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Le bureau d'éclaircissement des destins, par Gaëlle Nohant

Lectures de Jean-Pierre Allali - Le bureau d'éclaircissement des destins, par Gaëlle Nohant

 

Le sujet de ce livre est particulièrement original et intéressant. C’est pourquoi on regrettera que l’auteure ait choisi de multiplier les personnages et les situations au point qu’on finisse par perdre un peu le fil du récit.

Nous sommes à Bad Arolsen, dans la province de Hesse, en Allemagne, « une ville dont le prince avait été un nazi ». C’est là qu’a été installé le siège de l’International Tracing Service, anciennement « Bureau central de recherches », en d’autres termes, le bureau d’éclaircissement des destins que dirige Charlotte Rousseau. Un lieu qui fleure le moisi, l’odeur des vieux papiers, de l’encre des photocopieuses et du café froid. Et pourtant, un lieu de mémoire essentiel qui cherche à redonner une vie, un sens à des objets les plus divers, précieux témoins d’une époque tragique, la catastrophe de la Shoah.

Et c’est là aussi qu’officie Irène, une Française, originaire du sud-ouest, divorcé et mère d’un garçon, Hanno, étudiant à Göttingen.

Étrange mission que celle de cette officine : on y conserve toutes sortes d’objets : photos, lettres, livres, poupées, pierrots, marionnettes, mouchoirs brodés, colifichets… reliquats parfois dérisoires de la catastrophe, en attendant de les rendre à leurs propriétaires, hélas probablement morts dans des conditions effroyables ou, à tout le moins, à leurs héritiers. « Le trésor de guerre représentait aujourd’hui plusieurs dizaines de kilomètres de linéaire » avec, comme pièce maîtresse, le Fichier central : dix-sept millions de fiches individuelles. Dès lors, c’est à des enquêtes quasiment policières avec déplacements souvent lointains, que va se livrer Irène. C’est comme le parcours du Petit Poucet avec ses cailloux blancs. Avec l’aide, parfois, de l’Institut Yad Vashem.

Les chapitres de l’ouvrage sont désignés par des prénoms : Elsie, Wita, Stefan, Hanka, Allegra, Piotr, Sabina… comme pour nous rappeler que les nazis, dans leur fureur meurtrière, avaient voulu enlever à leurs victimes juives, leur identité pour en faire des « stücke », des pièces inutiles bonnes à griller dans les fours. On revit, au quotidien, la vie provisoire dans les camps de la mort : Auschwitz, Buchenwald, Ravensbrück, Mittwerda, Linz, Theresienstadt, Dachau, Sobibor, Treblinka…

Il n’est pas toujours facile de remuer le passé. Pour toutes sortes de raisons, certains veulent oublier leurs origines et Irène devra, avec opiniâtreté, faire face à des réticences.

Impressionnant quoique un peu long.  À découvrir !

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Grasset, janvier 2023, 416 pages, 23 €

 

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