Judaisme: les femmes se font leur place, a petits pas
Les femmes se font-elles davantage entendre dans le judaïsme français ces dernières années ? Des "avancées" sont notables, mais les acquis restent à préserver, analysent plusieurs femmes ou élèves rabbins qui participent à une rencontre à Rouen dimanche et lundi.
"La femme est-elle un Homme comme les autres ? Perspectives juives", tel est le thème de ce rendez-vous, organisé par Les filles de Rachi, une association qui a pour but de promouvoir toutes les voix des femmes dans le judaïsme français.
Une dizaine de femmes, rabbins en exercice ou en formation, des enseignantes et deux rabbins hommes, de courants différents, vont travailler en ateliers, sur la Bible hébraïque, le Talmud, le Midrash (commentaire rabbinique de la Bible). Une bonne soixantaine de personnes y sont inscrits.
En 2019, un premier "congrès" mondial s'était tenu à Troyes, dans la Maison de Rachi, grand commentateur de textes du judaïsme au XIe siècle et père de trois filles élevées comme des sages. Venues des Etats-Unis, d'Israël, de France, les intervenantes y avaient discuté du "leadership" des femmes.
Une première édition qui "a certainement renforcé l'idée que les femmes devaient s'impliquer davantage dans la prise de responsabilités: l'accès à l'étude des textes sacrés, l'enseignement, davantage de fonctions dans la vie de la communauté, le rabbinat", affirme à l'AFP Pauline Bebe. Cette première femme à devenir rabbin, tendance libérale, en 1990, en France, animera un atelier dimanche.
"C'est inédit !"
Pour les orthodoxes, confier le rabbinat à une femme n'est pas conforme à la loi juive. En revanche, la tendance libérale (progressiste) et le courant massorti (que l'on peut situer entre les libéraux et les orthodoxes) l'autorisent.
"Maintenant, les femmes rabbins font partie du paysage juif français", ajoute Pauline Bebe.
Delphine Horvilleur, rabbin libérale depuis 14 ans, constate "beaucoup d'avancées ces dernières années". "Il y a une forme d'acceptation, dans bien des milieux juifs, d'une place plus importante des femmes: à la fois la voix des femmes, le corps des femmes, l'érudition des femmes".
La France compte désormais cinq femmes rabbins -libérales-, dont la dernière, Iris Ferreira, a été ordonnée à l'été 2021. Une école rabbinique libérale a ouvert ses portes à Paris en 2019, seul lieu possible d'études pour femmes dans l'Hexagone. Elle forme actuellement quatre étudiantes.
Une Française massortie devrait être ordonnée d'ici fin 2022.
Surtout, fait nouveau, dans le courant orthodoxe "moderne", quatre autres suivent des études rabbiniques auprès d'un séminaire new-yorkais orthodoxe qui autorise l'ordination des femmes. Quatre, "c'est inédit !", souligne l'une d'elles, Myriam Ackermann-Sommer, présente à Rouen également.
Elle-même, en attendant son ordination l'an prochain, multiplie les initiatives: elle a mis sur pied un institut de théologie intitulé "Kol-Elles" s'adressant aux "femmes qui veulent prendre part à la vie de leur synagogue", ou commente chaque jour le Talmud sur podcast.
La Maison sublime
"Dans le judaïsme orthodoxe", il n'y a pour les femmes "que les places que les hommes leur assignent", juge Hannah Ruimy, du même séminaire. Toutefois, pour cette fille de rabbin qui enseigne le Talmud, "il ne faut pas se poser la question": "la place, il faut se la faire" soi-même, lance-t-elle.
Selon Laura Hobson-Faure, professeure d'histoire contemporaine à Paris-I, à la chaire des mondes juifs contemporains, la "nouveauté" vient de ces femmes. Elles "proposent une relecture des pratiques orthodoxes, tout en les protégeant".
Des avancées qui peuvent cependant paraître timides. Le Consistoire --créé par Napoléon en 1808 pour structurer le judaïsme français-- , dit compter quelque 300 rabbins (hommes, donc) dans l'ensemble de ses communautés.
"Parmi les juifs français qui adhèrent à une synagogue, le courant consistorial est majoritaire", rappelle Laura Hobson-Faure. "Et depuis le milieu des années 1980, ce courant est plus orthodoxe".
Plus généralement, Delphine Horvilleur met en garde: "le droit des femmes peut toujours reculer", dans la religion comme dans la société. Attention à la "montée de voix conservatrices" qui accompagnent les avancées, dit-elle.
Les intervenantes ont hâte de se retrouver dimanche, à Rouen. Cerise sur le gâteau: les travaux se tiendront près de la Maison sublime, qui fut peut-être une école rabbinique au XIIe siècle. Considérée comme le plus vieux monument juif de France, elle vient tout juste de rouvrir après restauration.
Commentaires
Je suis désolée de vous dire qu'il n'y a pas lieu de se réjouir de la place faite à pas minuscules de fourmis par les femmes juives au sein de leur religion.
La religion juive a évolué sur certains points, reléguant au passé la lapidation, le lévirat, etc. ; la polygamie fut interdite grâce à l'amendement de Rabbénou Gerchom Meor Ha-Golah, qui a vécu de 960 à 1028 de notre ère en France, alors que le Talmud était clos depuis plusieurs siècles auparavant.
Alors, dites-moi pourquoi n'y a-t-il plus d'amendements, dites Taqqannot ?
Comment se fait-il que les femmes, plus nombreuses que les hommes, subissent la ségrégation, des lois humiliantes, une condition d'êtres de seconde zone encore aujourd'hui ?
Des féministes, et certaines faisant partie de congrégations plus avancées ne se soucient guère de la souffrance de la majorité des femmes juives, même non-pratiquantes, lors du décès d'un proche par exemple, où les femmes n'ont que leurs yeux pour pleurer, muettes, à l'écart, sans un adieu, comme des étrangères, sans le droit d'élever leur voix dans une prière à Dieu. Pire, on dit que c'est de leur faute, qu'elles n'ont qu'à s'inscrire dans un mouvement plus moderne, les femmes toujours responsables de leur condition...
Dites-moi, pourquoi les femmes orthodoxes ne réclament-elles pas dans un premier temps, avant l'égalité devant Dieu, des synagogues pour femmes uniquement, comme il existe des synagogues réservées uniquement aux hommes en Israël.
En Israël, j'ai vu des grandes salles de prière occupées par quelques hommes, alors que les femmes se tenaient dehors, debout, par tous les temps, tendant l'oreille pour capter quelques bribes des paroles de l'officiant au loin.
La dernière fois que je me suis exprimée sur la Gazette de Dafina, un homme a été offusqué, estimant que cela n'avait pas sa place dans une revue où visiblement l'on ne doit parler que de traditions, et a fait supprimer mon commentaire !
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