La contestation en Israël par rapport à la réforme judiciaire vue par Guy Konopnicki
Je m’efforce de me tenir à ma place de juif, qui, dans sa vie, a préféré l’engagement citoyen dans la République française à l’Alya et doit donc observer une certaine réserve quand il commente la politique intérieure d’Israël. Je l’ai déjà dit ici et ailleurs, les choix politiques de l’État d’Israël appartiennent à ses habitants, aux femmes et aux hommes qui sacrifient deux ans de leur vie à sa défense, effectuent des périodes de réserve et peuvent être rappelés à tout moment, à celles et ceux qui portent la réussite d’Israël en tant de domaines, des prouesses agricoles aux sciences et aux technologies de pointe, en passant par la médecine, la littérature, la musique, la danse et le cinéma…
« Israël n’échappe pas à cette vague de rejet de la démocratie »
Seulement voilà, Israël n’échappe pas à cette vague mondiale de rejet de la démocratie, par des catégories de populations qui ne peuvent suivre l’évolution proprement vertigineuse des technologies et de la culture, qui se sentent rejetées du mauvais côté de la fracture sociale, mal protégées contre la violence, et qui s’accrochent à l’ordre et à la tradition…
Cette fracture de toutes les sociétés démocratiques se charge, en Israël de tous les paradoxes. Le sentiment de rejet des catégories défavorisées a porté au pouvoir celui qui, comme ministre de l’Économie appliqua les doctrines ultra-libérales, privilégiant l’efficacité économique sur le partage des fruits de la croissance, en démantelant l’État providence bâti par le sionisme socialiste. Les incontestables succès économiques d’Israël ont creusé les inégalités, d’un côté la start up nation, dont le niveau de vie n’a cessé d’augmenter, de l’autre des classes moyennes, des travailleurs pauvres, qui ne peuvent se loger dans les villes où les prix immobiliers atteignent des sommets délirants, et qui peuplent les implantations, moins par idéologie que par nécessité…
« Les élites économiques et culturelles se partagent entre la gauche, le centre-gauche et le centre libéral, quand la droite et l’extrême-droite captent un vote populaire. »
Israël aura été précurseur d’un phénomène que l’on constate dans la plupart des pays occidentaux, dont la France n’est pas le moindre : l’inversion de la sociologie électorale. Les élites économiques et culturelles se partagent entre la gauche, le centre-gauche et le centre libéral, quand la droite et l’extrême-droite captent un vote populaire.
À quoi s’ajoute cet autre paradoxe : la droite nationaliste, adversaire du processus de paix, et désormais alliée à un mouvement qui prône la violence systématique comme réponses aux revendications palestiniennes, la droite nationaliste s’appuie sur les ultras orthodoxes qui échappent au service militaire, en s’érigeant en gardiens de la Tora…
Les divisions, l’antagonisme de deux conceptions du judaïsme plongent Israël dans une crise historique. Le passage en force d’une loi qui anéanti l’équilibre entre le pouvoir politique et l’autorité de la justice provoque depuis trois mois des manifestations géantes, répétées chaque semaine. Des milliers d’officiers de réserve refusent de servir dans ces conditions.
L’économie d’Israël commence à souffrir de cette crise, les investissements connaissent un recul sensible, ce qui se répercute sur la valeur boursière des entreprises israéliennes… La crise politique menace de provoquer une crise économique et financière. En dépit des efforts du président Herzog et de la pression des alliés d’Israël, États-Unis en tête, la majorité a refusé le compromis, préférant passer en force.
« Israël risque aujourd’hui de périr de l’affrontement de ses enfants, et cet affrontement a déjà des répercussions catastrophiques sur le judaïsme mondial. »
La protestation ne faiblit pas… Les divisions d’Israël se répercutent en diaspora, elles provoquent partout des clivages au sein des communautés juives. La haine est contagieuse, elle menace ce troisième Temple, immatériel, fondé sur la spiritualité juive.
Jamais le pays n’a connu un tel péril. Israël a toujours triomphé de ses adversaires, gagné des guerres à un contre dix, parce que son peuple était uni dans un élan patriotique, parce que les soldats de son armée populaire acceptaient tous les sacrifices. Parce qu’Israël incarnait le droit, la justice et le progrès, face à des dictatures obscurantistes soutenues par les puissances totalitaires.
Israël risque aujourd’hui de périr de l’affrontement de ses enfants, et cet affrontement a déjà des répercussions catastrophiques sur le judaïsme mondial.
Depuis 75 ans, l’existence, les succès et le rayonnement d’Israël ont régénéré le judaïsme et rassemblé les juifs partout dans le monde. Nous voici divisés et de ce fait, menacés dans notre vie juive…
Je n’ai pas, je le répète, de leçon à donner au peuple Israélien. Je peux seulement rêver qu’Israël retrouve la voie de la raison et de la justice, et que les valeurs historiques du sionisme rassemblent le peuple qu’un extrémisme meurtrier a divisé. En attendant, je vous souhaite de bonnes vacances, et ce, particulièrement à ceux d’entre vous qui survoleront l’île de Rhodes en flammes avant d’atterrir dans le brasier d’Israël…
Par Guy Konopnicki - Radio J
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