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Gaza : au fond du tunnel, un homme

Gaza : au fond du tunnel, un homme (info # 010705/16)[Analyse]

Par Sami el Soudi © MetulaNewsAgency

(avec Jean Tsadik et Stéphane Juffa)

 

Découverte d’un nouveau tunnel stratégique du Hamas

 

Un nouveau tunnel stratégique (prévu pour des opérations armées et non pour la contrebande) a été découvert hier matin (jeudi) par l’Armée israélienne face au sud de l’enclave palestinienne de Gaza. L’ouvrage, d’une profondeur de 28 mètres, menait dans le territoire hébreu. Le tunnel est proche de celui découvert par Tsahal le mois dernier.

 

Avant-hier, mercredi, alors que les Israéliens procédaient à des travaux en vue de localiser le tunnel, des miliciens palestiniens avaient tiré huit obus de mortier dans leur direction, probablement pour gêner leurs recherches. Ces tirs avaient occasionné une double riposte ; d’une part, l’aviation avait frappé quatre positions du Hamas, vraisemblablement des camps d’entraînement, tandis que des chars Merkava pilonnaient la zone d’où les obus avaient été lancés.

 

En réponse, un responsable de l’organisation islamiste avait promis que les habitants du sud-est d’Israël allaient passer une nuit blanche. Ayant dormi dans une localité de la région, j’ai pu observer que ces menaces avaient été des paroles en l’air.

 

Jeudi, ultérieurement à la mise à jour du tunnel, des miliciens islamistes ont à nouveau tiré deux obus de mortier en direction des forces israéliennes occupées au repérage du cheminement de la galerie et préparant sa destruction. A l’instar de la veille, ces nouveaux tirs n’ont causé ni dégâts ni victimes et les chars de Tsahal ont à nouveau répliqué, à partir de promontoires artificiels, visant les sources de ces attaques.

 

D’autres unités d’ingénierie militaire, équipées de matériel lourd et sophistiqué, sont visibles à partir d’Israël et de la Bande de Gaza, en divers points de la frontière de cette dernière, probablement afférées à l’identification de tunnels supplémentaires.

 

La région où le tunnel a été découvert hier matin, le Conseil régional d’Eshkol, a été déclarée zone militaire fermée, et seules les personnes demeurant dans ce périmètre sont autorisées à s’y déplacer.

 

Ce vendredi matin, à 6 heures locales, les milices islamistes de Gaza ont à nouveau effectué des tirs de mortier en direction des soldats se trouvant à proximité de tunnel. Tsahal a derechef riposté sur terre et dans les airs. A 10 heures, une agression supplémentaire au mortier a été perpétrée par les miliciens.           

 

 

Une étrange affaire

 

Jeudi, quelques heures à peine après l’annonce de la localisation du tunnel, le porte-parole de l’Armée israélienne a annoncé qu’un Gazaoui de 29 ans, originaire de Jabālīyah, répondant au nom de Moukhmad Ataouna, a été appréhendé par Tsahal le 13 avril (source de l’Autorité Palestinienne) dernier alors qu’il avait franchi la barrière de sécurité non loin de la frontière égyptienne. Il disposait de deux couteaux avec lesquels il entendait s’attaquer à tout Israélien, civil ou militaire, qui viendrait à sa rencontre.

 

L’interrogatoire d’Ataouna par le contre-espionnage israélien, le Shabak, a permis d’établir qu’il était membre de la branche armée du Hamas, les Brigades Azzedine el Qassam, depuis une dizaine d’années. Il avait pris part à plusieurs activités de l’organisation terroriste, notamment la pose d’engins explosifs visant des patrouilles le long de la frontière de Gaza. Mais l’occupation principale du milicien concernait les tunnels.  

 

A en croire le Service Général de Sécurité [Shirout Bitakhon Clali. Ndlr.] - nous ne sommes pas en train de diffuser des informations secrètes, c’est le Shabak qui les a rendues publiques -, Moukhmad Ataouna a fourni de précieuses données à ses interrogateurs.

 

Il leur a expliqué les méthodes de creusement ainsi que les matériaux de construction qu’utilise la formation terroriste qui gouverne Gaza ; il leur a indiqué comment le Hamas emploie des bâtiments privés aussi bien que des institutions [écoles, hôpitaux. Ndlr.] à partir desquels il perce ses tunnels, et enfin, il leur a montré le tracé des tunnels stratégiques des islamistes dans le nord de la Bande côtière.

 

Le Gazaoui aurait fourni à ses geôliers des renseignements concernant les améliorations apportées par le Hamas aussi bien aux galeries internes, servant au déplacement des miliciens à l’intérieur de la Bande pour se protéger de Tsahal, qu’aux tunnels stratégiques qui débouchent du côté israélien de la frontière.

 

Il leur a dit que l’Organisation de la Résistance Islamique [Hamas] a aménagé des douches dans ces boyaux souterrains, des dortoirs et des salles à manger afin de permettre à ses combattants de se dissimuler plusieurs semaines durant et même plus sous la terre, en attendant le signal pour mener une opération armée en territoire israélien.

 

Ataouna, que l’on pourrait, à ce niveau de coopération avec ses gardiens,presque appeler un transfuge, leur a désigné plusieurs emplacements de creusements en cours, de même que ceux de puits, par lesquels les miliciens de la Nakhba, l’unité d’élite du Hamas, pourraient jaillir à l’occasion d’un conflit avec Israël. Il leur a fait savoir – même si le Shabak  devait tout de même s’en douter un peu -, que l’Organisation de la Résistance Islamique avait conçu un réseau sophistiqué de galeries sous Gaza, pour l’acheminement de combattants et de matériel de guerre.

