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Compte à rebours iranien, par David Bensoussan

Compte à rebours iranien

La reprise des négociations des 5 +1 sur le nucléaire iranien à Vienne a patiné et pour cause : c’est l’Iran qui en dernière minute a ajouté des conditions impossibles, torpillant ainsi les négociations.

En effet, cesser de reconnaître les Gardiens de la révolution iraniens comme une entité terroriste et limiter les sites auxquels l’Agence internationale de l’énergie atomique aurait accès, c’est tout simplement inacceptable tant pour l’Europe que pour les États-Unis.

En parallèle au gel des négociations, les travaux d’enrichissement de l’uranium à la centrale souterraine de Fordo progressent et approchent un état de fait duquel il sera pratiquement impossible de revenir en arrière.

Pour l’Iran, les sanctions font mal, mais l’hubris qui accompagne le refus de négocier avec le grand Satan américain est plus fort encore, d’autant plus qu’une coalition en gestation avec la Chine et la Russie fait espérer l’atténuation de leur effet. Deux exemples peuvent expliquer le changement de la position iranienne : celui de la Libye qui s’est débarrassée de ses installations nucléaires et dont le régime s’est écroulé ; celui du régime nord-coréen qui survit malgré les sanctions tout en développant des armes atomiques. Si les leaders iraniens perçoivent que la survie de leur régime est en danger, la deuxième option pourrait leur paraître bien meilleure.

Les États-Unis sont bien plus préoccupés par les armes atomiques qui se comptent par milliers pour les Russes, par centaines pour les Chinois et par dizaines pour les Nord-Coréens. Le retrait paniqué des Américains de l’Afghanistan et le désistement de leur engagement dans la région ont créé un vide au Moyen-Orient. La Russie s’est installée en Syrie. L’Iran a attaqué des navires américains du détroit de Bab el-Mandeb par Houtis interposés sans qu’il y ait eu de réaction. Dito pour le drone de renseignement américain abattu dans le Golfe persique durant la présidence de Trump.

Le président Biden a appris à ses dépens qu’il valait mieux conserver de bonnes relations avec le régime saoudien autoritaire, car ses critiques caustiques à l’égard des droits de la personne en Arabie se sont soldées par une nouvelle politique d’alliances de l’Arabie dans laquelle les intérêts américains ne sont plus prioritaires. Le prix du pétrole a augmenté sans que le président Biden ait réussi à modifier les nouvelles orientations saoudiennes.

Y a-t-il des chances pour qu’une alliance avec la Russie et la Chine constitue un nouveau bloc ? Mal en point, la Russie a acquis des drones suicides et des missiles iraniens et s’est engagée en contrepartie a fournir des avions de combat sophistiqués à l’Iran. La Russie pourrait venir en aide au régime iranien comme elle est venue en aide au dictateur syrien, mais la contrepartie iranienne n’est pas claire. La Chine veut jouer sur tous les tableaux, mais ne peut se permettre d’aliéner les États-Unis à ce stade-ci. La perspective d’une arme atomique iranienne à sa frontière ne l’enchante guère.

La Russie et la Chine viendront en aide à l’Iran seulement s’ils peuvent contrôler ce pays.

Or, l’Iran présente des signes d’instabilité. Des voix s’élèvent au sein des minorités ethniques azéries, baloutches, kurdes, arabes et turkmènes s’agitant contre l’emprise politique iranienne. Sentant le vent tourner, de nombreux hauts placés du régime s’installent avec leur famille à Bourdoum en Turquie. L’armée iranienne a refusé d’obéir à l’ordre qui lui a été donné par les Gardiens de la Révolution de réprimer la rébellion à Chiraz. À Bukan, les révolutionnaires ont pris le contrôle de la ville et mis le feu au quartier général de la milice paramilitaire des Basij…

Les Iraniens qui sont témoins de l’opulence qui règne dans les pays du Golfe savent fort bien que leurs problèmes ne sont pas attribuables à l’ingérence étrangère mais bien à la clique des mullahs au pouvoir. Les slogans des manifestants s’attaquent directement au Guide suprême Khamenei. À partir de son lit de malade, ce dernier a fait savoir qu’il serait possible de négocier avec les insurgés après qu’ils auront été punis et qu’ils auront demandé grâce, ce sans quoi ils seraient exécutés.

Il est trop tôt pour savoir si les manifestations prolongées de la jeunesse iranienne vont se résorber ou s’amplifier. Les chances que le régime iranien soit sérieusement secoué sont faibles. Les chances qu’il réagisse durement du fait qu’il est acculé au mur sont plus grandes. La réaction actuelle de l’Iran est d’accuser les pays étrangers d’être derrière les manifestants et de bombarder les Kurdes d’Irak. La reprise des livraisons de missiles destinés au Hezbollah libanais via la Syrie a déclenché une riposte israélienne ferme. La tentation autodestructrice de s’en prendre aux pays pétroliers du Golfe persique pourrait poindre.

Les conséquences de la perte de crédibilité des États-Unis auront été dramatiques : le président Obama a laissé le gouvernement syrien utiliser des armes chimiques contre ses citoyens. Il est revenu sur sa parole de réagir fortement si tel avait été le cas. Il a présumé qu’avec l’accord des 5+1 l’Iran se rangerait du côté des nations civilisées. Cette présomption s’est démentie : l’Iran a semé la misère en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen, pays dont les réfugiés se comptent par millions.

Le président Biden continue de proclamer qu’il soutient Israël et qu’il ne laissera pas l’Iran se doter d’une arme atomique. Il reste à savoir s’il a une stratégie solide derrière ces affirmations.

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