La France dont le roi est un enfant - Par Michel Onfray
« Malheur à toi, terre dont le roi est un enfant ». Ecclésiaste 10/16
Vexé d’avoir perdu les élections européennes, le président de la République française Emmanuel Macron a réagi de façon épidermique, ce qui est un problème quand on dispose du bouton nucléaire, en décidant de façon impromptue d’une dissolution dont il nous fournit le mode d’emploi nihiliste à… Oradour-sur-Glane.
À la question : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? » Il aurait répondu : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent » Je laisse aux spécialistes en psychopathologie le soin d’analyser une pareille réponse, elle enrichira le vieux dossier bien connu consacré aux malades qui nous gouvernent.
Je voudrais proposer une analyse gaullienne de ce qui est advenu avec cette grenade dégoupillée.
1 - Cette grenade a blessé la France : son image dans le monde, qui était déjà bien abîmée depuis ses sept années de présidence, je ne parle pas des présidences qui ont suivi le départ du général en 1969, a été considérablement endommagée. On ne compte plus les grossièretés, les obscénités (ce fameux doigt d’honneur antillais…), les vulgarités, les insultes ( « j’ai envie d’emmerder les Français »), le mépris (les ouvrières illettrées, les fainéants qui n’ont qu’à travailler pour acheter un costard comme le sien), les couleuvres à avaler (ceux qui n’ont qu’à traverser la rue pour trouver du travail, les gens qui ont réussi et ceux qui ne sont rien, etc.), qui ont donné de ce jeune homme pas fini une image désobligeante de la France qu’il incarne partout dans le monde. On ne compte plus les voltefaces, les fameux en même temps, avec Poutine & Zelinsky, avec Mahmoud Abbas & Netanyahou, avec Trump & Biden, autant de zigzags qui décrédibilisent la parole de la France que plus personne ne saurait prendre au sérieux sans se discréditer lui-même. Comment négocier avec un enfant intolérant à la frustration ? J’imagine d’ici, quand le nom de Macron est prononcé, donc le nom de la France, le rire de Poutine, le rire d’Erdogan, le rire de Xi Jinping, le rire de ceux qui activent la marionnette de Joe Biden ! Sinon le rire d’Ismaël Haniyeh, le patron du Hamas ou de Benjamin Netanyahou !
Cette grenade a blessé les Français : toutes les élections qu’il a perdues ont été suivies par un profond mépris de ce que le peuple lui disait en votant : sa souffrance, sa misère, sa pauvreté, sa fatigue. Arrogant, suffisant et prétentieux, il règle les conflits en croyant que, comme le roi, il guérit les écrouelles en imposant non pas ses mains mais sa voix : les Gilets jaunes et la Fronde paysanne ont été réglés ainsi, avec le verbe d’un homme enivré de lui-même, étourdi par sa faconde, emporté par sa verbigération. Ce Narcisse qui se penche sans cesse sur le miroir de l’eau finira par y tomber et se noyer. La question est : quand ?
En choisissant, comme Jean-Luc Mélenchon, de porter le débat sur le terrain hystérique plutôt que sur le terrain historique, le chef de l’État a opposé les Français comme au temps de l’Affaire Dreyfus : dans les couples, entre amis, en famille, ce fut souvent un genre de guerre civile où la raison des Lumières a laissé la place aux passions tristes qui abiment le plus et à celle qui a emporté le tout : la haine.
Il est depuis des années déjà impossible de faire de l’Histoire quand une Manon Aubry, dont les deux parents sont journalistes et qui a fait science po, explique au premier soir des législatives que le choix est simple c’est « Le Front Populaire ou Adolf Hitler ». Il est bien dans l’esprit antisémite de ces gens d’affirmer que la Shoah c’est finalement peu de chose puisqu’elle est assimilable à Jordan Bardella ! Si ce jeune homme c’est Hitler, alors où sont ses chambres à gaz ? Où sont ses fours crématoires ? Où sont ses Auschwitz, ses Dachau, ses Birkenau ? Où sont ses Oradour-sur-Glane ? Où est sa Solution finale ? Où sont ses millions de morts ? Où est son Mein Kampf ? On a le droit de ne pas aimer le Rassemblement national, mais avec des arguments rationnels, non pas en souillant les chambres à gaz avec des affiches de la France Insoumise.
