Facebook, le miroir aux mythomanes

Facebook, le miroir aux mythomanes

Par Sandrine Kukurudz
Organisatrice d'événements

L’autre nuit, dans l’impossibilité de trouver le sommeil, je me suis égarée sur mon mur Facebook plus longtemps que d’habitude. J’y ai vu les cartes postales magnifiques de mes copains en vacances, leurs soirées inoubliables avec leurs meilleurs amis et les succès répétés de leur progéniture tout à fait exceptionnelle. J’y ai aussi perçu le désarrois de certains, la dépressions d’autres et la colère face aux monde d’une poignée de déçus de la vie. 

Facebook se divise souvent entre les gens heureux et les dépressifs, entre ceux à qui tout sourit et ceux qui ont raté leur vie. Il sert de séances de psychanalyse pour les plus paumés qui guettent le regard attentif de leurs amis virtuels. Il sert de miroir pour ceux qui estiment avoir tout réussi et ont un besoin égocentriste de le faire savoir au monde entier.

On vibre avec les premiers et on se désepère avec les seconds. On y croit ! Facebbok , c'est  notre vrai vie à nous !

Et tout à coup je me suis posée la question de savoir ce qui était vrai.

Car après tout, chacun raconte son histoire sur Facebook, celle qu’il a envie de partager. Certes Paul est sur une plage paradisiaque mais a-t-il l’ honnêteté d’avouer qu’il s’y ennuit comme un rat mort avec une femme qu’il n’aime plus vraiment. Céline s’éclate à la soirée VIP à laquelle elle a eu le privilège d’être invitée, mais c’est finalement sa seule sortie du mois, et elle doit son invitation à son collègue souffrant et non pas au fait qu’elle compte dans la sphère de son hôte.

A contrario Christian est au bout du rouleau. Son message est un appel au secours ! On hésite entre appeler son voisin pour le sauver ou directement l’antenne psychologique la plus proche. Mais Christian dans quelques minutes va retrouver ses copains autour d’une bière et aura affolé tous ses amis pour un petit vague à l’âme dont il aurait pu se passer. Il est comme cela Christian, il a besoin d'être écouté mais pas necessairement entendu.  

Jeanne a des enfants formidables ! Ils réussissent dans tout ce qu’ils font. Que ce soit à l’école, à la danse, dans des organisations caritatives. Ils sont omniprésents sur son mur, avec ce soucis de la perfection affichée qui en devient étouffant. Pourquoi ce besoin d’exhiber ses oisillons comme un trophée à chaque occasion ? Peut être pour se rassurer de ce Jeanne a raté. Un message pour nous dire que si elle a sacrifié sa vie de femme elle a quand même réussit celle de mère...Et puis ce dont Jeanne ne parle pas, c'est le revers de la médaille, la névrose de la petite dernière poussée a se dépasser dans tout ce qu'elle entreprend, et la crise d’adolescence de la grande, qui n'arrive pas à encaisser le départ de son père.

L’important une fois de plus est d’être.

De se construire une image auprès de tous ces amis qu’on ne connait la plupart du temps qu’au travers de l’écran. Combien d’inconnus à qui on dévoile sa vie la plus intime, ses pensées et ses convictions. C'est tellement plus confortable derrière un écran. On pense alors que tout cela n’est pas bien grave, quand le moindre des posts est un aveu indélébile.

On fait rêver les autres sur une vie qu’on idéalise pour cacher ses imperfections. On pleure sur un pan de son histoire dont on n’arrive pas à se libérer seul. Facebook est un miroir. Celui que l’on veut bien être. Il trahit les émotions, mais surtout les rêves et les frustrations ! Combien d’amis se sont fâchés sur un simple post. Alors que dans la vraie vie ils ont souvent traversé ensemble les tourmentes ? Combien de proches nous ont jalousés pour une photo idyllique quand dans leur vie tout ne va pas si mal ?

Facebook est notre nouveau CV personnel

Mais à la différence de notre CV professionnel, nous le construisons à notre gout, en lui donnant le parcours que l’on veut bien présenter au plus grand nombre. Noyés dans l’afflux d’informations quotidiennes, on ne prend plus le temps de tout vérifier et on considère que ce que nous lisons est la vérité. On ne remet plus en cause. Pas le temps. Et puis on s’accommode après tout de ce que l’on lit. Alors pour quoi faire

Si Facebook est un miroir de mythomanes, il est aussi la vitrine de notre voyeurisme

Et oui on ne peut s’empêcher de passer des heures à lire la vie que les autres nous offrent en patûre. Leurs souffrances comme leurs joies. Et nous faisons de même. Et on prend donc pour argent comptant la vie des milliers de mythomanes qui ont trouvé en Facebook l’exposition de tous leurs rêves et fantasmes les plus fous.