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La nouvelle vie de la femme de chambre

 

La nouvelle vie de la femme de chambre

 

Nafissatou Diallo vient de déménager pour gagner une luxueuse résidence, à une demi-heure du Bronx. Elle aimerait aujourd'hui aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire.

Tremont-White Plains. Pour Nafissatou Diallo, les trente-trois minutes qui séparent ces deux stations de train de la Harlem Line ont la magie d'un voyage de conte fantastique. De ces voyages qui vous transportent de l'autre côté du miroir pour le meilleur et pour le pire… Il y a quinze jours encore, la femme de chambre qui accuse DSK de l'avoir violée dans la suite 2806 du Sofitel de Manhattan, le 14 mai 2011, vivait sur Prospect Avenue, au sein de la communauté guinéenne du Bronx, dans l'un des districts les plus pauvres de New York. Elle y avait trouvé refuge depuis un an, anonyme, dans un immeuble miteux de briques rouges. Elle vient d'emménager dans un luxury building avec concierge, salle de sport et piscine, dans le riche et coquet comté de Westchester.

Dans le hall, le doorman, veste et cravate, filtre les entrées et annonce les visiteurs. "Mme Diallo ne vous connaît pas. Elle ne reçoit pas. C'est une résidence privée, vous devez sortir", commande-t-il après un bref coup de fil à l'intéressée. La réponse est courtoise mais ferme. Les résidents, qui paient plus de 3.000 dollars pour un studio, veulent avoir la paix.

Elle vit avec sa fille

Withe Plains, comme son nom l'indique, est une petite ville blanche, résidentielle. Ici, ni petits commerces ni "délit" à chaque coin de rue, mais des avenues désertes et un Macy's, le grand magasin américain de référence. Les riverains ne se connaissent pas, circulent tous en 4x4. Les piétons semblent n'avoir qu'une destination, la gare. Des cadres de la upper middle class qui travaillent dans Manhattan mais n'ont pas les moyens de s'y loger confortablement.

Pour Nafissatou Diallo, qui a maigri depuis ses dernières apparitions publiques, White Plains est une étape; sa fille doit terminer sa dernière année de lycée. Ses avocats voulaient la mettre à l'abri d'escrocs appâtés par son million de dollars. Les deux femmes ont emménagé à quelques blocs de la gare, qui les relie directement au Bronx, où elles vivaient depuis près de dix ans. Un quartier qui leur est soudain devenu hostile. Cette dernière année, Nafissatou Diallo ne sortait plus de chez elle que cachée derrière de sombres lunettes et coiffée d'un fichu. Ses anciens voisins sont aujourd'hui surpris d'apprendre qu'elle a vécu à leurs côtés sans qu'ils le sachent. Mais ses avocats lui avaient recommandé la discrétion. Et aujourd'hui, Nafissatou voue à ces derniers, les seuls à l'avoir secourue, une reconnaissance infinie ; surtout à Kenneth Thompson, l'impétueux avocat noir qui brigue le poste de procureur de Brooklyn.

Trahie par les siens

Progressivement, l'ancienne femme de chambre a rompu les liens avec les membres de sa communauté et de sa famille, qui, lorsque le procureur de New York avait décidé d'abandonner les charges pénales, l'avaient soupçonnée des pires mensonges. "On l'a traitée de prostituée, de femme de voyou impliqué dans un réseau de drogue, raconte un de ses proches. Elle aurait voulu être plus soutenue par les siens. Aujourd'hui qu'elle a de l'argent, ils reviennent tous, mais je crois que c'est trop tard." La Guinéenne, débarquée avec un visa de trois mois aux États-Unis en 2004, obligée de mentir pour obtenir un titre de demandeur d'asile, se retrouve désormais à la tête d'un pactole inespéré pour une femme mariée à 17 ans, en Guinée, à un vieil homme sitôt décédé, et exploitée comme une esclave domestique par sa sœur en arrivant aux États-Unis.

"Pour l'instant, elle passe ses journées chez elle et s'ennuie. Elle a toujours travaillé et ne sait pas trop quoi faire d'autre, raconte un de ses proches. Son projet serait d'aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire." Les épreuves des derniers mois ont renforcé ses convictions religieuses. Selon ses amis, elle prie plusieurs fois par jour et aurait été outrée qu'on lui prête l'intention de mettre fin à ses jours. "Je suis une musulmane, leur a-t-elle déclaré, et dans ma religion le suicide est interdit. Je dormais mal, c'est vrai, mais je n'ai jamais voulu mourir."

Paru dans leJDD

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