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Big Brother chinois, par David Bensoussan

Big Brother chinois, par David Bensoussan

Un ami qui revenait de Chine me raconta que lorsqu’il partit prendre des billets de train pour Shanghai pour son guide et lui-même à la gare de Beijing, le guichetier l’informa que son guide ne pouvait voyager, et pour cause : il avait été repéré quelques jours plutôt traversant la rue en dehors du passage clouté, avait été reconnu par des caméras de surveillance et était donc interdit de voyage pendant 10 jours.

Le régime chinois est obsédé par le contrôle de la population. Ses moyens ont été multipliés par la technologie des caméras de surveillance, de la reconnaissance faciale et de la localisation des téléphones. Les réseaux sociaux sont surveillés lorsqu’ils ne sont pas fermés.

C’est ainsi que plusieurs manifestants contre la politique du zéro covid ont été interpelés par la police dans les 48 heures pour recevoir un sérieux avertissement. Qu’il soit dit que bien des manifestants parmi les étudiants scandaient « Nous voulons plus de liberté et de démocratie » et changeaient leurs slogans à celui de « Nous voulons plus de tests covid » à l’approche de l’escouade policière menaçante.

Du jamais vu et du jamais entendu depuis plus d’une décennie !

De telles manifestations constituent un nouveau phénomène, la dernière en date étant la révolte de Tiananmen qui fut réprimée par l’armée chinoise en 1989. La politique de zéro covid a littéralement emmuré des millions. Ainsi, des résidents ne purent sortir d’un immeuble en feu, car l’issue de secours avait été scellée.

La Chine n’a pas vacciné sa propre population et ses médias officiels n’ont eu cesse de critiquer les démocraties occidentales à tous les niveaux et spécialement celui de leur réponse à la pandémie comparé à la dictature chinoise. Pourtant, le vaccin chinois Sinovac a été distribué par milliards sur la planète. Il s’est avéré moins efficace que les vaccins occidentaux.

Le gouvernement chinois s’est entêté à maintenir le confinement de quartiers entiers pour limiter les risques de contamination jusqu’à ce que la période d’incubation soit passée. La densité de la population relativement élevée dans les logements exigus rend les mesures de distanciation difficiles. L’entêtement du gouvernement chinois qui n’a pas voulu reconnaître que sa politique de confinement quasi carcérale n’aura pas été la meilleure réponse à la pandémie et qui, par fierté, refuse encore d’importer des vaccins occidentaux crée un climat toxique en Chine. Les frontières de la Chine ont été fermées pendant deux ans.

L’économie en souffre.

La répression et le ralentissement économique constituent un mélange explosif. La population est prise en étau par les méthodes de contrôle gouvernementales radicales.

L’autorité du président Xi Jinping a été secouée par les manifestations récentes contre la politique du zéro covid, qui se sont accompagnées parfois par des remises en question de la dictature. Aussi Xi Jinping a allégé les mesures gouvernementales, contrevenant au discours officiel ressassé par la machine de propagande gouvernementale pendant la pandémie. Les tests de la covid ont cessé dans les endroits publics, sans autres commentaires.

Comment l’autorité de la République populaire chinoise a-t-elle évolué depuis Mao ?

Mao Tse Toung (1949-1976) visait la révolution permanente. C’était un populiste tyrannique. Son discours antiélitiste s’adressait avant tout à la masse paysanne.  Il a tiré la Chine de la misère, mais à un prix ahurissant : ses politiques de persécutions de religieux dès 1950, de collectivisme communiste et de Grand Bond en avant furent responsables de la mort de 40 à 50 millions de personnes et ce chiffre atteindrait 60 millions selon certains analystes. La révolution culturelle lancée en 1966 visa à purger le parti communiste chinois (PCC), à « réformer » les intellectuels et à consolider son pouvoir. Sur le plan des relations extérieures, la Chine avait envahi la Corée du Nord en 1950 et apporté son soutien au Vietnam du Nord durant la guerre du Vietnam. Toutefois, Mao a joué la carte d’ouverture à l’Occident en 1972.
Série : Photographies de la Maison Blanche de Nixon, 1/20/1969 – 8/9/1974 (Crédit : domaine public/Collection du bureau des photos de la Maison-Blanche)

Après avoir mis fin à la révolution culturelle et ses excès, les présidents qui suivirent de 1976 à 1981 tentèrent de s’inscrire dans leurs grandes lignes les orientations de Mao Tse Toung. Une ère de changement s’amorça avec Jiang Zemin (1993-2003).

Jiang Zemin fut une personne pragmatique. Sa devise fut : « Peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape des souris. » Il accéléra la modernisation de la Chine en vue de remplacer la bureaucratie par une méritocratie. Il développa les relations de la Chine avec les nations asiatiques et occidentales et chercha également à normaliser à nouveau les relations avec la Russie. Ses réformes visaient un gouvernement et un PCC plus réceptifs aux besoins du peuple. Toutefois, la liberté d’expression connut un sérieux revers en Chine après la répression militaire de la révolte de Tiananmen Square en 1989. En outre, le mouvement spirituel des Falun Gong fut persécuté dix ans plus tard. La politique de Jiang Zemin consista à établir de facto un contrat social d’échange de la liberté pour la prospérité.

