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L’État binational “de facto” signera la fin de la démocratie israélienne

L’État binational “de facto” signera la fin de la démocratie israélienne

La poursuite de l’occupation des Territoires palestiniens est une anomalie et une menace pour l’avenir d’Israël en tant qu’État démocratique, estime un éditorialiste de “Yediot Aharonot” à l’occasion du 74e anniversaire de l’État hébreu, célébré ce 5 mai en vertu du calendrier religieux juif.

Dans un an, Israël célébrera ses 75 ans en tant qu’État juif indépendant et souverain. D’ici là, il nous faut souhaiter que son caractère le plus essentiel soit préservé et qu’il reste un État démocratique.

La démocratie est synonyme de santé et de vitalité, on en comprend la valeur quand elle fait défaut, quand elle est partielle ou quand elle dysfonctionne. Sans démocratie, il est difficile de respirer, de grandir, de penser, de connaître, d’aimer. Au terme de jours parfois longs et sombres, les non-démocraties tombent et les démocraties survivent. Elles survivent car elles seules sont capables de s’adapter aux changements et de se réinventer.

Israël a non seulement survécu aux soixante-quatorze années qui ont suivi son édification, mais sa démocratie a également survécu en résistant à la tentation autoritaire. Malgré les circonstances difficiles, malgré un environnement hostile et malgré les profonds désaccords idéologiques au sein de sa population.Ou plutôt grâce à eux. Les désaccords sont la base de la démocratie. Ce sont eux qui font la grandeur et la force de la démocratie, laquelle permet de traiter les différends, de progresser et de tout simplement exister.

Le choix résolu de la démocratie

Une opinion répandue considère qu’il est très difficile pour les démocraties de changer de cap politique parce que tout changement de cap exige des débats, des compromis et des comptes à rendre devant le peuple. Autrement dit, les démocraties n’évolueraient que lentement, voire pas du tout.

Par contraste, les régimes autoritaires seraient davantage capables d’introduire des changements parce que la décision finale revient à un autocrate ou à un cercle fermé qui ne sont pas embarrassés par des contre-pouvoirs ou la recherche d’équilibres. Bref, les régimes autoritaires seraient plus “maniables” que les régimes démocratiques.

Mais l’Histoire prouve que c’est le contraire qui est vrai. À première vue, les tyrannies semblent plus solides et capables de réagir plus rapidement, alors que ces régimes sont en fait pourris de l’intérieur et bloqués sur la seule voie qu’ils se sont initialement tracée, même lorsqu’elle mène de toute évidence à une impasse. Les tyrans s’en tiennent au schéma qu’ils ont inventé, n’écoutent que les conseils de proches leur disant ce qu’ils veulent entendre et craignent que tout écart ne porte atteinte à leur statut infaillible de guides éclairés.

Pour les tyrans, l’essentiel est de ne pas avoir l’air faibles et de ne pas donner l’impression de céder aux “influences de l’étranger”. Et si le peuple ne croit pas en la sagacité inébranlable du chef, il n’a d’autre choix que de faire avec. Aux XXe et XXIe siècles, ce ne sont pas les exemples qui manquent de tyrannies aux objectifs ambitieux ayant finalement précipité leur peuple dans la régression et l’effondrement.

C’est tout le contraire dans les démocraties, où la pression de l’opinion publique et de l’électeur contraint les dirigeants à changer de cap lorsque la réalité l’exige. Le changement préserve les démocraties, tandis qu’avec le temps, il détruit les dictatures.

Le péril de l’État unique

Bien entendu, il n’existe pas de démocratie idéale et la démocratie israélienne n’a jamais été et n’est toujours pas idéale. Flirtant avec un régime autoritaire, l’État d’Israël avait initialement et pendant longtemps nié les droits démocratiques fondamentaux de ses citoyens arabes [jusqu’en 1966, les 20 % d’Arabes israéliens ont vécu sous un régime de gouvernement militaire]. Ces apories antidémocratiques ont ensuite été largement corrigées.

En ce 74e Jour de l’Indépendance, Israël est une démocratie florissante, une économie florissante et une société florissante. Mais cette démocratie n’est une réalité qu’en dehors des territoires [palestiniens] occupés depuis 1967.

En Cisjordanie prévaut un régime israélien d’occupation antidémocratique. Si, contrairement aux sombres prédictions [du philosophe et historien religieux] Yeshayahou Leibowitz après la guerre des Six Jours [1967], le régime d’occupation n’a pas encore corrompu la démocratie israélienne, c’est précisément parce que ce dernier continue d’être perçu comme non démocratique.

Même s’il est parfois considéré comme une réponse à une contrainte sécuritaire extérieure, il reste encore une majorité de démocrates israéliens ayant du mal à trouver ce régime naturel et acceptable. C’est cela qui, jusqu’à présent et paradoxalement, a empêché qu’Israël ne dégénère en un régime autoritaire, dictatorial et policier.

Un véritable problème se posera à l’Israël démocratique quand les extrémistes seront parvenus à imposer leur vision et qu’un État unique et binational de facto sera établi entre la Méditerranée et le Jourdain. Cette vision se concrétise chaque jour un peu plus à mesure que s’éloigne la résolution du conflit israélo-palestinien sur la base de deux États indépendants. Par définition, cet État unique ne sera pas une démocratie mais une créature hybride, corrompue et monstrueuse qui n’aura aucune chance de survie à long terme.

On dit souvent que l’établissement d’un tel État binational signifiera la fin de l’État des Juifs. C’est oublier qu’il débouchera d’abord et avant tout sur la fin de la démocratie israélienne. Or, cette démocratie est le fondement de notre indépendance nationale. Nous, Israéliens, devons mobiliser toutes nos ressources et toute notre intelligence collective pour prévenir le danger de l’État binational, avant qu’il ne soit trop tard. En ce 74e Jour de l’Indépendance, nous devrons nous rappeler que, sans son système démocratique, l’État des Juifs n’aurait jamais survécu jusqu’à aujourd’hui.

Sever Plocker - Yediot Aharonot (Rishon Lezion)

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