Bob Oré Abitbol, par Arlette Sanders

Bob Oré Abitbol

par Arlette Sanders

Beaucoup se retrouveront dans ces jeunes adolescents au teint halé  et aux yeux pétillants, d’autres se souviendront avec émoi de  ces personnages qui peuplèrent leur Maroc du passé,  et sur qui l’auteur pose un regard d’une rare délicatesse.

Dans son style très particulier, une sorte de parole écrite  à musicalité qui fait ressentir les choses, cet homme au grand cœur nu nous éclaire à rebours notre quête d’enfance, nous menant avec lui, d’errances en délivrances.

Derrière le miroir déformant de la mémoire, il arrive à sertir des moments de vie et à en approfondir le sens.

Sa pensée roule comme une locomotive : Toutes les images se précipitent ensemble, se bousculent, s’entremêlent pour prendre  leur vol, et dans sa frénésie, il nous entraine sur les rails de notre passé.

Des images où  l’on se reconnait, celles où l’on s’enchante et où nous retrouvons cette résonnance qu’il y a en chacun de nous.

Parfois ce sont des prises de vue exceptionnellement belles ,un coucher de soleil flamboyant a Anfa, un homme a dos d’âne dans la pleine de l’Oureka, parfois une anecdote à vous fendre le cœur (l’oubli impardonnable d’une invitation), des images rocambolesques (cinq gamins sur un Solex, une petite Fatma qui montre ses fesses, des têtes de poissons) parfois tout simplement des images odorantes (les rues du Mellah, la Dafina de nos mères).

Il est le catalyseur, le révélateur du regard intime que l’on porte sur soi même, nous faisant ressentir nos vibrations et absorber, savourer les délices de l’introspection.

Or il s’avère que ce que nous lisons sont des spectacles,  scènes extraordinaires de vérité et de drôlerie, qui donnent une grande délectation aux sens et remplissent  les champs de l’âme que l’écrivain explore. Nos yeux sentent les odeurs, revoient les couleurs, entendent sa musique qui fut  aussi la nôtre.

Il a une approche crue  et, à la fois, d une simplicité qui nous désempare.

Il est tellement franc que nous en sommes désarçonnés.

Bien qu’ayant une parfaite maitrise de la langue française, l’auteur se permet toutes les extravagances et nous sommes sidérés par cette nouveauté littéraire, Dans une langue irrégulière et saisissante, négligeant toutes concordances de temps, le parfait devient présent et le présent, passé. A qui importent les points et les virgules quand on aime ?

Car c’était bien cela « la langue de chez nous » le Français du Protectorat !

Dans une grammaire baroque, ces nouvelles, truffées de références historiques ont une portée universelle considérable.

Il semblerait qu’il écrive pratiquement sans brouillon.

Les répétitions de scènes, de personnages, de décors, ont le magique effet de nous  intégrer chaleureusement, et de nouvelles en nouvelles, nous les retrouvons et les reconnaissons. Alors nos sentiments de déjà-vu nous donnent l’impression de faire partie des décors,  de la famille,  oui on les connait bien la petite Marika de Mogador, la grand-mère Meriem, les copains, les voisins, on s’en souvient.

Sa parole reste vive tenant en suspens tous nos sens dans une grande délectation de l’âme, elle touche les émotions par les yeux les goûts  les sensations dans une contemplation qui agit au cœur de l être et l’emporte, et l’entraine.

Le lire c’est se ressourcer.

Il nous propose beaucoup de douceur libérant des mémoires d une beauté respirant la paix,

C est une particularité que son regard  flamboyant d amour soit un moyen pour nous de changer le nôtre.

Le grand intérêt de cet ouvrage est aussi d’être, paradoxalement, d’une aveuglante clarté!

« Celui qui prend du recul voit clair, celui qui regarde de près ne voit que du brouillard »  (Lao Tse)

Arlette Sanders

Les recits de Bob sont ici

http://dafina.net/gazette/article/bob-or%C3%A9-abitbol-poete-conteur-et-...