La palme revient peut-être à L’Humanité qui, dans son supplément dominical, en Une, publie une photo en noir et blanc de Jordan Bardella avec une ombre qui passe sur son visage et dessine sous son nez la moustache d’Adolf Hitler. Ce serait déjà une fois indécent en soi, mais ça l’est au carré quand on sait que le PCF a collaboré deux ans avec les nazis, le temps qu’a duré le pacte germano-soviétique, soit du 23 août 1939 au 22 juin 1941, date à laquelle Hitler rompt unilatéralement le mariage que le PCF avait contracté avec lui en envahissant l’Union soviétique. Rappelons que, sans ce pacte germano-soviétique signé par les Soviétiques avec les nazis et avalisé par le PCF, la France n’aurait probablement pas été envahie en juin 1940… Qu’en pense Fabien Roussel balayé au premier tour ?
Idem avec les socialistes d’après la Première Guerre mondiale qui, souvent par pacifisme, le « plus jamais ça » de ceux qui ont vu les horreurs du front – Alain, Giono, Drieu, Brasillach, Céline, etc. – ont préféré la paix à quelque prix que ce soit, fût-ce au prix d’une complaisance avec le régime de Vichy, voire au prix de la collaboration. De même avec Marcel Déat et Jacques Doriot, créateurs de partis fascistes qui ont été… socialiste pour le premier, communiste pour le second. Rappelons que les députés qui votent majoritairement les pleins pouvoirs à Pétain étaient ceux de la Chambre du Front Populaire ! Qu’en penserait Mitterrand, compagnon de route de la Cagoule, une organisation secrète fasciste et antirépublicaine, manifestant contre les Métèques avec la véritable extrême-droite dans les années 30, vichyste, maréchaliste, défenseur de la Milice, ministre de la Justice et de l’Intérieur qui fait décapiter des militants du FLN pendant la Guerre d’Algérie et qui, chef de l’État, fait fleurir la tombe du Maréchal Pétain à l’île d’Yeu ? Qu’en pensent Olivier Faure et DSK, Hollande et Cahuzac, entre autres consciences socialistes?
Idem avec les trotskystes, l’écurie de départ du jeune Mélenchon et du jeune Lionel Jospin, qui appellent pendant l’Occupation à fraterniser avec la classe ouvrière allemande. C’est en 1943, après que Stalingrad et Pearl Harbour, puis l’entrée des États-Unis dans la Guerre mondiale, eurent montré que la guerre était finie et que ça n’était plus qu’une question de temps, que ces partisans de Trotski entrèrent dans la résistance, comme les communistes après qu’ils eurent été cocufiés par Hitler. De Gaulle et les siens résistaient, eux, depuis le 18 juin 1940, soit trois ans en amont… Qu’en pense Lionel Jospin ? Qu’en pense Philippe Poutou ? Qu’en pense Raphaël Arnault, triple fiché S et élu grâce aux voix des électeurs du Nouveau front Populaire ?
La haine, la vraie, a donc été lâchée par Mélenchon et les siens ; elle a été reprise à son compte par Macron et les siens ; elle laisse la France et les Français plus proches encore de la guerre civile qu’ils ne l’étaient avant cette dissolution funeste.
2 - Cette grenade a blessé la cinquième République, déjà bien ravagée par les maastrichiens de droite et de gauche qui ont découpé les morceaux qui les gênaient avant d’en déchirer le cœur avec le Traité de Maastricht de 1992 qui ôte à la France sa souveraineté pour la remettre entre les mains d’une Europe qui agit malgré les peuples, sans les peuples, contre les peuples comme un État total supranational qui gouverne avec force propagande. J’ai raconté dans Théorie de la dictature comment tout cela fonctionne…
Macron a effectué un retour à la IV° république par une erreur de lecture que Mélenchon appelle la VI° république et qui se caractérise par le pouvoir des partis, autrement dit par le pouvoir de la Grande Magouille des « politichiens » comme les nommait de Gaulle.
