L’impact de la crise judiciaire en Israël, par David Bensoussan
Les manifestations pour et contre la réforme judiciaire qui continuent à se faire en Israël ont des conséquences graves sur trois plans : au plan de la cohésion nationale, au plan régional et au plan des relations avec les États-Unis. Si le compromis recherché par le président Herzog tarde à se concrétiser, la situation continuera de se détériorer sur ces trois plans.
L’instabilité a également affecté l’économie et ralenti quelque peu les investissements. La cotation d’Israël a été maintenue à A1 par l’agence de cotation financière Moody’s mais la prévision pour l’économie israélienne a été revue de positive à stable.
Au plan de la cohésion nationale
Le ministre de la Défense Galant a tiré la sonnette d’alarme en précisant que la crise provoquée par la réforme judiciaire pouvait mettre en danger la sécurité de l’État. Le premier ministre Bibi Netanyahou a réagi en le démettant de son poste.
Les manifestations reprenant de plus en plus fort, et la Centrale syndicale de la Histadrouth votant une grève générale, Bibi revient sur sa décision, suspend les votes de la réforme judiciaire en seconde et troisième lecture à la Knesset. La médiation du président Herzog est mise en marche.
Chose impensable par le passé, le fait que des réservistes se soient prononcés contre la réforme et que certains refusent de servir vient saper un principe de cohésion nationale majeur jusque-là intouchable représenté par l’armée de défense israélienne. À l’approche du jour du Souvenir des Morts au cours des guerres d’Israël, on se demandait si la réserve de mise partout.
Au plan régional
Les ennemis d’Israël prennent de l’assurance et s’engagent dans de nouvelles attaques : attentat terroriste commandité par le Hezbollah à Megiddo, attentat iranien (déjoué) en Grèce et tirs de salves de roquettes à partir de Gaza. Deux autres attentats terroristes applaudis par le Hamas sont perpétrés : l’un dans la vallée du Jourdain et l’autre sur la corniche de Tel-Aviv. Bibi revient sur sa décision de démettre le ministre de la Défense.
En parallèle, une alliance tactique est conclue entre l’Iran, le Hezbollah libanais et le Hamas gazaoui afin d’engager Israël simultanément sur trois fronts. Peu après, des actions israéliennes d’envergure ont ciblé les dépôts de munition du Hezbollah en Syrie et les bases du Djihad islamique (mouvance directement contrôlée par l’Iran) à Gaza. Un nouveau cycle de violences s’est déclaré.
L’amorce de trêve entre l’Arabie et l’Iran sous les auspices de la Chine et les négociations en cours entre l’Iran et le Bahreïn atténuent en partie l’alliance stratégique qui s’est dessinée entre les pays du Golfe et Israël et diffère l’élargissement de l’accord d’Abraham à d’autres pays. Cet accord n’a pas requis comme préalable une solution à la question palestinienne.
Au plan des relations avec les États-Unis
Le fait que le président américain Biden ait affirmé que le premier ministre israélien n’était pas bienvenu à Washington tant que la crise déclenchée par la réforme judiciaire n’est pas réglée est une première. Israël demeure le seul allié fiable des États-Unis dans la région et il est important que le pouvoir de dissuasion des deux pays ne soit pas altéré.
Le fait que Bibi ait visité Paris, Rome, Berlin et Londres au mois de mars est sûrement motivé par les grandes avances de l’Iran en matière de technologie nucléaire. Le ministre de la Défense a d’ailleurs annoncé que l’Iran avait accumulé suffisamment de matières fissiles pour fabriquer cinq bombes atomiques.
Ainsi, c’est à un moment hautement critique pour la sécurité d’Israël que le pays est tiraillé : laïcs contre religieux, citadins contre résidents de la périphérie, gauche contre droite… Toutes ces tensions jusque-là latentes se manifestent au grand jour, minent la cohésion nationale, ralentissent l’élargissement des accords d’Abraham à d’autres pays, et aggravent les relations avec les États-Unis alors même que des décisions fatidiques doivent être prises envers l’Iran.
L’urgence d’une solution à la crise actuelle
À défaut d’un esprit de conciliation nouveau et de concessions réciproques, la crise que traverse le pays risque de miner son avenir. Il devient impératif de mettre fin aux positions irrédentistes des factions politiques qui ont été interpelées par le président Herzog pour négocier une entente pour le bien de la nation tout entière.
Il faut ajouter que, bien que les émotions soient très fortes, les manifestations en cours n’ont pas été accompagnées de violence et se déroulent en toute civilité. C’est là un gage d’espoir.
La sortie de la crise actuelle renforcera résolument l’État d’Israël.
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