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La résolution américaine à l’épreuve, par David Bensoussan

La résolution américaine à l’épreuve, par David Bensoussan

Depuis que le président Obama s’est rétracté de sa promesse d’agir en Syrie au-delà d’une certaine ligne rouge, soit l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, la crédibilité américaine ne cesse de décroître. L’imprévisibilité des décisions du président Trump, sa gestion indigeste de la pandémie, la transition de sa présidence dans des conditions d’anarchie impensables, le retrait précipité et désordonné d’Afghanistan sous Biden ainsi que la faiblesse relative du bloc démocrate au Congrès ont causé un grand préjudice à l’image de l’Amérique. Aussi, plusieurs puissances cherchent-elles à tester le leadership américain. Notamment la Russie qui masse des troupes à la frontière ukrainienne et la Chine qui grignote systématiquement l’espace aérien taïwanais. L’heure de vérité approche.

L’heure de vérité

L’agitation est grande. Sommet russo-américain le 9 janvier entre Poutine et Biden, suivi d’une rencontre Russie-Otan le 12 janvier (les relations établies entre la Russie et l’OTAN il y a une trentaine d’années ont été interrompues dans la dernière décennie).

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) issue des accords d’Helsinki négociés durant la guerre froide et qui réunit 57 états membres tente de renouer un dialogue. L’OSCE ne s’est pas réunie entre 1999 et 2010 mais a facilité les pourparlers qui ont mené au protocole de Minsk visant un cessez-le-feu – qui n’est pas toujours respecté – au Donbass ukrainien.

En parallèle, le Conseil de l’Europe qui rassemble 47 états est soucieux de la prééminence du droit en Europe, propose des recommandations en ce sens et ne se préoccupe pas de questions relatives à la défense nationale.

Quant à l’Union européenne (UE), Poutine refuse de négocier avec ses représentants, préférant des accords bilatéraux avec les états membres.

L’indignation et la compassion à géométrie variable caractérisent les Nations Unies trop occupées à faire passer des votes anti-israéliens stériles émanant de blocs de pays notoires pour s’occuper des problèmes de la planète.

Le volet russe

Biden déclare vouloir dissuader Poutine d’envahir l’Ukraine. Pour sa part, Poutine veut obtenir des « garanties de sécurité » et la levée des sanctions économiques de la part de l’UE et des États-Unis, sanctions imposées depuis l’invasion de la Crimée par la Russie.

Quant à l’UE, elle ne parle pas d’une seule voix et pour cause : les pays qui ont fait partie de l’ancien bloc de l’Est ont gardé un souvenir traumatisant de la vie au quotidien sous le patronage soviétique, compte non tenu d’évènements marquants tout comme le massacre ordonné par Staline de plus de 22 000 officiers polonais à Katyn durant la Seconde Guerre mondiale, la répression armée de la Hongrie en 1956 et de la Tchécoslovaquie en 1968. La révolution Orange en Ukraine et un mouvement similaire en Biélorussie montrent que les pays de l’Est ont un ras-le-bol de l’autoritarisme, ne font aucune confiance au régime russe et préfèrent de beaucoup la liberté occidentale.

Pour la majorité des pays d’Europe, la protection américaine est trop précieuse et n’est pas prête à être remplacée. En outre, les pays baltes, la Pologne et la Roumanie entre autres tiennent opiniâtrement à faire partie de l’OTAN et à impliquer les États-Unis dans leur défense.

Pourtant, il semble bien qu’une promesse orale ait été faite au président de l’Union soviétique Gorbatchev, voulant que les pays de l’ancien bloc de l’Est n’intègrent pas l’OTAN. Le rattachement de plusieurs de ces pays à l’OTAN s’est pourtant réalisé.

Au mois de février 2014, la révolution de Maïdan démet le président prorusse Ianoukovytch. La Russie annexe la Crimée et la guerre civile éclate au Donbass, les prorusses jouissant du soutien non dissimulé de la Russie. Il faut préciser que dans l’Est de l’Ukraine, la minorité russophone au Donbass est mécontente des mesures progressives de dé russification par l’adoption de statut de langue officielle ukrainienne dans les domaines administratif et éducatif. Près de 13 000 personne ont trouvé la mort au Donbass.

D’un côté, il est possible de relier ces évènements à l’appui russe à la sécession de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en Géorgie en 1992, y voyant une volonté d’expansionnisme. De l’autre, il faut prendre en considération que le rattachement de certains anciens pays du bloc de l’Est constitue un encerclement inquiétant pour la Russie. La réaction russe était prévisible. Pour la Russie, une Ukraine faisant partie de l’OTAN n’est pas acceptable et la rend stratégiquement vulnérable.

