Helen Mirren dans la peau de Golda Meir, la "dame de fer" israélienne
D'une femme de pouvoir à l'autre : après Elizabeth II, l'actrice Helen Mirren, oscarisée en 2007 pour "The Queen", interprète une personnalité moins consensuelle, Golda Meir, dans un film présenté lundi soir à la Berlinale.
Golda, le film présenté au Festival de Berlin lundi 20 février, et dont Helen Mirren incarne le personnage principal, est centré sur la guerre du Kippour en octobre 1973 et ces jours qui continuent de hanter la mémoire collective en Israël à la fin du mandat de Première ministre de Golda Meir.
Pris par surprise en pleine fête de Kippour, la plus importante du calendrier juif, l'Etat hébreu vacille sous le feu croisé de l'Egypte et de la Syrie. L'armée israélienne ne parvient à reprendre le dessus qu'après de graves revers et au prix de plus de 2 500 morts. "Il s'agit du Vietnam d'Israël", a déclaré le réalisateur Guy Nattiv en conférence de presse, s'attendant à ce que le film puisse rouvrir des débats dans son pays.
Une entreprise de réhabilitation
Dans le film, "Golda n'est pas montrée comme un personnage totalement lisse, elle a fait des fautes, des erreurs mais elle a pris ses responsabilités, ce que les dirigeants politiques ne font pas aujourd'hui", a-t-il ajouté. Celle qui fut l'un des fondateurs de la nation, signataire de la déclaration d'indépendance, démissionnera en 1974 et mourra quatre ans plus tard. "Elle a été injustement dénigrée en Israël" et n'a "jamais rejeté la responsabilité sur quiconque" pour les erreurs qui ont pu être faites, a renchéri Helen Mirren devant la presse. C'était une dirigeante "totalement dévouée sans être ivre de pouvoir ou dictatoriale".
Dans le film, qui fait le choix de se concentrer sur le point de vue des autorités civiles et militaires israéliennes, les combats ne sont montrés que du ciel. Né lui-même en 1973, le réalisateur israélien revendique une entreprise de réhabilitation d'une figure politique parfois contestée, forte mais inflexible, et qui a affiché des positions radicales sur la question palestinienne.
Le film ne cache pas pour autant la paralysie initiale du pouvoir israélien, ni les difficultés à convaincre l'Amérique de Richard Nixon, en pleine Guerre froide, d'aider son allié. A l'écran, Helen Mirren, 77 ans, se fond dans le rôle, interprétant une dirigeante travailliste crépusculaire, seule face aux décisions les plus difficiles, fumant cigarette sur cigarette.
Tout en gérant la plus grave crise qu'ait connue son pays, elle fait soigner en secret le cancer qui la ronge, dont l'armada de militaires et de ministres, tous des hommes, placés sous son autorité ne doivent rien savoir. Dans le film, sa seule confidente est sa proche assistante, interprétée par Camille Cottin, rendue célèbre par la série Dix pour cent et qui poursuit une carrière internationale l'ayant déjà conduite à apparaître aux côtés de Matt Damon (Stillwater) et chez Ridley Scott (House of Gucci).
Une polémique au Royaume-Uni
Tourné en anglais, avec une actrice principale britannique, le film a déjà fait avant même d'être montré l'objet d'une polémique au Royaume-Uni, certains s'interrogeant sur le choix d'une actrice qui n'est pas juive pour interpréter Golda Meir.
"J'ai été surpris de voir cette réaction", a répondu le réalisateur Guy Nattiv en conférence de presse, estimant qu'il était aussi absurde de décider que seuls des acteurs juifs puissent jouer des rôles de personnages juifs que d'interdire aux juifs de jouer des rôles de non-juifs. "Cela limiterait les possibilités [des interprètes] dans de telles proportions", a-t-il souligné. "Les acteurs israéliens ou juifs n'ont aucune limitation pour jouer dans le monde entier". "Et si demain on fait un film sur Jésus-Christ, qui va le jouer ? Un juif ou un non juif ?", a ironisé Lior Ashkenazy, le général David Elazar dans le film. "En tout cas, pas moi !", s'est esclaffée Helen Mirren.
Golda Meir serait "horrifiée" par la situation en Israël
Golda Meir, décédée il y a 45 ans, serait "complètement horrifiée" par la politique conduite actuellement dans l'Etat hébreu, estime Helen Mirren dans une interview à l'AFP. La dirigeante travailliste partageait "l'idéalisme" des fondateurs de l'Etat hébreu, bien loin de la réforme en cours du système judiciaire, qui marquerait "l'arrivée de la dictature", selon l'actrice. Le Parlement israélien a approuvé mardi en première lecture deux dispositions de cette réforme controversée. Le projet mobilise une grande partie de l'opinion publique contre lui depuis son annonce, début janvier, par le gouvernement formé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu (droite) avec des partis d'extrême droite et des formations ultra-orthodoxes juives.
"Je pense que ce serait un renversement complet et un déni de ses valeurs", a déclaré l'actrice à propos de cette réforme, que l'ONU a appelé mardi à suspendre, inquiète de ses conséquences en matière de droits humains et d'indépendance de la justice. "C'est l'arrivée de la dictature et la dictature a toujours été l'ennemi du peuple dans le monde entier, et c'est ce que (Golda Meir) penserait", a-t-elle ajouté. "Je crois que nous sommes sur le point de perdre la démocratie, et je pense que si Golda était vivante et voyait ça, elle voudrait retourner dans sa tombe", a estimé de son côté auprès de l'AFP le réalisateur israélien du film Guy Nattiv. "Elle était très honnête. Elle a aussi pris ses responsabilités pour tout, et elle croyait totalement dans le système judiciaire. Donc c'est totalement l'opposé de ce qu'on voit aujourd'hui, et pour moi c'est effroyable".
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