Décès de Gisèle Halimi, figure du féminisme, à 93 ans
Une figure de la cause féministe est décédée. La famille de Gisèle Halimi a indiqué à l'AFP que l'avocate, députée de 1981 à 1984, autrice de La cause des femmes, était décédée à l'âge de 93 ans. "Elle s'est éteinte dans la sérénité, à Paris", a déclaré l'un de ses trois fils, estimant que sa mère avait eu "une belle vie".
Gisèle Halimi naît en 1927 à La Goulette, port de pêche situé à quelques kilomètres de Tunis, dans une famille juive. Son père ne voulait pas de fille, sa mère en aurait souhaité une un peu plus docile. Dès son plus jeune âge, Gisèle Halimi, se bat pour sa liberté, entamant même une grève de la faim à l'âge de 10 ans pour ne pas faire les tâches ménagères de son frère. "Ce fut au fond ma première victoire féministe", disait-elle au Monde en septembre 2019. "Il est indéniable que mon féminisme et mon besoin de corriger les injustices sont ancrées dans cette révolte initiale."
Un engagement en faveur de l'avortement
Après des études de droit en France, diplômée de Sciences-Po, elle entre au barreau de Tunis en 1949. Celle qui milite pour l'indépendance de la Tunisie et de l'Algérie défend des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens, avant de poursuivre sa carrière d'avocate à Paris à partir de 1956. En 1960, elle prend la défense de Djamila Boupacha, militante algérienne accusée d’avoir posé une bombe avant d'être arrêtée, torturée et violée par des soldats français. En 1961, malgré la défense de Gisèle Halimi elle est condamnée à mort. Elle sera libérée et amnistiée en 1962 avec les Accords d'Evian.
Engagée, défenseure des femmes, en 1965 elle cofonde le Mouvement démocratique féminin pour soutenir la candidature de François Mitterrand à la présidence de la République. En 1971, Gisèle Halimi signe le "manifeste des 373" : toutes les signataires déclarent avoir avorté, et défendent la légalisation de l'avortement. Cette même année, elle fonde avec son amie Simone Veil "Choisir la cause des femmes", association qui milite pour l’éducation sexuelle et la contraception libre et gratuite, l’abrogation de la loi répressive de 1920, qui condamne l’avortement et la défense gratuite des femmes poursuivies pour avortement.
En 1972, Gisèle Halimi change le cours de l'histoire en défendant Marie-Claire Chevalier, 16 ans, jugée pour avoir avorté suite à un viol. L'avocate obtient sa relaxe, ainsi que celle de sa maman, accusée de l'avoir aidée. Ce procès ouvrira la voie à la dépénalisation de l'avortement avec la loi Veil, promulguée en janvier 1975. Sa défense de deux victimes d’un viol collectif aux assises d’Aix-en-Provence en 1978 contribue à la reconnaissance du viol comme crime, et non plus un délit.
Après une incursion en politique - elle est élue députée de l'Isère et siège à l'Assemblée de 1981 à 1984 - Gisèle Halimi dénonce un "bastion de la misogynie". Sur les bancs de l'Assemblée, au sein du groupe socialiste, elle s'engage pour le remboursement de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), voté en 1982. Elle convainc ses collègues d'adopter un amendement instaurant un quota de femmes aux élections, mais le Conseil constitutionnel le retoque, le considérant comme une entrave à la liberté du suffrage et à la libre expression de la souveraineté nationale.
Des plaidoiries cultes
Tout au long de sa carrière, Gisèle Halimi publie de nombreux livres. Parmi eux : La cause des femmes (1973), Le lait de l'oranger (1973), récit autobiographique ou Fritna (1999) sur ses relations avec sa mère. Les plaidoiries de ses procès sont aujourd'hui des références, et ont donné lieu à plusieurs films et téléfilms.
Mère de trois garçons, elle a confié qu'elle aurait aimé avoir une fille pour "mettre à l'épreuve" son engagement féministe. "J'aurais voulu savoir si, en l'élevant, j'allais me conformer exactement à ce que j'avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes", a-t-elle dit au Monde en 2011.
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