Le Renaissance de Pinhas, par Freddy Félix Pinhas Chiche
Tout commence le quatorze septembre deux mille huit. Nous sommes à la veille de la bar-mitsva de Benjamin Chabanon, mon troisième petit fils à être initié aux fondements du judaïsme. Pour être intronisé, Il doit lire une partie de la Torah, segmentée en cinquante quatre portions(Paracha). Il lira " Ki-Tavo" (quand tu seras arrivé), la septième Paracha de Devarim,(Deuteronome), le cinquième livre de la Torah. Comme lui, je me suis préparé pour l'accompagner dans cette cérémonie qui marquera sa majorité religieuse: Il vient d'avoir treize ans. Ce jour béni, nous rencontrons le Hazan qui l'a aidé à décrypter, apprendre et chanter la Paracha qu'il lira en public le lendemain matin directement dans la Torah. Ce parchemin sacralisé par son contenu, un texte millénaire écrit à la main, scrupuleusement retranscrit de génération en génération sans la moindre rature, par un "Sefrei(Torah)"écrivain spécialisé et reconnu pour sa compétence. A Paris, j'avais acheté pour Ben des "Teffelines". Deux boîtiers noirs contenant des passages de la Torah que chaque juif se doit de porter au front et au bras lorsqu'il est en prière pour être "en phase" avec D.
Cela faisait des années que j'étais intrigué par ces deux boîtiers et leur contenu, et durant cette période j'ai cherché à en comprendre l'importance... Il y a d'abord le contenant: deux boîtes de cuir noir, retenues par des lanières pour pouvoir les fixer l'une au bras gauche pour les droitiers, au biceps, le boitier tourné vers le thorax, l'autre sur la tète comme une couronne. Les lanières sont enroulées de façon très précise, sept fois autour de l'avant bras, trois fois autour du médius, et le reste autour de la main après avoir formé la lette Shin. Sur le boîtier, le premier nœud forme un Yod, en contact avec le cuir du boîtier; l'autre boîtier est celui de la tête, il se porte haut sur le front, entre les yeux, et la lanière comme une couronne dont la partie postérieure sur la nuque est nouée pour former la lettre Daleth...ainsi se symbolise le mot "Chaddaï" (gardien). Ces deux boîtiers contiennent quatre passages de la Torah (pentateuque):
Ex 13, 1-10. Ex 13, 11-16. et De 6, 4-9 De 6, 4-21.
Ces quatre passages concentrent la "profession de Foi" du Judaïsme, avec en premier: "Schéma Israël,.." Écoute Israël, l'éternel est notre D. L'éternel est Un!...." Je n'avais pas de Teffelines depuis ma propre bar-mitsva en 1953. Je les avais égarés. La veille de la Bar Mitsva de Ben, je demande au Hazan qui l'avait enseigné de m'en procurer pour la cérémonie...Il acquiesce mais me propose d'en acheter auprès du Rav Mordehaï Karro, également "Sefrei(Torah)" qui ce jour la, exceptionnellement(?), avait étalé tout son matériel sur une longue table nappée de blanc. Je m'en approche et courtoisement, il me présente toutes les nuances de ses différentes productions de Teffilines, boîtiers, lanières et parchemins...il me propose alors son fleuron, avec dans les yeux comme une incitation fervente,...le prix s'en ressent,...J'accepte!
Près de lui, assis, un homme à barbe blanche, de noir vêtu, s'appuyant sur une canne à pommeau d'argent, m'observe,... le regard est limpide,..le rabbin Karro me présente, lui explique en hébreu ma démarche et me voilà gratifié d'une bénédiction pour Benjamin et son grand père. Il me demande alors mon prénom hébreu, je n'en ai pas ou plutôt, comme je lui explique en anglais, mon prénom "Pinhas" a été effacé quelques mois après ma naissance par mon père, revenu traumatisé de sa détention chez les Nazis...Il ne voulait plus que ses enfants soient "marqués" par ces nominations hébraïques...comme il le fut par celui de son père Nessim. Le rabbin m'explique alors qu'il est un Cohen et qu'il veut faire renaître l'enfant Pinhas effacé par le prénom Freddy, qu'avait choisi mon grand père en l'absence de son gendre, prisonnier. Il me pose lui même les Teffelines, lentement, avec dix tours sur le bras en prononçant à chaque tour les noms des dix sephirots de la "Kabbalah"... http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tree_of_life_hebrew.svg J'étais assis, confus, il me dit de fermer les yeux et de laisser se vider mon esprit pour le remplir de dons et de bénédictions pour tous ceux qui comptent pour moi.... Je ne sais combien de temps a pu durer cette forme d'extase, de sublimation, ce voyage dans un espace que je ne connaissais pas...
