La nuit la plus froide - Une histoire vraie
Un mois était passé depuis que Marc avait célébré son quatre-vingtième anniversaire. Quelques-uns de ses amis, qu'il ne voyait que très rarement, avaient passé la journée avec lui. Son village était situé aux pieds de la montagne. C'était un petit village charmant. Le long des rues, les arbres et les buissons, qui fleurissent au printemps, étaient maintenant nus et l'atmosphère lui laissait un sentiment de tristesse. Ceci ajoutait à la mélancolie et à la solitude de Marc.
Des nouvelles maisons avaient été récemment construites tout autour de ces quelques habitations qui remontaient aux premiers jours du village. La maison de Marc était une de ces maisons. La devanture de la maison avait une ancienne façade typiquement européenne du dix-septième-siècle; et les murs intérieurs avaient été négligés. Il y avait quelques vieux meubles et ici et là on pouvait voir les restes de la couleur bleue du papier peint original.
La maison était petite. A l'entrée, une marche conduisait vers le bas dans une grande salle, qui servait en même temps de cuisine, de salle à manger et de salon. Une fournaise à bois servait pour la cuisson ainsi que pour chauffer la maison; celle-ci était au centre de la cuisine. En hiver, Marc préférait dormir sur le divan du salon car la chaleur n'arrivait jamais à atteindre la chambre à coucher. A travers les murs on pouvait entrevoir la lumière extérieure.
Cette vieille maison et le vent qui entrait par les fissures des murs, étaient les voisins quotidiens de Marc. Il n'avait jamais prêté grande attention au vent et au froid, car pour autant qu'il puisse se rappeler, il y avait eu très peu d'hivers où le froid l'avait vraiment dérangé. Mais les seules fois qu'il pouvait se rappeler d'un froid, c'était lorsqu'il était encore jeune. Pendant l'hiver, Marc était habitué à travailler dehors.
Cependant, ces jours-là étaient bien loin, et encore bien avant qu'il s'était blessé son pied au travail.
Marc avait travaillé dur pour pouvoir accomplir ses rêves de construire une maison et d'élever une famille. Il avait eu du mal à accepter son infirmité, car son incapacité avait brisé tous ses espoirs. Il avait dû passer sa vie entière tout seul. Il avait vécu grâce à ses économies.
Pendant toute une semaine il avait fait très froid, mais Marc avait pu s'arranger avec sa petite fournaise seulement. Dimanche le ciel s'était éclairci et le soleil brillait, comme au printemps. Par sa fenêtre Marc pouvait voir les rayons du soleil. Il ne s'était pas rendu compte qu'à l'extérieur il faisait très froid. Les nouvelles de l'arrivée de "la nuit la plus froide" de l'année avaient été annoncées à la radio et sur toutes les chaînes de télévision, mais ce jour-là Marc n'avait pas écouté les nouvelles. L'après-midi la neige tombait lentement, couvrant petit-à-petit sa maison. Le cœur de Marc sombrait avec le coucher du soleil. Marc avait été le plus jeune dans le village quand il y était arrivé la première fois; maintenant il était la personne la plus âgée. Il était tellement faible.
« Si j'avais seulement un ami qui passerait la nuit avec moi, » murmura-t-il. La fournaise était allumée, mais Mark ne sentait pas la chaleur; il faisait trop froid et dehors le vent soufflait fort. Marc ne pouvait ni dormir, ni même s'asseoir. Il marchait d'un côté à l'autre de la chambre, afin qu'il puisse rester alerte et ne pas geler. « Comment vais-je survivre cette nuit? », se demandait Marc. Il était trop fier pour demander de l'aide à quiconque, même s'il aurait osé sortir. Marc frottait ses mains et continuait à marcher afin de rester chaud. À ce moment-là, la nuit semblait interminable. « J'ai survécu tant d'années dures, et maintenant je vais mourir de froid », se disait-il. Marc se battait contre le froid.
Au moment-même où il était prêt à abandonner, il entendit quelque chose frapper à sa fenêtre. Il se dirigea vers la fenêtre et vit que c'était un oiseau, luttant comme lui, pour la chaleur. « Oh, mon Dieu! Il est malade ou blessé, et juste maintenant, pendant la nuit la plus froide! » Sans hésiter, Marc ouvrit la fenêtre et l'oiseau tomba sur le plancher. Marc était très inquiet, car il ne connaissait rien au sujet des oiseaux. Il le prit et le porta sur sa poitrine. Alors il réalisa que l'oiseau était aussi froid que la glace; mais sa propre poitrine était très chaude. « Oh, mon Dieu, il meurt! » Marc alla rapidement à la cuisine et chauffa quelques gouttes de lait qui lui restaient. Il a passé la nuit entière essayant de sauver la vie du petit oiseau. À la fin, Marc s'était endormi sur son divan, épuisé, tenant le petit oiseau sur sa poitrine. Le lendemain matin il s'est réveillé au son d'une chanson.
L'oiseau était vivant; il chantait! Marc s'était réveillé en sursaut, tout heureux de voir que le petit oiseau avait survécu et qu'il volait tout autour de la salle. Il s'est rendu compte que la nuit était passée et que sa pièce était chaude. « Hurrah! Le petit oiseau est sauf et vivant, » s'exclama Marc. Mais il n'avait pas réalisé que lui aussi était hors de danger et en vie.
Extrait du livre Balance par Emile Tubiana et traduit de l'anglais par l'auteur.
Copyright Emile Tubiana
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