L’Ukraine fut le berceau de la nation russe depuis le IXe siècle et Kiev a été sa première capitale. À partir du XIIIe siècle, une partie de l’Ukraine tomba aux mains de puissances voisines mais fut reprise cinq siècles plus tard par la Russie au temps de la tsarine Catherine II. À l’époque de l’Union soviétique, le président Khrouchtchev – qui était ukrainien – rattacha la Crimée à l’Ukraine.

Bien qu’en principe les nations peuvent disposer d’elles-mêmes, il semble bien que pour éviter la confrontation militaire, il soit acceptable que l’Ukraine reste une zone neutre au même titre que la Finlande ou l’Autriche, que la Crimée jouisse d’un statut de souveraineté partagée et que les populations du Donbass jouissent d’un degré d’autonomie satisfaisant. L’Occident n’a pas besoin d’être présent en Ukraine. Sa victoire sera remportée si l’économie ukrainienne prospère et si le président Zelenski réussit son pari de combattre la corruption.

La Russie gagnerait alors la levée des sanctions économiques et la cessation de son isolement plutôt que de se cabrer dans des postures agressives. Une invasion russe aurait de graves conséquences pour la Russie à long terme. En effet, les pays de l’OTAN se sentent soudés devant le danger que posent les troupes russes concentrées à la frontière ukrainienne. Même la Suède et la Finlande parlent de rejoindre l’OTAN. Ce serait un retour à la guerre froide.

En contrepartie, la Russie pourrait exercer une pression sur l’Iran qui, de son côté, n’arrête pas de tester la volonté américaine par ses agissements belliqueux en Syrie orientale et en Irak. La Russie qui vend des armements sophistiqués aux Iraniens et construit ses installations nucléaires est en mesure de faire pression sur l’Iran pour reprendre les négociations du 5 +1 sur le nucléaire iranien. Quant à la Turquie d’Erdogan, elle continue de « dribler » dans toutes les directions, frustrant autant l’Union européenne que l’OTAN ou même la Russie et n’est crédible pour personne.

Le volet chinois

La Chine impose sa dictature à Hong Kong et promet de réintégrer Taïwan d’une façon ou d’une autre. Son programme d’armement est titanesque. Tous les 4 ans, sa flotte militaire augmente de l’équivalent de la flotte militaire française. Elle dispose d’une base militaire à Djibouti et projette d’en construire d’autres en Érythrée, aux îles Comores et dans les îles Salomon en plus de construire des plateformes artificielles militarisées en mer de Chine.

Le modèle autoritaire chinois s’impose discrètement, mais sûrement. La Chine dispose d’un levier économique formidable grâce aux projets de la nouvelle route de la soie (Belt and Road Initiative) en échange de l’hypothèque des ressources minières de nombreux pays. Si la Chine met la mainmise sur Taïwan, l’avantage économique chinois sera décuplé, car Taïwan produit plus de 60% des circuits intégrés de la planète. Nulle surprise donc si le président Biden déclare vouloir défendre Taïwan en cas d’agression de la part de la Chine continentale.

Taïwan renforce ses forces défensives et les nations du Sud-est asiatique se rallient autour des États-Unis. L’alliance stratégique AUKUS regroupant l’Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne vise à contrer la Chine.

La Chine aurait tout à perdre en envahissant Taiwan. D’une part, la terre entière est frustrée du manque de transparence sur l’éclosion de la pandémie à Wuhan en Chine. D’autre part, la levée des boucliers serait générale, car on y verrait un rouleau compresseur en train d’exporter le modèle autoritaire chinois et la fin des libertés individuelles.

La Chine jouit d’un avantage économique et scientifique prometteur. L’utilisation du levier économique chinois dans le respect des institutions démocratiques des autres pays rétablirait une confiance si tant nécessaire. Elle peut faire pression sur la Corée du Nord qui développe un arsenal nucléaire et balistique inquiétant pour l’ensemble des pays de la région, la Russie et la Chine y compris.

Désamorcer la crise actuelle

Ensemble, la Russie et la Chine disposent d’un pouvoir de dissuasion militaire important bien qu’à long terme, la Chine visera probablement à mettre la main sur les ressources hydrauliques et minières de la Sibérie. La coopération militaire russo-chinoise actuelle pourrait s’accompagner d’accords économiques et de stratégie politique commune ; des pourparlers se tiennent en ce sens.

Voilà pourquoi un accord immédiat sur l’Ukraine aurait des conséquences souhaitables.

Le plus tôt serait le mieux.

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