Israël - Le Hezbollah et Israël flirtent avec la guerre
L'armée israélienne accuse un commando islamiste libanais d'avoir tenté de s'introduire sur son territoire. La tension monte à la frontière.
L'État hébreu était déjà sur le qui-vive en prévision d'une attaque du Hezbollah à sa frontière septentrionale. Celle-ci a finalement eu lieu ce lundi sous la forme d'une tentative d'intrusion en territoire israélien d'un commando libanais. Des combattants islamistes munis de fusils ont « pénétré quelques mètres au-delà de la Ligne bleue », avant d'être pris pour cible par des soldats de Tsahal, a annoncé l'armée israélienne dans l'après-midi. « Nous avons pu déjouer avec succès une tentative d'infiltration d'une cellule terroriste en Israël », a précisé le porte-parole de l'armée israélienne, Jonathan Conricus, ajoutant avoir obtenu « une confirmation visuelle selon laquelle les terroristes sont retournés au Liban ». D'après Tsahal, les échanges de tirs n'ont pas fait de blessés du côté israélien.
« L'armée israélienne a réagi de façon modérée à la tentative du Hezbollah de pénétrer sur le territoire israélien pour attaquer ses soldats, sans produire de pertes parmi les combattants de l'organisation », souligne Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au centre interdisciplinaire de Herzliya (Israël). Longue de 130 kilomètres, la Ligne bleue a été tracée par les Nations unies après le retrait israélien du Liban, en juin 2000. Marquée tantôt par un mur de neuf mètres de haut, tantôt par des grillages électrifiés, cette ligne de démarcation entre les deux pays est censée être surveillée, du côté libanais, par la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban (Finul) et l'armée libanaise. Signe de l'impuissance de la Finul, un porte-parole de la force onusienne a appelé, dans une déclaration à l'Agence France-Presse, les deux parties à « la plus grande retenue ».
Une heure d'explosions
D'importantes explosions ont secoué pendant une heure les abords de la position militaire israélienne de Rouaissat al-Alam, située dans la région des fermes de Chebaa, depuis laquelle Israël menait des dizaines de frappes d'artillerie. Ce territoire de 25 kilomètres carrés a été conservé par l'État hébreu après son retrait du Liban, en 2000. Pour Tel-Aviv, la zone fait partie du plateau syrien du Golan qu'il a annexé. Pour le Liban, et la Syrie, elle revient au pays du Cèdre. C'est notamment au nom de la récupération de ces 18 fermes qu'il considère comme occupées que le Hezbollah refuse de démanteler son arsenal de 120 000 roquettes et missiles, comme toutes les autres milices libanaises l'ont fait à l'issue de la guerre civile (1975-1990). « Il est étonnant qu'Israël s'obstine à occuper ce petit territoire », souligne Karim Émile Bitar, directeur de l'Institut de sciences politiques de l'université Saint-Joseph de Beyrouth. « S'il donne un avantage stratégique, il offre avant tout au Hezbollah un prétexte en or pour maintenir son arsenal militaire. »
Dans un communiqué publié lundi soir, le mouvement islamiste a démenti toute implication dans les combats avec Israël. « Jusqu'à maintenant, la résistance islamique n'a pris part à aucun accrochage, n'a pas ouvert le feu durant les événements du jour », a assuré le parti chiite, qui n'a dénombré aucune victime. Pourtant, une source libanaise, interrogée plus tôt par l'agence de presse Reuters, a indiqué que le Hezbollah avait tiré un missile guidé contre un char israélien situé dans le secteur des fermes de Chebaa. Selon la chaîne libanaise Al Mayadeen, proche du mouvement islamiste, il s'agissait d'un missile antichar russe de type Kornet. Tsahal, de son côté, dément avoir été ciblé par une telle attaque.
Représailles
L'opération du Hezbollah s'inscrirait en représailles de la mort d'un combattant du mouvement, Ali Kamal Mohsen, dans un raid israélien survenu le 20 juillet dernier près de l'aéroport de Damas, tuant en tout cinq combattants étrangers pro-iraniens. Décidé à pousser la République islamique, principal soutien à Bachar el-Assad avec la Russie, hors de Syrie, Israël mène depuis 2011 des centaines de frappes aériennes contre l'Iran et ses alliés, dont le Hezbollah. Le mouvement islamiste a dépêché sur place depuis 2013 des milliers de ses combattants aux côtés de l'armée syrienne, des Gardiens de la révolution iraniens et des milices chiites afghanes et pakistanaises. Tsahal entend également que de l'armement sophistiqué soit transféré de la Syrie vers le Liban.
Une précédente attaque israélienne, en août 2019, près de Damas avait coûté la vie à deux combattants libanais. Furieux, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait annoncé dans la foulée que son mouvement riposterait à toute attaque contre l'un de ses membres. Plusieurs missiles avaient été tirés dans le nord d'Israël en représailles, sans faire de victimes. « Israël ne peut plus accepter la tentative de Hassan Nasrallah de dissuader Tsahal de mener toute action contre des objectifs iraniens stratégiques en Syrie, qui incluent souvent des combattants du Hezbollah », analyse le chercheur Ely Karmon.
Lettre via l'ONU
Pour prévenir une nouvelle riposte, l'État hébreu aurait cette fois-ci envoyé la semaine dernière une lettre au Hezbollah, par le biais de l'ONU, dans laquelle il a expliqué ne pas avoir eu l'intention de tuer Ali Kamal Mohsen, selon le numéro deux du Parti de Dieu, Naïm Qassem, qui s'est exprimé dimanche soir sur la chaîne libanaise Al Mayadeen.
Las, le Hezbollah a annoncé qu'il n'en resterait pas là. « La réponse au martyre du frère Ali Kamel Mohsen […] viendra irrémédiablement », a indiqué le parti chiite dans son communiqué, ce à quoi le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a répondu que le « Hezbollah jouait avec le feu ». Les deux camps n'ont pourtant pas intérêt à entrer en conflit ouvert. Outre son implication militaire en Syrie, le Hezbollah est aujourd'hui en difficulté à l'intérieur même du Liban. Le mouvement chiite, qui fait partie de la coalition gouvernementale aux côtés des chrétiens du Courant patriotique libanais (CPL), est affaibli par une crise économique sans précédent alors qu'il est déjà frappé de plein fouet par les sanctions américaines.
Tensions régionales
Quant au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, déjà fragilisé par une triple inculpation pour corruption, il est actuellement sous le feu des critiques pour ne pas avoir su prévenir la seconde vague de Covid-19 qui touche Israël. Mais, dans le contexte de tension extrême entre les États-Unis, l'Iran et Israël, la moindre étincelle au Moyen-Orient peut provoquer une guerre. « Les périodes préélectorales américaines sont toujours à haut risque », rappelle le politologue Karim Émile Bitar. « L'Iran, soutien du Hezbollah, est aujourd'hui pris à la gorge par la pression maximale des États-Unis tandis que Netanyahou est pris dans ses démêlés judiciaires, et le moindre mauvais calcul pourrait provoquer une escalade. » Et, comme souvent, c'est au Liban de subir les secousses de cette guerre par procuration.
Source : Le Point
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