appellera « mimésis d’appropriation ». Il en découlera une dimension conflictuelle certaine. Les deux protagonistes deviennent interchangeables ! Chacun devient pour l’autre « le double monstrueux ». On assiste là à une interpénétration sujet/modèle qui aboutira à un dualisme admiration/ répulsion. Devenir le double monstrueux de l’autre pour l’éliminer.
Spirale dangereuse parce que tueuse, engendrant une violence généralisée dans des extrêmes qui atteignent un pur déchainement inhumain.
Cet éclairage offert par René Girard met en exergue le désir et sa litote , à savoir sa haine comme dimension signifiante. Faut-il admettre le caractère de la violence comme une catastrophe révélée ? Comment surmonter cette mise en désordre issue de la rivalité mimétique ou autrement dit du désir mimétique créateur de rivalité ? Désordre qui remonte au 14 siècle : les lépreux accusés de complot étaient exterminés, puis les juifs, les hérétiques et les sorcières. Logique sacrificielle du bouc émissaire !
La guerre actuelle s’enracine dans cette crise mimétique. Il nous importe de restaurer un nouvel ordre au Moyen-Orient et de dépasser l’électrochoc qui palpite encore en nous. Suite à la fureur sauvage et au carnage affolant subi par effraction, Israël s’érige, brave, désamorce nombre de dévastations et chagrins. Confrontée à l’absence et à son creux, l’émotion contagieuse et collective prend place.
Tension et joie mêlées du temps de la libération des premiers otages nous l’avons vécu sur le rasoir de l’emprise , suspendus à un feuilleton imposé par le Hamas, distillant des listes arbitraires.
Certes la colère persiste à envahir nos états d’âme malgré nous.
Comment supporter l’incandescence chauffée à son summum ? Comment neutraliser ou freiner cette avancée de combustion qui palpite, s’agrandit et se propage sur Israël ?
Comment taire cette désinhibition de l’antisémitisme propagé avec fracas qui désigne Israël coupable sans présomption d’innocence ?
Déni fragrant enfièvré , issue d’une ignorance historique plate. L’isolement répercuté par la caisse de résonance des nations hostiles ne réussira pas à nous retrancher dans un repli invectivé. Nous assumons cette solitude, haut la main.
Si loin du processus de séduction, Israël ne se préoccupe plus de plaire ni d’être approuvé. Il en va de sa survie et de sa légitimité. L’historien Georges Bensoussan déplore l’absence d’homme d’Etat au Moyen- Orient. Depuis Nasser et Arafat seule la domestication mentale fait office d’idéologie .Point
de leader à suivre , juste du venin !
Les circonstances dramatiques vont-elles faire émerger un Mendès-France pour nous extraire de ce bourbier ? En attendant, nous assistons à un réel rebond du sionisme revivifié par la jeune génération . Celle qui en diaspora s’est précipitée de revenir au pays dés l’annonce de la guerre. L’existence juive souveraine serait-elle inébranlable ? Et si notre ressort reposait sur notre croyance à une
légitimité certaine d’être à une place non usurpée .
De ce piège tendu, espérons déboucher sur une clairière pour notre santé mentale déjà bien ébranlée.
Nous préférons les terrasses aux bas-fonds !
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