David Serero : « Je porte le peuple marocain et le Maroc dans mon cœur tous les jours »
Le baryton et acteur franco-marocain David Serero, qui a adapté la tragédie shakespearienne « Othello ou le Maure de Venise » en juin dernier au Centre d'histoire juive de Manhattan, à New York, puise régulièrement dans ses origines judéo-marocaines pour adapter les classiques de la littérature aux temps modernes. Interview.
Comment votre identité de juif marocain façonne-t-elle votre travail d'artiste ? Quelles sont vos autres sources d'inspiration ?
En tant que Marocain, je suis très fier de mes origines. Les Marocains ont une façon unique de faire les choses et de s'exprimer. L'art et le théâtre étant des formes d’expressions, il est normal que j'y apporte ma propre couleur qui me rend unique. Le meilleur conseil que j'ai à donner aux artistes, c'est de rester soi-même, car les autres sont déjà pris ! Le Maroc m'a appris qu'il ne faut jamais avoir honte de ses origines et oublier d'où on vient. Si on ne regarde pas son passé, on ne peut se tourner vers l'avenir.
J'ai beaucoup souffert de la discrimination lorsque j'ai commencé l'opéra en Europe. Parfois, il m'arrivait même de dire que Serero était Italien ! Ça passait mieux que Marocain... Mais après avoir étudié à New York et Saint-Pétersbourg – je suis d'ailleurs probablement le seul Marocain à y avoir vécu malgré le froid glacial et à parler russe couramment – et campé les plus grands rôles d'opéra, je suis aujourd'hui content de pouvoir les revisiter en y apportant un peu de mes origines. Lorsque je joue au cinéma ou dans des comédies musicales, mes origines y sont même très visibles ! Le Maroc est une source d'inspiration permanente car c'est un pays dont le peuple représente la générosité et l’accueil, soit les deux principaux éléments d'un spectacle réussi. Je crois aussi que lorsqu'on est Marocain, on n'a pas peur d'oser.
La transposition de la tragédie de Shakespeare dans un contexte judéo-marocain« nécessite aussi de simplifier la langue et de modifier certains détails », écrivait au sujet de votre pièce The Jerusalem Post. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'ai voulu simplifier le langage de Shakespeare, qui relève d'un anglais ancien dont certains mots ne sont plus du tout utilisés dans la langue courante. La plupart des Américains ne comprennent pas certains mots. Et dans Shakespeare, chaque phrase et chaque mot a un poids. Par conséquent, chaque détail doit être entendu et compris. J'ai aussi réduit la durée de la pièce d'Othello en y insérant des coupures car le public du XVIe siècle n'est pas le même que celui du XXIe... Il faut s'adapter. J'ai plaisir à jouer ces œuvres intégralement pour les puristes mais j'aime également m'amuser en les adaptant. J'aime créer et entreprendre ; pour sûr, ça vient de mes origines marocaines.
« Ce qui est bien avec les classiques, en particulier ceux de Shakespeare, c'est que vous pouvez les adapter à toutes les sauces », expliquiez-vous au Jerusalem Post. Les auteurs de classiques de littérature étaient-ils de grands visionnaires d'après vous ?
Excellente question ! En effet, ils savaient très bien dépeindre leur époque avec des mots. Ils avaient compris la société dans laquelle ils vivaient. C'est d'autant plus intéressant de constater que nos comportements n'ont toujours pas changé au fil des siècles. Les Hommes sont toujours les mêmes...
Envisagez-vous de vous produire au Maroc ?
Oui je rêve de venir chanter au Maroc et pourquoi pas également de venir jouer cet Othello ! J'espère qu'une tournée pourra se faire très bientôt. Je porte le peuple marocain et le Maroc dans mon cœur tous les jours.
SOLÈNE PAILLARD
Journaliste Yabiladi.com
Commentaires
Le Marocain est aussi raconteur de nature! Quant au chant... des Ganwa jusqu'à Frida Boccara en passant par Sammy ElMaghribi et Salim Halali et tant d'autres, David Serero a eu d'excellents préceptes!
J'aurai aimé savoir si son Othello de Shakespeare est aussi l'Otello de Verdi où en tant que baryton il pourrait jouer le rôle de Iago!
Le Maroc retient pour la plupart de nous, des notions romantiques, de soleil, de plages, de jeunesse, de parents et grandparents qui prodiguait un amour à vie. Nos coutumes aussi sont des plus charmantes et attachantes. Je vis en Amérique du Nord depuis 60 ans et quand le soleil brille, l'hiver comme l'été, c'est par ce que je suis transporté par mon esprit dans ces villes du Maroc!
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