Hu Jintao (2003-2013) fut un technocrate et une personne de consensus. Il visa la stabilité sociale, la lutte contre la corruption, l’expansion économique et la modernisation de l’armée. Les Jeux olympiques de 2008, l’exposition de Shanghai de 2010 tout comme le lancement de la première sonde spatiale habitée de la Chine firent prendre conscience au monde de la superpuissance en devenir qu’était la Chine.

Xi Jinping (2013 —) est le premier leader à accumuler trois mandats successifs à la présidence de la Chine. Il semble avoir remplacé l’autorité collégiale du PCC par une autorité quasi impériale. Il aime évoquer la grandeur passée de l’Empire chinois, rappelle incessamment les humiliations subies par la Chine au tournant du XXe siècle, tient des discours antiaméricains au PCC, discours qui sont diablement feutrés dans les traductions officielles. Sous sa présidence, le pouvoir de décision est passé entre ses mains, exclusivement.

Xi Jinping est devenu intolérant face à la dissension et a instauré un régime de peur, si ce n’est de terreur. Son autorité apodictique lui permet de faire interner 1,8 million de Ouïghours du Xinjiang dans des camps de « rééducation. »

Dans un document officiel qui a circulé en 2020, la chute de l’URSS a été imputée non pas au président Gorbatchev, mais à Khrouchtchev qui, en ayant divulgué les crimes de son prédécesseur Staline, aurait allumé le feu du nihilisme. Ce document officiel est révélateur de l’état d’esprit de Xi Jinping.

Dans l’esprit des dirigeants chinois, les malheurs de la Russie ont commencé avec un début de décentralisation du pouvoir par Khrouchtchev entre les années 1953 et 1964, suivis par des velléités démocratiques de la perestroïka à partir de 1985 et par la relaxation du pouvoir central russe au lendemain de la chute du mur de Berlin.

Comment Xi va-t-il gérer le ralentissement économique en raison de l’inflation au niveau mondial qui diminue la demande et va faire que la Chine ne pourra assurer suffisamment d’emplois ? Cela va bouleverser l’économie de croissance vertigineuse sur laquelle la Chine a assuré et établi son succès et cela risque également de créer des pressions économiques et sociales profondes.

Le fait que Xi soit réélu pour un troisième mandat n’augure pas grand espoir d’orientations nouvelles. Bien au contraire. Après plusieurs années d’économie de marché, Xi a introduit un grand nombre de restrictions au secteur privé durant son second mandat pour mieux le contrôler. Cette mesure de contrôle étatique n’a pas été concluante en plus d’instaurer l’inquiétude auprès des investisseurs étrangers.
Le président chinois Xi Jinping déclare les Jeux ouverts lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de 2022, vendredi 4 février 2022, à Pékin. (Crédit : Anthony Wallace/Pool Photo via AP)

Au niveau international, la Chine a également annulé des contrats d’importation de plusieurs milliards de dollars avec l’Australie après que son Premier ministre a critiqué le manque d’ouverture relativement à l’apparition du virus de la covid à Wuhan. Des représailles économiques qui se traduisent entre autres par le non-achat de voitures sud-coréennes ont été exercées contre la Corée du Sud lorsque ce pays a installé un système de défense antibalistique américain THAAD (destiné à contrer la menace nord-coréenne).

Sous Xi Jinping, la Chine s’est déclarée maîtresse en mer de Chine par où transitent 60 % des marchandises marchandes mondiales, au grand désarroi des pays riverains. Des reconnaissances militaires toujours plus osées à proximité de Taiwan et du Japon cherchent à intimider ces pays.

La triste renommée de la Chine

La réputation de la Chine est ternie. La crise de la covid a été fort mal gérée. De plus, la Chine refuse de donner des détails sur l’étendue de la pandémie après la suspension du confinement et va jusqu’à menacer de représailles les nations qui exigent un test covid des voyageurs chinois, test que la Chine exige des voyageurs de ces mêmes nations.

Les nations voisines se méfient des ambitions hégémoniques de la Chine et bien des pays qui ont bénéficié de la manne de l’ambitieux projet Belt and Road Initiative se plaignent de la corruption qui l’a accompagné ou encore de ce que leurs ressources naturelles soient hypothéquées pour pouvoir rembourser les prêts obtenus.

La Chine actuelle dispose de moyens financiers et militaires pour s’imposer toujours plus dans le monde. L’influence qu’elle exerce sur de nombreux pays tributaires du Belt and Road Initiative vise à les rallier à ses votes dans les organisations internationales. Par exemple, la Chine cherche à remplacer le principe du droit de la personne par celui de la non-ingérence dans les pays souverains.

Selon l’institut de recherche Pew qui fait des sondages de l’opinion publique dans le monde, les opinions négatives sur la Chine de larges majorités de la plupart des 19 pays sondés sont reliées à des critiques sur ses politiques en matière de droits de l’homme.

Selon Reporters sans frontières, le classement mondial attribue à la Chine le 177e rang en regard de la liberté de presse sur un total de 180 pays. 117 journalistes sont emprisonnés. Trois défenseurs de la presse sont morts en prison. Parmi eux se trouvait le prix Nobel Liu Xiaobo qui déclara en son temps :

« Je fais de mon mieux pour que chaque mot de ma plume soit un cri du cœur pour les âmes des morts. »

Big Brother n’est plus un thème de fiction.

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