Comment nommer autrement ces mariages monstrueux entre le NPA de Poutou & Horizon d’Édouard Philippe, LFI de Louis Boyard & la macronienne Élisabeth Borne, Place Publique de Glucksmann qui se fait cracher dessus par des antisémites pour lesquels il appelle ensuite à voter sous prétexte que l’antisémitisme serait chez Bardella, les Insoumis de Mélenchon qui estiment que la « police tue » & en même temps, qui invitent à voter pour le premier flic de France comme il est habituellement dit pour caractériser le ministre de l’Intérieur, ici Gérard Darmanin, l’Insoumis triple fiché S et les socialistes qui votent pour lui ? À l’évidence, la Constitution de 1958 qui a été rédigée pour permettre la création de majorités de gouvernement ne l’a pas été pour créer des majorités haineuses contre la voix du peuple souverain – rappelons qu’avec la mécanique du désistement et des coalitions, le RN se trouve majoritaire en voix et minoritaire en sièges.
La Cinquième république marie le monarchisme, qui plait à la droite avec l’élection du président de la République au suffrage universel direct, et la république, qui plait à la gauche par son souci du contrat social qui donne la parole au peuple. L’homme seul au sommet du pouvoir ne l’est que par la volonté du peuple souverain qui fait et défait le Prince. Or, le Prince est défait quand il perd sa majorité lors des élections. Il lui reste alors à dissoudre l’Assemblée nationale et à solliciter le suffrage pour savoir ce que souhaite le peuple : s’il ne veut plus de la politique du chef de l’État, il démissionne, point, à la ligne.
La cohabitation est une argutie de politicien. Elle n’est nulle part prévue dans la lettre de la Constitution parce que son esprit l’interdit : un chef de l’État qui perd la majorité perd en même temps l’onction du peuple, il perd donc sa légitimité. Rester au pouvoir quand on a perdu est une modalité du coup d’État. Ceux qui, depuis Giscard qui l’envisageait pour lui, Mitterrand et Chirac qui l’ont pratiqué pour eux, restent en place accroché au pouvoir comme la bernique à son rocher, signent leur antigaullisme viscéral et leur appartenance à la classe des petits politichiens, sûrement pas à celle des Hommes d’État, encore moins à celle des Grands Hommes d’État.
Je rappelle à ceux qui s’opposeraient à cette idée qu’une rupture du lien avec le peuple exige le retour au peuple pour refaire ce lien ou, à défaut, démissionner, que j’appuie ma thèse sur une affirmation donnée par le général de Gaulle dans la conférence de presse du 31 janvier 1964 qui établit les rôles du président de la République, du Premier ministre et des relations que l’un et l’autre doivent entretenir. Le général dit on ne peut plus clairement : « on ne saurait accepter qu’une dyarchie existât au sommet ». Fermez le ban.
Macron voulait clarifier les choses en activant la dissolution, il les a considérablement obscurcies. Il n’a pas retrouvé une majorité qu’il avait déjà perdue lors des législatives qui ont suivi sa seconde élection. Pire, il a explosé l’Assemblée en trois blocs irréconciliables. Un bloc nationaliste, un bloc maastrichien, un bloc islamo-gauchiste. Autrement dit : un drapeau français, un drapeau européen, un drapeau palestinien (1) qui, avec le keffieh, se trouve ostensiblement revendiqué par Jean-Luc Mélenchon qui a pris la parole le soir du premier tour en ayant bien pris soin d’exposer comme une potiche Rima Hassan qui portait le keffieh des combattants armés de la cause palestinienne – comprenne qui voulait comprendre, ou qui pouvait comprendre…
3 - Cette grenade a blessé la Nation et ouvert la porte à ce qui la détruit : l’islamo-gauchisme, le communautarisme, le wokisme, le déconstructionnisme, la créolisation sauvage, ce faux progressisme qui s’avère une véritable régression ethnique, raciale et raciste, toutes idéologies soutenues, défendues et promues par le plus petit des soutiens du Nouveau Front Populaire.
