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Hommage a Jerry Lewis

Lewis a donné des cours de cinéma à la fin des années soixante. Parmi ses élèves à l'Université de Californie du sud, George Lucas et Steven Spielberg

Le comique juif Jerry Lewis, 91 ans, est mort, laissant son rire en héritage Le réalisateur aux multiples facettes et philanthrope a percé à l’âge de 15 ans et n’a jamais cessé d’améliorer son jeu.

L’acteur, comédien, réalisateur, inventeur, philanthrope juif américain et l’un des derniers liens au vaudeville Jerry Lewis est décédé dimanche à l’âge de 91 ans. Et c’est le monde entier qui aura perdu un peu de sa drôlerie.

Lewis, né Joseph Levitch à Newark dans le New Jersey, a grandi dans une famille du show-business. Son père, Daniel Levitch, travaillait dans le vaudeville et sa mère, Rae, était pianiste pour la station de radio WOR, qui existe encore de nos jours. Comme le veut la légende, il est monté pour la toute première fois sur une scène à l’âge de cinq ans, entonnant la chanson « Brother, Can You Spare a Dime? » et a accidentellement fait tomber une rampe lumineuse. Sa réaction de surprise a fait rire le public et ouvert la voie à une carrière de comique exceptionnelle.

Il a abandonné le lycée à l’âge de 15 ans et aiguisé ses talents d’acteur. Son jeu le plus connu ? Il mettait un électrophone et faisait un play-back exagéré. Cela paraît simple mais en voyant la manière dont Jerry Lewis pouvait tordre les traits de son visage, la raison de son extrême popularité devient compréhensible. Il travaillait dans le « Borscht Belt » juif, dans les montagnes de Catskills (il s’est longtemps arrêté à l’hôtel Brown de Lake Sheldrake) et, en 1945, à l’âge de 15 ans, il a commencé à fréquenter Dean Martin.

Le beau chanteur italo-américain (né Dino Crocetti) était le pendant parfait au personnage farfelu, anarchique et gamin de Lewis. Leur spectacle sur scène s’est construit sur l’improvisation, dans laquelle Lewis apportait un aimable désordre dans les performances vocales plutôt élégantes de Martin. Martin et Lewis ont connu rapidement le succès comme duo se présentant dans des spectacles organisés dans les discothèques, à la radio, lors des premiers jours de la télévision et finalement à Hollywood, dans des films de fiction. Si leurs premières apparitions au cinéma ont fait partie d’un ensemble (avec « Ma bonne amie Irma », en 1949), ils sont rapidement devenus, par eux-mêmes, des stars.

Ils ont fait 15 films dans les années 1950 et sont devenus les acteurs les plus rentables de Hollywood. Ils ont même eu l’honneur d’être les personnages principaux d’une BD de super-héros. Mais les singeries de Lewis volaient tellement la vedette à Dean Martin qu’une séparation du couple est devenue inévitable (quelle que soit la « vraie » raison à l’origine de la séparation, aucune des deux parties ne l’a jamais divulguée). Mais avant que le partenariat ne s’achève au mois de juin 1956, ils ont fait ensemble « Artistes et modèles » et « Un vrai cinglé de cinéma » et c’est là que Jerry Lewis a rencontré celui qui allait devenir son deuxième grand collaborateur, Frank Tashlin.

Tashlin était un ancien animateur de Looney Toons et était lui aussi originaire du New Jersey, monté à Hollywood. Lorsque Dean Martin s’est retiré du duo pour continuer sa carrière de chanteur et de star dans des films tels que « Comme un torrent » et « Rio Bravo » en s’immergeant davantage dans la culture du ‘rat pack’ aux côtés de Frank Sinatra et de Sammy Davis, Jr., Lewis et Tashlin ont inventé les films en technicolor – plus élaborés et hautement mis en scène – qui avaient bien plus de style que les comédies de studio habituelles réalisées à l’époque.

Le cliché entretenu par certains est qu’il suffisait à Jerry Lewis de courir en hurlant pour que les critiques français le qualifient de génie. Mais une fois qu’il a commencé à travailler avec Tashlin, il a alors véritablement commencé à créer des films de cinéma extraordinaires, qui n’avaient plus rien à voir avec le baratin sorti dans les night-clubs : Regardez – pour le plaisir – la scène de danse de « Cendrillon aux grands pieds » (en 1960) ou le gag de la machine à écrire dans « Un chef de rayon explosif » (1963).

Après un certain nombre de films avec Tashlin, et même s’il a continué à travailler à ses côtés de temps en temps, Lewis a commencé à réaliser ses propres oeuvres. Le premier, « Le dingue du palace », tourné à l’hôtel Fontainblue de Miami, était d’abord un projet parallèle (Il avait donné des spectacles dans le night-club de l’établissement). Au cours des jours de tournage, il a principalement assemblé des sketchs dans lequel son personnage (un groom niais) n’avait pratiquement aucun dialogue.