Lorsque j'ouvris les yeux, le silence était dense, les deux rabbins m'observaient, le rabbin en noir, qui avait des larmes aux yeux, s'empressa de me rassurer en me disant cette petite phrase: "it's only emotional"... A ce moment, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir été transformé à l'intérieur, très loin. Moi, médecin depuis des décennies, poète certes à mes heures, mais pragmatique, volontiers critique, agaçant parfois en voulant tout comprendre, je me sentais différent. Comme si durant cette période de nuit visuelle, on avait introduit en moi une donnée nouvelle, une forme de quiétude et de force jusque-là inconnue, elle remplaçait en moi ce que je considérais comme du courage, de la "non-peur", de la force de caractère...Tout cela s'était évaporé, et Pinhas était né ! Le rabbin me dit alors: "j'apprends par le Rav Karro que tu es médecin et c'est une grâce extraordinaire car pour nous (les Kabbalistes?), Pinhas c'est la violence qui rachète le péché, le rédempteur, le guérisseur par excellence, il exerce la "vengeance" de D..., sa violence est salutaire, parce qu'elle émane d'une âme pure...le Pinhas de la Torah n'était pas connu du peuple avant son intervention (25, 6-9) mais c'était le fils d'Eleazar, fils d'Aaron le prêtre,...Tout cela était bien troublant et je quittais la salle avec mes Tefilines dans une petite pochette, encore sous le choc d'une forme de "chirurgie mentale." Trop lourde à porter cette révélation, et je pensais à l'histoire de Moïse, trop curieux, alors qu'il était encore tranquillement le berger de son beau-père Ythro, lui, un prince d'Egypte en fuite, intrigué un jour par un buisson ardent sur la montagne qui ne se consumait point, gravit la montagne pour voir... Et entendre tout a coup la voix tonitruante l'engageant à se déchausser et écouter l'ordre du D. D'Israël qui l'avait choisi pour libérer son peuple...Il était écrasé par le défi et l'ordre qu'il recevait. C'était Moïse, il libéra son peuple...Le buisson ardent est parfois remplacé par une attraction d'une autre nature...et ce qui advient n'est pas toujours prévisible...Je suis à la fin de mon parcours...je n'ai rien entendu, j'ai juste entrevu une allée de Lumière, au seuil de laquelle mon petit fils chantait...Ki-Tavo (quand seras arrivé)...N'oublie pas pourquoi ni par Qui? Amen...
Un commentaire personnel au sujet des Teffilines. Il faudrait selon les "guides" les mettre tous les matins sauf Shabbat ! Comme une réactivation de la Foi et réciter en les mettant l'essentiel de ce qu'ils contiennent: "Le Shema...."et pour les initiés les quatre paragraphes et leur contenu dont voici l'essentiel: -D. est UN, tu l'aimeras de toutes tes forces... -Tu graveras mes paroles dans ton cœur et les enseigneras à tes enfants... Tu les attacheras à ton bras et ton front, et sur tes portes... -Si tu suis bien mes commandements, le bonheur sera autour de toi... -Si tu me trahis, tu connaîtras toutes les souffrances... -Je veux que tout premier né me soit consacré... -N'oublie pas comment et pourquoi je vous ai sorti d'Egypte et chaque année, sept jours durant tu mangeras du pain azyme et tu expliqueras tout cela à tes enfants... C'est cet engagement qui doit rester obsessionnel, et à jamais rester le lien avec D.
Le Rav Cohen m'avait dit: -"C'est comme une antenne qui te permet de capter la longueur d'onde de D."(???) Cette explication dans un langage actualisé me fit un peu sourire. Il est vrai que l'image est essentielle pour les esprits simples et à cet égard je suis un nouveau-né ! Pinhas a été réanimé le 14 Septembre 2008, il a encore beaucoup de chemin à faire et comme tous les enfants se pose beaucoup de questions... Quand je pense à quelqu'un, que je l'appelle par téléphone, ou lui fais un texto, ou un E-Mail, toutes les versions modernes de la communication instantanée. Si tout va bien, si aucune inquiétude ou interrogation ou volonté d'aboutir ne m'interpelle, je poursuis mon ouvrage quotidien, je donne, je reçois, je console, je participe mais "l'appel" qui vient vers moi est comme le "buisson" ardent, cette interrogation qui attire et te met parfois face à des responsabilités soudaines...Alors j'appelle, je déploie mon "antenne", et les yeux fermés, dans le silence et l'isolement, j'écoute, moi, Lui, ailleurs, et j'obtiens ou non, la communication, le retour...Si ma demande est forte, pure, profonde, nul doute que le retour se manifestera, d'une façon ou d'une autre...Amen!
Freddy Félix Pinhas Chiche
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