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Donald Trump, le golf et la pandémie

Donald Trump, le golf et la pandémie

 

Dans le monde du golf, un vieil adage veut que l’on puisse découvrir la vraie nature d’une personne en disputant une seule ronde avec elle. Et dans la très grande majorité des cas, cela s’avère.

Par exemple, en observant bien votre partenaire de jeu, vous pouvez rapidement déterminer s’il est méticuleux ou brouillon, s’il est colérique ou tempéré, s’il est réservé ou extraverti, s’il est altruiste ou égocentrique et, bien sûr, s’il est respectueux des règles ou tricheur.

Dans un sport où l’étiquette et la loyauté font foi de tout, et où les joueurs doivent eux-mêmes s’imposer les pénalités prévues au règlement, le dernier critère pèse évidemment très lourd. Si vous trichez au golf, très rapidement, la nouvelle se répandra au 19e trou. Votre réputation en souffrira et les autres joueurs éviteront comme la COVID-19 de vous inclure au sein de leur quatuor.

Les golfeurs se méfient particulièrement des tricheurs. La tradition orale de sport, qui repose quand même sur près de six siècles, veut qu’il y ait de très fortes chances que les gens qui trichent au golf agissent de la même manière dans tous les aspects de leur vie.

Et cela nous amène, si vous ne l’aviez pas vu venir, à Donald Trump.

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Depuis que la pandémie de la COVID-19 a frappé l’Amérique du Nord en mars dernier, les points de presse quotidiens du président des États-Unis sont diffusés en direct par les chaînes d’information en continu.

Et chaque jour qui passe, sa façon de réécrire l’histoire et ses joutes verbales avec les journalistes me rappellent des traits de caractère de Trump, amplement documentés, dans un livre intitulé Commander in Cheat, How Golf Explains Trump. À ce jour, ce bouquin constitue ma plus intéressante et divertissante lecture de la dernière année.

Qui plus est, cet ouvrage a été rédigé par l’ex-chroniqueur de la revue Sports Illustrated Rick Reilly, qui est probablement le meilleur de la profession en Amérique du Nord.

En se basant sur son expérience personnelle (Reilly connaît Donald Trump depuis plusieurs décennies) et sur les témoignages d’une centaine de golfeurs professionnels et amateurs, de cadets et de personnalités qui ont côtoyé le président des États-Unis sur les allées, l’auteur établit sans l’ombre d’un doute que Trump est un tricheur compulsif.

Là-dessus, il n’y a vraiment pas d’intrigue.

Par contre, de chapitre en chapitre, les exemples de fourberie et de tromperie sont si nombreux et diversifiés que la mâchoire du lecteur finit presque par décrocher.

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Par exemple, Trump soutient qu’il a remporté 18 championnats de club, chaque fois sur des parcours qu’il possède, alors qu’un tel exploit relève de la science-fiction aux yeux des experts.

Aucune de ces 18 victoires n’est documentée, d’ailleurs. Il lui est même arrivé de s’autoproclamer champion d’un club sans avoir participé au championnat, en prétendant qu’il aurait battu le gagnant s’il avait été présent!

Le président des États-Unis soutient avoir un handicap de 2,8, alors qu’en réalité, ses compagnons de jeu et ses cadets estiment qu’il se situe autour de 10.

Les cadets le surnomment Pelé parce qu’ils le voient constamment déplacer sa balle avec ses pieds. Des partenaires de jeu racontent avoir vu Trump faire semblant de frapper une balle à partir d’une fosse de sable et courir vers le trou (une balle dissimulée dans une main) et se mettre à célébrer l’exécution d’un coup génial près du fanion! D’autres se souviennent d’avoir vu Trump récupérer une balle qu’un partenaire de jeu avait frappée sur le vert, pour ensuite la lancer dans une fosse de sable, afin d’améliorer ses chances de remporter la partie.

On en finit par se demander pourquoi au juste Donald Trump joue au golf.

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Le président des États-Unis possède 14 parcours de golf dans le monde et en administre 5 autres. Et selon les témoignages recueillis par Rick Reilly, il mène ses affaires exactement comme il joue!

Des entrepreneurs ayant réalisé des travaux sur ses parcours de golf racontent ne pas avoir été payés ou seulement en partie. Des voisins disent avoir été intimidés ou harcelés. Trump voulait les forcer à déménager parce qu’il jugeait que l’apparence de leurs maisons nuisait au prestige de ses clubs de golf.

Il y a aussi, notamment, cette histoire d’acquisition d’un parcours de golf de Jupiter, en Floride, sur lequel Trump a mis la main pour un montant dérisoire. Il a ensuite réalisé un profit énorme en spoliant les membres et actionnaires du club d’une somme de 45 millions, en décrétant que leurs actions, acquises au coût de 200 000 chacune, n’étaient désormais plus remboursables.

Oh! Et c’est sans compter cette permission que Trump a demandée aux autorités politiques de la région de Doonbeg, en Irlande, afin de pouvoir construire un mur de pierres de 28 kilomètres de long dans la baie de Doughmore. Trump voulait ainsi protéger son parcours de golf de l’élévation du niveau de la mer.

Quand il est à Washington, le président ridiculise les écologistes et affirme que les changements climatiques n’existent pas. Toutefois, sa position diffère grandement lorsqu’il est question de défendre ses investissements.

D’ailleurs, il y a un mois, au début de la pandémie, cette requête de Trump a été refusée par un comité indépendant de la région de Doonbeg parce que le mur proposé, même réduit, menaçait les dunes et les écosystèmes environnants.

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Depuis le début de sa présidence, bon nombre d’excellents ouvrages politiques ont été rédigés sur Donald Trump. Mais pour les raisons énumérées précédemment, le fait de découvrir comment le président des États-Unis se comporte lorsqu’il pratique le sport qu’il affectionne le plus — et lorsqu’il gère ses affaires personnelles — en dit aussi très long sur le personnage politique le plus controversé du 21e siècle.

Après avoir lu Commander in Cheat, How Golf Explains Trump, on ne peut s’étonner d’entendre Donald Trump vanter quotidiennement l’« exceptionnelle clairvoyance » dont il a fait preuve depuis le début de la pandémie et se féliciter d’avoir sauvé des « centaines de milliers de vies ».

Et on sourcille à peine en apprenant que Trump coupe le financement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tandis qu’une grave pandémie fait rage sur la planète, parce que le discours de l’OMS ne met pas son administration en valeur.

Si vous trichez au golf comme le fait Donald Trump, ça signifie que tous les coups sont permis. Et qu’il n’y a probablement pas de limite à ce que vous pouvez faire dans l’arène politique.

Martin Leclerc

 

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