L’Iran prisonnier des visées de sa théocratie
David Bensoussan
L’Iran, pays de 82 millions d’âmes couvrant une superficie trois fois plus grande que la France, possède 10% des réserves mondiales de pétrole et 15 % des réserves mondiales de gaz. C’est le septième plus grand exportateur de pétrole au monde.
Pourtant, en raison d’une gouvernance incompétente et corrompue, des sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’Union européenne et les États-Unis, le développement économique de l’Iran va régressant. Avec les nouvelles sanctions américaines qui veulent réduire à zéro les exportations de pétrole iranien, la pression sur ce pays va augmenter encore plus.
La défiance iranienne
L’objectif déclaré du secrétaire d’État américain Mike Pompeo est d’inciter l’Iran à se comporter comme un pays normal. En effet, depuis l’accord des 5+1 portant sur le nucléaire iranien, l’Iran a continué de déstabiliser le Proche-Orient, de développer des essais balistiques et d’être le pays déclencheur d’activités terroristes en Europe même. L’Iran est toujours prisonnier de l’idéologie de la défiance et du martyre de ses mullahs.
À l’annonce de ces nouvelles sanctions américaines, le dollar américain qui valait 40 000 rials en 2018 vaut aujourd’hui 140 000 rials. Le taux d’inflation officiel est de 30,6%. Les exportations de pétrole iranien ont chuté de 30% par rapport à ce qu’elles étaient en 2015 et les nouvelles sanctions américaines visent leur arrêt total. Selon le Fonds monétaire internationale, l’inflation pourrait atteindre 40%.
L’Iran a réagi aux sanctions américaines récentes en rappelant qu’il est capable de bloquer le détroit d’Ormuz par lequel transitent 30% des exportations mondiales de pétrole et de gaz et en décidant de ne pas respecter certaines clauses de l’entente des 5+1 sur le nucléaire. Cette dernière mesure a été déplorée par la Russie et l’Union européenne et la Chine semble hésiter à maintenir ses importations de pétrole iranien.
Le sabotage – non revendiqué – de quatre pétroliers dans le Golfe Persique pourrait constituer un premier avertissement iranien. Préventivement, les États-Unis ont déployé un porte avion au Golfe Persique et deux autres en Méditerranée au cas où l’Iran serait tenté de déclencher un conflit généralisé au Levant.
Le Corps des Gardiens de la Révolution Iranien (CGRI) est le bras d’intervention militaire iranien au Moyen-Orient. Il dispose de sa propre armée et d’une puissance économique considérable qui lui permet d’infléchir les élus iraniens. Il a été désigné entité terroriste par le gouvernement américain. Son idéologue Hassan Abbasi a réagi en déclarant que c’est seulement une question de temps avant que la Maison-Blanche ne soit transformée en mosquée ou en mosquée réservée aux seuls chiites.
Le malaise actuel se traduit également par des défections et des révélations portant ombrage au régime. Le brigadier général Ali Nasiri, chef du Bureau de la protection du CGRI qui aurait été en possession de documents stratégiques importants aurait demandé l’asile politique aux États-Unis. Said Qassemi, dirigeant du groupe Ansar-e Hezbollah formé de leaders du CGRI a déclaré avoir entraîné des groupes radicaux dont celui d’Al Qaeda sous le couvert du Croissant rouge iranien.
Qui plus est, l’Iran qui subit une des plus grandes crises de sécheresse depuis plusieurs années souffre actuellement d’inondations dévastatrices.
Entre sécheresse et inondations
Avant la révolution iranienne de 1979, l’Iran comptait 34 millions d’habitants et ses réserves en eau potable s’élevaient à 135 milliards de mètres cubes. Ces réserves sont aujourd’hui réduites de 40% en raison de la sécheresse et de l’évaporation. Plus de 300 lacs et 60 rivières ont été desséchés et la désertification a ruiné quatre millions d’hectares de terres arables.
La République islamique a construit plus de 600 barrages qui ont beaucoup profité aux compagnies de construction bien connectées au régime et en particulier à celles qui appartiennent au CGRI. Or, ces barrages ont bloqué l’arrivée d’eau à de nombreuses autres régions sans renouveler la réserve aquifère. Aussi les fermiers ont-ils creusé des milliers de puits dont le nombre est passé de 60 000 à 430 000 en 40 ans.
Selon le Croissant rouge iranien, les inondations récentes ont touché 300 villes dans 22 des 31 provinces iraniennes, affectant le quart de la nation iranienne. 141 rivières en crue ont causé près de 500 glissements de terrain et endommagé près de 3000 km de routes, 87 ponts et 160 barrages. 1,2 million de personnes ont dû être déplacées et 18 000 usines ont cessé d’opérer.
Recevoir ou non de l’aide internationale ?
L’armée iranienne est intervenue pour sauver des personnes en danger. Pour ne pas demeurer en reste, le CGRI a dépêché des douzaines de chanteurs professionnels religieux ainsi que des pleureuses se battant la poitrine en scandant : « La souffrance nous renforce » ou « Nous ne craignons pas la mort. » Considéré par une partie de la population iranienne comme la source de leurs privations, le CGRI a tenté de redorer son image en invitant des milices chiites étrangères qu’il parraine pour venir au secours des régions sinistrées.
En 2003, 60 pays étaient venus au secours de l’Iran après le tremblement de terre de Bam. Face à la catastrophe actuelle, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que ceux qui savent comment pleurer la mort du martyr Hussein n’ont pas besoin de s’humilier en quémandant leur obole aux adorateurs de la Croix et aux sionistes.
Cela n’a pas empêché l’éloquent ministre des Affaires étrangères Muhammad Javad Zarif, de blâmer les États-Unis pour le manque d’assistance ou même de compassion et d’ajouter que ce sont les sanctions américaines qui empêchent de venir en aide à l’Iran. Ceci est absolument faux, les sanctions ne portant guère sur les produits de première nécessité ou les produits médicaux.
Un bouc émissaire tout trouvé
Et bien sûr, il faut désigner des coupables : en 2018, le directeur de l’organisation de la Défense passive Jalali a déclaré qu’Israël a volé des nuages et de la neige à l’Iran. Cette année, l’agence de presse iranienne Tasnim affiliée au CGRI a publié un article attribuant les pluies diluviennes à la manipulation du climat par les ennemis de l’Iran – allusion aux États-Unis et à Israël.
Mal pris dans l’étau des sanctions, des inondations et de sa rhétorique antiaméricaine, le président Rouhani s’est dit enfin prêt à négocier avec les États-Unis si ces derniers présentaient des excuses. Quant au Guide suprême Khamanei, il n’a pas été accessible durant plusieurs jours après le déclenchement des inondations, ne voulant pas être dérangé, car il était trop pris par le congrès de poésie à Qishm.
La nation iranienne est encore prise en otage de l’idéologie victimaire et de l’incompétence des mullahs autocrates. Si ces derniers refusent de changer de cap et choisissent la voie du martyr, l’Iran risque l’implosion.
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