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Faubourg Montmartre, par Yves Azeroual

Lectures de Jean-Pierre Allali - Faubourg Montmartre, par Yves Azeroual

 

C’est un véritable thriller que nous propose l’auteur. Une sorte de roman policier haut en couleurs. Sur fond d'un épisode réel de criminalité organisée qui défraya la chronique dans les années 70. C’est l’histoire incroyable des « Z ». Non pas « Z comme Zorro », mais « Z comme Zemmour, un patronyme, comme on le sait, associé au grand banditisme.

Il était une fois, à Sétif, ville d’Algérie, une famille juive : Raymond et Clairette Zemmour  et leurs 9 enfants : cinq garçons et quatre filles : Roland, dit « le balafré, Théodore, alias Dédé, Edgar, William, qui épousera la belle Évelyne Dahan, et Gilbert. Quant aux filles, elles avaient pour noms Renée qui dirigera un pressing, Adèle, qui se spécialisera dans les produits exotiques, Josette qui se lancera dans les camions frigorifiques et Lucienne, qui fera son alyah en Israël pour vivre dans un kibboutz sous le patronyme de Ben Sion. « Neuf enfants et autant de fausses couches », aimait dire Clairette.

C’est Roland qui va sonner l’hallali en décidant, à la suite d’une sombre affaire d’assassinat le concernant,  de quitter la terre natale pour la France. Il a alors 23 ans. Laissant un billet pour le moins sibyllin, il prend la poudre d’escampette : « Je pars pour Paris. Je vous tiens au courant. Surtout ne rien dire à personne si on vous questionne ».

À bord du Ville d’Alger puis en train, Roland, désormais recherché par la police à Sétif, va se retrouver dans le quartier interlope de la rue Blondel où le conduit une connaissance de voyage, Catherine Lavallière, née à Paris 5ème et étudiante aux Beaux-Arts, qui ne va pas tarder à devenir sa maîtresse.

Dès lors, peu à peu, les Zemmour s’installeront à Paris. Ils ne seront pas trop dépaysés car leurs voisins du dessous s’appellent Bensaïd et la concierge, bien sûr, est une Martinez. Le docteur de la famille, lui, c’est Bénichou ! Et les dîners de chabbat sont préparés par la fille du bled, Khadija la bonne à tout faire.

Les frères Zemmour sont très rapidement convaincus que seule une OPA sur le Faubourg Montmartre peut leur assurer un bel avenir. Le problème est que la concurrence est lourde : il y a les Gitans et les Marseillais, les Grenoblois et les Lyonnais, les Ritals, les Arméniens et les Lillois. Ou encore les Corses, les Maghrébins et les Kabyles. Sans oublier les Grecs, les Britanniques, les Espagnols et les Afghans.   Deux bandes dominent le « marché », les frères Atlan avec, à leur tête, Maurice dit Sion et les Perret, des demi-Juifs, enfants chéris de Léonie Benaïm, la « mère Léo ».. Sans oublier les Guérini et les Francisci.

Les Zemmour, calibres divers en main, entrent en jeu : racket, tripots clandestins, maisons de passe, escroqueries aux assurances, drogue, arnaques sur les champs de courses, trafics en tous genres. L’argent facilement gagné s’évapore rapidement en voitures de luxe et en pertes abyssales au poker.

Le comptable attitré du gang, Maurice Dray, dit « le Mozart des chiffres » sera souvent appelé à la rescousse pour arranger des dossiers délicats.

Brigands français mais aussi internationaux, les Zemmour étendront leurs tentacules vers l’étranger, notamment par le biais d’Eros Centers, de tripots et de cabarets : Munich, Francfort, Londres, Costa Del Sol, Liban.

Edgar Zemmour cherchera même, sans succès, à investir le « marché » israélien. Il perdra la vie dans cette tentative. Il rejoindra dans l’au-delà son frère Roland  qui avait été tué dans un règlement de comptes. Catherine, après avoir épousé un richissime banquier, Charles-André de Mirepoix, finira par être la maîtresse de Théodore. On ne se refait pas.

Les crimes qui se multiplient dans le quartier du faubourg Montmartre ne vont pas manquer d’attirer la police et l’inspecteur Chavin va faire son entrée dans un récit déjà bien épicé. Chavin n’aura qu’une obsession : démanteler la « Casher Connection ».

« Après l’élimination des Atlan et des Perret, la fin des Guérini et l’exil forcé des Francisci, les frères Zemmour devinrent les seuls rois de la pègre française »...

Mais, à force de jalousie des bandes rivales qui se multiplient, l’étoile des Zemmour va commencer à pâlir.

Tandis qu’on n’a plus de nouvelles de William qui a choisi de se faire oublier au Canada, Gilbert et Théodore finiront, eux aussi, par tomber sous les balles de leurs ennemis.

Catherine, devenue auteur à succès avec son best-seller, « Faubourg Montmartre » se lancera dans l’écriture de son deuxième roman : « L’abîme appelle l’abîme ».

On sera peut-être étonné, à la lecture de ce roman haletant, de voir autant de Juifs liés au grand banditisme. Mais la morale de cette histoire est que, finalement, comme le dit le vieil adage : « Le crime ne paie pas ».

Très sympathique. A découvrir.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Le Passeur. Avril 2021. 392 pages. 21,50 €.

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