Le champ de bataille de la 5G, par David Bensoussan
L'inquiétude est vive en regard de la pénétration du marché 5G par la Chine, mettant à risque la confidentialité, sans oublier le risque d'espionnage ou même de sabotage en cas de conflit.
La popularisation du téléphone cellulaire s'accompagne d'un certain nombre d'inquiétudes au niveau de l'empreinte écologique et au niveau de la protection de la vie privée.
Du 1G au 5G
La communication mobile continue de connaître une expansion formidable. Les réseaux de téléphonie cellulaire ont considérablement augmenté le nombre de canaux disponibles, car le spectre des fréquences est réutilisé plusieurs fois entre des cellules géographiques non adjacentes.
Tout usager est identifié dans la cellule dans laquelle il se trouve et cette information est enregistrée à des fins de communication à l'intérieur de l'ensemble du réseau cellulaire. En outre, la vitesse de traitement électronique a considérablement augmenté ce qui permet de faire communiquer des informations bien plus volumineuses entre les usagers à l'échelle planétaire.
- La première génération 1G transmettait essentiellement des messages audio.
- La 2G a popularisé les messages courts (SMS).
- La troisième génération 3G a permis d'envoyer des informations multimédias.
- De son côté, la 4G combine messages audio, vidéo et transmission de données à haut débit.
La 5G est l'épine dorsale de la société de demain, car ses réseaux ultra rapides et ultra performants vont pouvoir gérer également et de façon instantanée les multiples applications de l'intelligence artificielle, les véhicules autonomes, les transactions bancaires, les services d'urgence, la télévision 3D, la réalité virtuelle, l'Internet des objets (IoT), sans compter les nombreuses communications militaires, dont celle des drones.
La popularisation du téléphone cellulaire s'accompagne d'un certain nombre d'inquiétudes au niveau de l'empreinte écologique et au niveau de la protection de la vie privée.
L'empreinte environnementale
Le nombre de téléphones sans fil sur la planète approche les cinq milliards. Les téléphones cellulaires sont changés tous les deux ans en moyenne et leur empreinte environnementale est loin d'être négligeable.
Malgré leur miniaturisation, leur construction exige des matériaux rares (jusqu'à 55 matériaux, dont le cobalt, le lithium, le coltan, le tungstène et le graphite) qui sont extraits, raffinés, nettoyés à l'acide et rincés. Les phases de fabrication de transport et la disposition des anciens modèles sont des facteurs de pollution non négligeables, notamment en Chine où sont produits plus de la moitié des téléphones.
Diminuer l'empreinte de carbone du portable tout au long de sa fabrication, augmenter la durée de vie d'un téléphone et en faciliter le recyclage constituent des défis pressants. Les investissements dans cette direction se traduiraient par des coûts supplémentaires minimes pour le consommateur.
La protection de la vie privée
Le téléphone intelligent fait désormais partie du quotidien dans de nombreux pays. Pour l'usager, il constitue un confident qui a accès aux informations personnelles: déplacements, santé, finances, amitiés, préférences, contacts et bien d'autres encore. Le réseau peut avoir accès à ces informations — via les applications notamment — remettant en question la protection de la vie privée et le risque d'une surveillance invasive à des fins commerciales ou politiques.
Le problème devient plus grave lorsque l'on sait que, d'après les révélations d'Edward Snowden, la National Security Agency (NSA) est capable — au nom de la sécurité nationale — d'intercepter des appels et d'enregistrer chaque jour des centaines de millions de textos. Par ailleurs, la compagnie Apple a refusé au FBI la clef de cryptographie pour lire les informations de l'iPhone de l'auteur de l'attentat de San Bernardino.
Par contre, il n'est guère sûr que les entreprises commerciales chinoises soient indépendantes du gouvernement et du parti communiste. En effet, la loi sur le renseignement en Chine de 2017 stipule que tout citoyen ou organisation doit coopérer avec les services de renseignements nationaux.
La préoccupation devant l'empreinte technologique chinoise
La Chine a connu une expansion économique phénoménale au cours des deux dernières décennies. En 2012, elle fabriquait 30% des produits électroniques, alors que maintenant ce chiffre est passé à 85% de la production mondiale. La Chine dispose de budgets considérables qui lui permettent d'acquérir des compagnies de haute technologie.
La situation actuelle peut sembler étrange: la Chine finance des centres de recherche de l'Internet ouvert en Occident, alors même que l'Internet est strictement contrôlé en Chine même. L'inquiétude est particulièrement vive en regard de la pénétration du marché 5G par la Chine, mettant à risque la confidentialité, sans oublier le risque d'espionnage ou même de sabotage en cas de conflit.
Cette inquiétude est particulièrement vive en regard de la pénétration de ce marché par la compagnie Huawei, second constructeur mondial derrière Samsung, mais devant Apple. Le Parlement européen a déposé une proposition de résolution sur les menaces pour la sécurité liées à la présence technologique croissante de la Chine et les actions possibles pour les réduire.
Le cas de Huawei
La compagnie Huawei est présente dans 170 pays. En 2018, elle a fait un chiffre d'affaires de 110 milliards, a vendu 200 millions de téléphones intelligents et installé 1500 réseaux. La Banque chinoise de développement a lourdement financé Huawei. L'on sait aujourd'hui que les équipements d'Huawei ont servi à faire de l'écoute illégale pendant plusieurs années au siège de l'Organisation de l'unité africaine (l'OUA); un ancien chef du contre-espionnage polonais a été arrêté pour avoir espionné pour le compte de Huawei; cette même compagnie a vendu du matériel de communication aux talibans d'Afghanistan.
La compagnie Huawei a été expulsée des États-Unis et de l'Australie.
L'Italie et la Hongrie ont adopté la technologie des serveurs d'Huawei tandis que la Grande-Bretagne et le Japon hésitent à le faire. Lorsque l'Australie a interdit la technologie Huawei, le gouvernement chinois a cessé les importations de charbon australien. Lorsque le Canada a répondu à la demande d'extradition de la vice-présidente de Huawei en raison d'infraction par rapport aux lois américaines sur l'embargo1, la Chine a procédé à ce que l'on pourrait qualifier de prise d'otages politiques canadiens.
Une préoccupation d'ordre éthique
Un autre facteur non moins important est celui de la pénétration illégale de certains marchés. La loi anticorruption américaine est extraterritoriale et est extrêmement sévère avec les contrevenants. L'Europe se réajuste à cette loi, notamment en ce qui touche les contrats avec les pays du tiers-monde. Il n'est guère sûr que les compagnies chinoises opérant à l'étranger soient soumises à des lois similaires.
L'asymétrie des normes de commerce
Il devient impératif d'uniformiser les normes commerciales et juridiques et d'établir une stratégie économique saine ce sans quoi l'investissement dans la 5G se traduirait par des répercussions lourdes de conséquences à long terme.
1 La compagnie Huawei aurait commis 23 infractions aux lois américaines dont le piratage de secrets corporatifs et l'obstruction de la justice. Le Congrès américain considère bannir les ventes aux pays qui ont enfreint les lois d'exportation ou de sanctions, ce qui priverait l'entreprise Huawei de composantes vitales.
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