Elie Ohayon Capteur de signaux faibles
Le rock, la pub, le Talmud. Ce sont les trois maîtres mots de la vie d'Elie Ohayon. Une sorte de tiercé improbable, mais gagnant, qui a vu l'ancien gamin de Rabat empocher le gros lot : une carrière réussie, couronnée par sa récente nomination à la tête de l'une des principales entités de Publicis. Et doublée d'une vie privée non moins épanouissante, au sein d'une famille recomposée de quatre enfants, ponctuée par les moments de recueillement et de retour sur soi du shabbat... et les séances de délire créatif avec les copains derrière une table de mixage.
Tout n'a pourtant pas toujours été facile pour le premier président en titre de la nouvelle agence Saatchi & Saatchi Duke. Rabat, donc. « Mes « années Dolto » », glisse-t-il, sourire en coin, avant d'évoquer la série d'attentats contre le roi, qui ont semé la panique dans la communauté juive marocaine et conduit la famille Ohayon à quitter le pays pour trouver refuge en France. Le père, qui dirigeait une école juive, devient rabbin à Pau. Passé le premier « choc thermique », Elie, qui est l'aîné d'une fratrie de six, s'acclimate et creuse son sillon. Prépa HEC au lycée Fermat de Toulouse, Essec.
Le sens du questionnement permanent
Batteur dans un groupe amateur, il est surtout le DJ officiel des soirées estudiantines. Une expérience comme une autre. « Le rapport qui s'établit entre le DJ et la piste de danse, laquelle se vide ou se remplit en temps réel selon les morceaux proposés, constitue une excellente approche aux métiers de la publicité et du marketing. Il est facile de donner aux gens ce qu'ils veulent entendre, beaucoup moins de les amener plus loin », analyse-t-il rétrospectivement. Sa première lettre de motivation - hyperbolique à souhait -sera pour Patrick Zelnick, le patron de Virgin. Reçu en entretien, le jeune Essec s'entend conseiller d'aller se faire la main dans la publicité, dont c'est alors l'âge d'or, avant de tenter une carrière dans la musique. Il s'exécute et décroche un poste de chef de pub Colgate chez Young & Rubicam, véritable « école » du métier.
Elie Ohayon y restera quinze ans, en montant d'un cran tous les trois ans en moyenne pour finir vice-président en 2001. La saga Kodak qui rafle toutes les récompenses, la découverte de l'« expérientiel » avec Ricard et ses Fire Girls... Tels sont les Arcole et les Austerlitz de ce grognard de la pub, qui accompagnera ensuite les trois opérateurs télécoms, tout en changeant régulièrement de crèmerie : BETC en 2003, McCann en 2006, Leg - l'agence du très créatif Gabriel Gaulthier, qu'il avait fait venir chez Y&R -en 2009... Avant de se voir offrir, en septembre 2011, la présidence de Saatchi & Saatchi où émerge bien vite l'idée d'un rapprochement avec Duke, la « digital native ».
De son imprégnation du Talmud, Elie Ohayon dit avoir appris le sens du questionnement permanent. « Je me lève tous les matins depuis vingt-cinq ans avec cette pensée en tête : quelles nouvelles idées va-t-on trouver pour nos clients ? », affirme-t-il. Un état d'esprit qui est sans doute l'une des clefs de son succès, l'autre étant sa capacité à interpréter les signaux faibles émis par la société, que ce soit en lisant un bouquin de sociologie ou en regardant les émissions de téléréalité de M6. Sans oublier, bien sûr, ce petit zeste de créativité qu'il partage avec sa seconde femme, Sylvie, ancienne publicitaire (« Faire du ciel le plus bel endroit de la terre ») devenue romancière avec « Papa was not a Rolling Stone ».
YANN VERDO
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