 

Je me permets d’encarter une évaluation personnelle à ce stade de la narration : avec l’argent investi dans ces tunnels, fourni par les Etats contributeurs du monde entier et les sympathisants de la cause palestinienne, il aurait été loisible de reconstruire dans la modernité et le confort la totalité des résidences détruites ou insalubres de la Bande de Gaza. L’usage fait par le Hamas des fonds qui lui sont remis pour la reconstruction permet de décréter que cette organisation n’a strictement rien à faire du bien-être de ses administrés, qu’elle gère de manière déloyale les fonds qui lui sont attribués par la communauté internationale et le monde arabe, et qu’Israël avait parfaitement raison d’interdire l’entrée dans Gaza de matériaux de construction, puisque les terroristes islamistes les affectent quasi-exclusivement à la construction de tunnels valant plusieurs dizaines de millions d’euros l’unité. A ce propos et suite à ces découvertes, je ne comprends absolument pas pourquoi Jérusalem continue à livrer du ciment et du fer à béton à ces djihadistes.

 

 

Le commentaire de Jean Tsadik

 

Alerté par mon ami Sami el Soudi, qui m’a fait part de ses doutes, j’ai procédé à l’analyse des renseignements publics en notre possession. Ce que je peux en dire est qu’ils sont… surprenants, voire incompréhensibles.

 

A la Ména, nous nous sommes d’abord interrogés sur les raisons qui ont poussé le Hamas à envoyer Moukhmad Ataouna, seul, pour une opération-suicide en Israël qu’il n’avait pas une chance sur mille de mener à bien.

 

Pourquoi envoyer un individu qui en sait autant sur les tunnels en territoire ennemi, sachant qu’il allait se faire prendre et que, face aux interrogateurs expérimentés du Shabak, il allait immanquablement leur dévoiler toutes ses connaissances ?

 

Pourquoi ne l’armer que de couteaux ? Si ses mentors avaient réellement désiré qu’il tue des Israéliens, ils l’auraient au moins doté d’un fusil-mitrailleur, de grenades et d’explosifs ?

 

Concernant le choix de l’armement confié à Ataouna, il est clair qu’ils espéraient qu’il tombe indemne dans les mains des Israéliens. S’ils avaient remarqué qu’il portait une arme à feu, en effet, les chances pour qu’il soit abattu au premier contact auraient été bien plus importantes.

 

A propos de ce qui précède, il apparaît que, soit la direction d’Azzedine al Qassam entendait punir son combattant pour une faute qu’il aurait éventuellement commise en le jetant entre les griffes des Israéliens, soit qu’elle leur a lancé un appât imprégné d’informations erronées afin de lancer les stratèges hébreux sur de fausses pistes.

 

On appelle cela de l’intox ; c’est l’hypothèse la plus crédible, mais son mode opératoire est bien trop puéril pour ne pas avoir immédiatement attiré l’attention de nos experts en contre-espionnage. Ataouna nous a été remis entre les mains, à l’issue d’une infiltration bidon poursuivant des objectifs inatteignables. Il nous apparaît que, même si les chefs de l’organisation islamiste ne sont peut-être pas particulièrement futés, ce qui ne saurait constituer une hypothèse de travail, car sous-estimer son adversaire n’en est jamais une, leur stratagème ne tient pas l’eau. Ils le savaient et ils poursuivent probablement un autre objectif.

 

A la Ména, on ne comprend pas non plus l’attitude du Shabak, une organisation si avare de commentaires d’ordinaire, mais qui, cette fois, se répand avec force détails sur tout ce que lui a confié le milicien d’Azzedine al Qassam.

 

Pourquoi faire savoir au Hamas que l’on connaît le tracé de ses tunnels, leur affectation et son mode opératoire ? C’est à croire que Tsahal veut communiquer à son pire ennemi où il va chercher ses tunnels et où il est intéressé de le frapper dès que l’occasion s’en présentera. Pour quelle raison ? Pour lui donner l’occasion de fermer les ouvrages trop exposés ? Pour en creuser d’autres ? Pour déplacer ses combattants et concevoir de nouveaux plans de bataille qu’Ataouna n’a pas pu nous communiquer ?

 

Si nous conservons quelques doutes quant au niveau de sophistication des cerveaux du Hamas, il n’en va pas de même pour ceux du commandement de Tsahal, du Mossad et du Shabak. Eux sont des pros de premier plan planétaire. Israël ne fait pas ce genre d’erreurs. Elle a sans doute voulu faire savoir au Hamas que son stratagème avait fonctionné et que nous avions gobé tout ce que Moukhmad Ataouna nous a raconté.

 

Le but consisterait à occuper le Mouvement de la Résistance Islamique pendant que nous exploitons d’autres filons infiniment plus prometteurs. C’est sans doute le cas, et même si nous avons des idées à ce sujet, nous n’en feront pas état dans un article.

 

Ma conclusion est que l’on est loin de la qualité de la finale de la Champions League dans cette affaire, on jouerait plutôt en fond de classement d’une ligue départementale. Mais le fondamental dans une guerre des cerveaux dans laquelle des vies sont en jeu, c’est vaincre par tous les moyens possibles. Et si l’on parvient à instiller le doute chez l’adversaire, on lui fera perdre de l’énergie et des moyens, et cela vaut le coup.

 

Quant à l’avenir de Moukhmad Ataouna, il participe d’un détail cocasse de cette histoire. Personnellement, à part le convertir au judaïsme et le dissimuler dans une yéshiva au plus profond de Bneï Berak, il risquera, pour différentes raisons, sa peau toutes les quinze secondes.

 

 

Le commentaire de Stéphane Juffa sur cette affaire, ce matin sur Radio Judaïca  

 

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