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Grabuge dans la Fédération de Russie, par David Bensoussan

Grabuge dans la Fédération de Russie, par David Bensoussan

 

La force de dissuasion de la Russie et de l’Armée rouge est continuellement érodée depuis l’invasion du Donbass ukrainien. Malgré l’avantage numérique des soldats au front, 10 fois plus d’artillerie et sa supériorité aérienne écrasante, l’armée russe piétine. À la désorganisation et les revers de l’armée russe vient s’ajouter une tentative de putsch dont les tenants et les aboutissants s’éclaircissent peu à peu.

En parallèle à l’armée régulière russe coexistent les milices de mercenaires de Wagner commandés par Prigojine et celle des Tchétchènes commandées par Kadyrov.

Prigojine est un personnage puissant qui fut incarcéré 9 ans durant par le passé et fut, dit-on, cuisinier de Poutine. Il commande le groupe Wagner qui a comploté pour augmenter l’influence russe dans plusieurs pays (Syrie, Libye, République centre africaine, Mozambique, Mali, Burkina Faso, Venezuela et Nicaragua) et s’est engagé dans la guerre en Ukraine.

Tensions en Ukraine

En Ukraine, la tension entre l’armée russe régulière et le groupe Wagner a été palpable. Wagner qui comprend des mercenaires et des militaires russes déçus par la corruption de l’armée régulière avait conquis cinq villes ukrainiennes durant l’été 2022. Ses succès ont fait des jaloux au sein du commandement de l’armée russe.

Les relations entre Wagner et l’armée russe se sont détériorées après que le chef d’état-major Guérassimov a été nommé pour remplacer le commandant russe en chef en Ukraine Sergueï Sourovikine. À titre indicatif, l’armée russe a refusé d’inclure des membres de Wagner dans les échanges de prisonniers avec l’Ukraine en janvier 2023. Prigojine a dû négocier directement avec le chef du renseignement ukrainien ledit échange. De plus, il accuse également l’armée de ne pas lui fournir les munitions dont il a besoin.

La marche avortée de Prigojine

Le 24 juin, le convoi militaire de Wagner a avancé jusqu’à 200 km de Moscou et a pris le contrôle du centre d’opérations militaires de Rostov-sur-le-Don. Lors de son avance vers Moscou, Prigojine qui est un communicateur hors pair s’est présenté avant tout comme un nationaliste russe. Il a déploré la corruption des hauts gradés et a remis en question la guerre en Ukraine qu’il a qualifiée de fraude et a accusé d’incompétence le ministre de la Défense Choïgou et le chef d’état-major Guérassimov, exigeant qu’ils soient limogés. Il n’a pas fait mention de Poutine.

Visiblement contrit, le président Poutine a accusé les mercenaires Wagner de trahison et a demandé à ce qu’ils incorporent l’armée régulière. Mais il s’est abstenu de mentionner Prigojine. Finalement, l’accord conclu entre le président russe et Wagner avec la médiation du président biélorusse Loukachenko a stipulé que les troupes de Wagner bénéficieraient de l’immunité et qu’ils se retireraient en Biélorussie.

Il est clair que le projet de marche vers Moscou de Prigojine a été gardé secret et qu’il a eu des appuis au sein de l’armée russe. Le plus haut gradé militaire russe Sergei Sourovikin, ancien commandant des forces armées russes, aurait été mis au courant de son projet de marche sur Moscou.

Prigojine s’est retiré de Russie et les théories conspirationnistes sont allées bon train.

Selon le Washington Post, l’oncle Sam était au courant du projet d’avance vers Moscou de Prigojine depuis le 21 juin et en avait informé la Grande-Bretagne seulement. Serait-il la source qui a éventé le projet de putsch ? Cela se pourrait, car si Poutine perdait le pouvoir, il serait sûrement remplacé par un dur qui n’hésiterait pas à employer des moyens radicaux. Rappelons que la Russie possède le plus grand nombre d’ogives nucléaires au monde.

Prigojine continue à opérer à partir de la Biélorussie ou trois camps de plusieurs dizaines de kilomètres carrés chacun sont construits pour héberger ses 25 000 mercenaires. Son avion personnel a fait un voyage de Minsk à Moscou et un autre à Saint-Pétersbourg sans que ses allées et venues soient bloquées. Il est évident que beaucoup d’officiels craignent Prigojine qui est au courant de bien des malversations et qu’il bénéficie d’un appui non négligeable dans l’armée et au gouvernement. À preuve, l’attaque somme toute limitée de la colonne de Prigojine (7 aéronefs russes ont été abattus et 30 membres de Wagner ont péri). Il n’en demeure pas moins que Poutine et des personnes haut placées ont quitté Moscou lors de l’avancée de Prigojine vers la ville qui craignit la guerre civile.

Poutine a admis que Wagner a joui d’une allocation d’un milliard de dollars et d’un autre milliard en équipements. La Russie n’aimerait certainement pas perdre l’influence dont elle a bénéficié dans plusieurs pays grâce aux activités subversives de Wagner.

Au front, il semble que l’armée ukrainienne cherche le meilleur endroit à partir duquel il serait possible de percer les six lignes de défense russes installées par Sergueï Sourovikine. Celles-ci tiennent bon. Le gros de l’armée ukrainienne reste en arrière le temps de recevoir des armes de l’Occident et de maîtriser leur manipulation. Une offensive ukrainienne qui aurait plus de chance ferait intervenir les avions américains F-16 qui devraient être disponibles en Ukraine en janvier 2024.

Que retenir ?

De tout temps, il y a eu des gouvernements qui ont eu recours à des armées privées : gardes suisses, corsaires du roi ou mercenaires de tout acabit. Le plus souvent du temps, ces mercenaires, tout comme les compagnies de sécurité privées (Black Water, Wagner…) et les marchands d’armes n’ont d’autre ambition que le profit et peuvent être tentés d’influencer le cours des événements à leurs propres fins.

Faire confiance à un dictateur comporte des risques certains. Le président Poutine a berné l’Occident qui a vu en lui une personne directe et digne de confiance. Les invasions de la Géorgie et de la Crimée ont été tolérées par l’Occident, mais auront été le prélude à l’ambition d’incorporation de l’Ukraine à la Russie. Le fait qu’en dictature il n’y ait pas de place à la critique et que Poutine s’informe des réalités de son pays par des aides dont l’avancement a relevé plus de l’obéissance que de la compétence ont contribué à ses prises de décision erronées.

Le président biélorusse est certainement ravi d’avoir à son côté une force qui contribue à le maintenir au pouvoir. Or, la Russie a installé des rampes de lancement de missiles nucléaires tactiques en Biélorussie. Advenant le cas où le groupe Wagner s’en emparerait, la tension entre l’OTAN et la Russie s’aggravera sûrement.

L’Europe s’est unifiée au sein de l’OTAN. Les États-Unis jouent un rôle prédominant dans la sécurité de l’Europe et exigeront sûrement qu’elle se rallie à ses positions pour faire face aux ambitions chinoises dans le Sud-est asiatique.

La Russie a fait l’amodiation des territoires russes limitrophes de la Chine pour 50 ans. Toutefois, dans les manuels scolaires chinois, ces territoires sont considérés comme faisant partie de la Chine et il y est précisé qu’ils ont été ravis par la Russie. Une Russie affaiblie pourrait mener la Chine à convoiter les ressources hydrauliques et minérales de Sibérie où des millions de travailleurs chinois sont employés.

Les retombées du conflit russo-ukrainien sont encore incertaines. Dans les conditions présentes, il est peu probable que le départ de Poutine accélérerait le dénouement de ce conflit.

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