Peu de choses importantes sont survenues à ce moment-là. Lorsque le studio avec lequel il travaillait depuis des années, Paramount, s’est lassé de financer un film en noir et blanc majoritairement muet, Lewis a avancé l’argent qui manquait lui-même (et a fait des bénéfices énormes). Et, puisqu’il jouait tout en réalisant, il a créé un système de play-back en vidéo grâce auquel il pouvait voir ce qui venait d’être filmé, sans attendre, sur le plateau. A cette époque-là, les réalisateurs devaient attendre le développement du film et voir les « rushes » de ce qui avait été tourné. Mais pour les sketchs exubérants de Lewis (particulièrement de la danse), cela ne fonctionnait pas. Personne n’avait imaginé faire cela auparavant et cette technique est devenue rapidement une composante essentielle de la réalisation de films qui aura perduré jusqu’à l’émergence du numérique.

Après « Le dingue du palace », a été tourné le premier chef d’oeuvre de Lewis : « Le tombeur de ces dames ». Film aux couleurs fortes et brillantes, le personnage enfantin de Lewis se trouve opposé à une maison-close remplie de jeunes femmes. (Ce n’est pas trop lubrique et Lewis maintient dans l’ensemble une attitude façon « Beurk, c’est dégoûtant, les filles ! »).

Un grand nombre des influences de Lewis sont manifestes comme l’était la comédie chaotique et perçante d’Adam Sandler. Mais « le tombeur de ces dames » et son énorme maison de poupée ouverte ont directement inspiré « La vie aquatique » de Wes Anderson. Les performances de Lewis, admettons, ne sont pas pour tout le monde mais sa technique cinématique est véritablement extraordinaire.

En 1963 est sorti le plus grand carton de Lewis, « Docteur Jerry and mister love ». Ce conte relevant du Docteur Jekyll et mister Hyde (qui sera repris plus tard par Eddie Murphy) a été notable parce qu’en plus d’interpréter le scientifique planant et maladroit, il jouait aussi le débonnaire Buddy Love, prouvant que Lewis pouvait jouer comme un adulte et même se révéler assez… bel homme ?

Lewis a enseigné dans des écoles de cinéma à la fin des années 1960 et ses élèves de l’Université de Californie comptaient dans leurs rangs George Lucas et Steven Spielberg. Son livre sorti en 1971, « The Total Film-Maker », pouvait présenter un titre un peu pompeux mais s’est révélé très utile pour les jeunes réalisateurs à un moment où il y avait finalement peu de textes mis à leur disposition.

A travers les années 1960, Lewis est constamment apparu dans des talk-shows à la télévision et a organisé le téléthon au nom de l’Association de lutte contre la dystrophie musculaire, devenu une tradition du week-end de la fête du Travail à partir de 1966 jusqu’en 2010. Avant la télévision par câble, cette émission, qui durait toute la nuit, mélangeant une diffusion nationale émise depuis Las Vegas et des interventions locales, était très populaire. Le terme « les gosses de Jerry » était utilisé pour décrire les enfants aidés par le programme (il était devenu également une insulte banale dans les cours d’école).

Malgré sa philanthropie, Lewis est devenu, aux yeux du public, plus qu’un perfectionniste : Un râleur. Personne ne savait combien cette attitude était surjouée au nom de la comédie, mais il s’est penché sur ce phénomène en 1983 avec une performance étonnante dans le film de Martin Scorsese « le roi de la comédie ». Où, il jouait un animateur las et inamical de talk-show kidnappé par deux fans déments (Robert DeNiro et Sandra Bernhard.)

Lewis le grincheux a atteint le summum de son personnage lors d’une interview accordée au Hollywood Reporter en décembre 2016. Qu’il ait plaisanté ou non au cours de cet entretien est encore âprement débattu (et si c’était les deux ?…)

Lewis a réalisé treize films comme réalisateur, même si un n’a jamais été découvert par le public – une comédie mal conçue sur l’Holocauste. « The Day The Clown Cried » est l’un des projets les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Dans la mesure où Lewis travaillait en indépendant, il a pu estimer que le film qu’il était en train de réaliser ne fonctionnait tout simplement pas. Même s’il ne se distinguait pas dans son approche du film de 1998 « La vie est belle » (qui avait remporté deux Oscars à sa star et réalisateur Roberto Begnini), « The Day The Clown Cried » raconte l’histoire d’un artiste de cirque qui tente d’arracher un sourire aux enfants d’Auschwitz. Pendant des décennies, les journalistes ont demandé à Lewis s’il sortirait un jour le film, et la réponse a toujours été « non ».

Lewis a visité Israël pour la première fois en 1981, même s’il a affirmé avoir acheté un billet d’avion en 1967 au moment où la guerre des Six Jours avait éclaté. Son oeuvre a rarement été explicitement juive mais, comme les Marx Brothers, elle peut se lire facilement de cette façon.

Parmi les distinctions qu’il aura reçues, un Oscar honoraire, la légion d’honneur en France et le Hall of Fame du New Jersey. Il laisse derrière lui son épouse, SanDee, et une fille, Danielle, ainsi que cinq fils (dont Gary Lewis de Gary Lewis and the Playboys) d’un précédent mariage. Ce soir, poussons un cri perçant, cognons-nous : Ce sera la plus belle manière de lui rendre hommage.

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