En 1790, la Fête de la Nation permet au Roi, à la Reine, au dauphin, aux quatre-vingt-trois députés de la Nation, au clergé et au Peuple de se retrouver réconciliés sur le champ de Mars pour fêter le premier anniversaire de la Prise de la Bastille. Ce qui a eu lieu à la faveur de ces législatives c’est très précisément l’envers de la Fête de la Nation : une orgie tribale dans laquelle la haine, ai-je écrit, mais également la trahison, autre passion triste, ont fait la loi.
Trahison de la « gauche » qui vote pour la « droite », trahison de la « droite » qui vote pour la « gauche » ; trahison des partis : les trotskystes appellent à voter pour des macroniens, et vice versa, des communistes appellent à voter pour des libéraux, des libéraux appellent à voter pour des communistes, des catholiques appellent à voter pour des mélenchonistes, des mélenchonistes appellent à voter pour des catholiques, des juifs po-palestiniens invitent à voter pour des antisémites, des antisémites appellent à voter pour des juifs pro-palestiniens, Vatican II appelle à voter pour les libres-penseurs, les libres-penseurs appellent à voter pour Vatican II, etc. Pour quel motif la constitution de ce Parti Unique, comme les dictatures les aiment ? Pour pouvoir communier dans le quart d’heure de haine, comme les mêmes dictatures les aiment – lire ou relire Orwell. Il s’agissait, en effet, on l’a vu, de faire barrage aux troupes d’Adolf Hitler.
Trahison du peuple, donc, par l’engeance du Parti Unique qui a lancé ses intellectuels au front où il n’y avait que des Vivats, des Hourras et des Bravos à recevoir de la part du système : des footballers, des acteurs, des comédiens, des journalistes, des universitaires, des chercheurs, des sportifs, des animateurs télé, des cinéastes, des artistes et autres élus de la France d’en haut.
Tout est bien qui finit bien : les privilégiés, les repus, les élus, les nantis peuvent pousser un ouf de soulagement : ils ont cru combattre le retour du nazisme devant eux. Il est derrière eux et rit de la bonne blague…
Sur un plateau de télévision, Rokhaya Diallo faisait savoir que la photo de famille du Nouveau Front Populaire l’avait « un peu éblouie » : traduire : il y avait trop de blancs et « pas assez de non-blancs ». À ses côtés, Manuel Bompard, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon, n’en revenait pas et, au contraire de l’habitude où il montre toujours un certain sens de l’à-propos, il est resté bouche bée. Il a probablement compris à ce moment que son tour viendra peut-être plus vite que prévu. Mélenchon peut aussi compter ses abatis, lui qui ajoute à ses tares de blanc son statut de septuagénaire.
Le sage avait montré la lune, les imbéciles ont regardé le doigt. Il se pourrait que les heures sombres fantasmées ici surgissent vraiment là, dans peu de temps.
Content, Manu-la-Grenade ?
Note
1. Un ami juif effrayé par les résultats obtenus par la grenade dégoupillée m’envoie ceci dans un courrier : « Au soir du résultat du premier tour, la place de la République était inondée de drapeaux du parti BAAS. Ce drapeau, présenté par Rima Hassan et le Fatah comme un drapeau « palestinien », est en fait celui du parti BAAS au pouvoir en Syrie et en Irak. Il représente une idéologie national-socialiste panarabe. Les couleurs de ce drapeau symbolisent les différents empires coloniaux arabes successifs : le rouge représente les Hachémites, auteurs du premier jihad, avec l’esclavage sexuel et le statut de sous-hommes (« dhimmi ») pour les chrétiens et les juifs ; 
le blanc, les Omeyyades, avec leur hiérarchie des races et la traite des noirs ; le noir, les Abbassides, avec l’industrialisation et le commerce mondial de l’esclavage ; et enfin, 
le vert symbolise les Fatimides, auteurs du massacre de la communauté juive de Fustat (Le Caire) en 1067 et de la destruction de l’église du Saint-Sépulcre en 1009 ».
Michel ONFRAY
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