Le vieil homme et sa Canne, par Victor Assouline

Le vieil homme et sa Canne, par Victor Assouline

(Que de bonnes nouvelles)
C’est dur à croire mais j’habite maintenant dans une synagogue.
Y’en a qui vont à la synagogue, moi j’y habite.

J’ai emménagé le 9 juillet 2023 de l’ère Chrétienne. Le Talmud dit « De deux  solutions prend la troisième ». Roma Dixit Locusta Est.

Il fallait quitter mon Hassid au caractère grincheux, nauséabond et marécageux. Je n’en pouvais plus au point de vouloir partager une maison avec trois septuagénaires qui se disputeraient la salle de bain dans une course folle et effrénée. A y penser, mon sang se glace.

C’est à ce moment-là, que L’Eternel et Rav Miller se sont chargés de la troisième solution.

Une synagogue boutique nichée dans un quartier résidentiel avec terrasse et jardin et un petit bungalow mitoyen à la synagogue que les frères Miller, fils du légendaire Rav Miller, m’ont prêté jusqu’à nouvel ordre.

Un havre de paix à deux pas du bon Dieu.

Je savais que dans la vieillesse ou la maladie -ce qui est mon cas- j’essaierai un rapprochement avec le Seigneur mais là c’est ridicule, j’ai carrément emménagé chez lui. Quel culot !! J’habite avec. Ce n’est plus un simple rapprochement mais carrément une relation étroite avec le Seigneur.

Je les entends prier à travers le mur et moi je réponds Amen et s’ils ont besoin d’un minian (un quorum de 10 hommes), ils taperont à ma porte, je serai heureux d’être le dixième. Ce qui permet aux prières de s’envoler. 6 h du matin anyone ?

Hier à la prière, première pose de Tefillin depuis fort longtemps. Il a fallu qu’on m’aide après tout, mes trois ans de Yershiva sont bien loin derrière moi.

Attention, je n’ai pas viré de bord. Pas encore en tout cas mais je sens que je vais être heureux ici.

J’ai passé toute une vie à éviter les synagogues de tous genres et voilà que je plonge en plein dedans. C’est drôle mais c’est mon destin.

On me trouve beau. On dit que j’ai bonne mine et on me demande comment ça se fait que je n’aie pas perdu mes cheveux.

Tu es sûr que tu es malade ? Tu n’en as pas l’air en tout cas, mais ma parole tu es bronzé !!!

Non … pas bronzé, c’est la colère qui me monte au visage. Ces gens-là voudraient me voir alité, morose et chauve. Je leur explique pour la énième fois que ce cancer est inguérissable, donc ça ne sert à rien de mettre la dose. Il suffit de le gérer et l’empêcher de se propager, pas de le guérir. On surveille le sang et on ajuste les séances d’infusion chimio, pilules et injections et une biopsie de temps en temps pour en avoir le cœur net. J’en suis à mon quatrième cycle, après on recommence à zéro.

Tout ça, c’est de l’hébreu pour mes réfractaires !

Etant pleinement conscient du mauvais œil et de sa puissance, je les insulte à voix basse et en arabe. C’est plus efficace. Qu’un hachoir ou un piano leur tombe sur la tête ou qu’un bus leur passe dessus. C’est plus douloureux.

Cela dit, une lueur d’espoir à l’horizon et qui vient d’Israël.

Grande nouvelle, deux chercheurs Israéliens auraient trouvé la cure du Myélome multiple… le cancer de la moelle osseuse, le mien… Un cancer qui tue un tiers de patients atteints dans le monde soit 300.000… De tous les cancers à guérir, que le mien soit choisi tient du miracle.

Le docteur Cyrille Cohen de Bar Ilan Université et le docteur Polina Stepensky directrice du programme contre le cancer de la moelle osseuse à l’hôpital Hadassa à Jérusalem ont collaboré et ont trouvé un protocole révolutionnaire qui guérirait ce cancer incurable jusque-là.

La route est longue mais ce traitement va donner beaucoup d’espoir aux personnes atteintes de ce type de cancer. J’espère inchallah participer aux essais cliniques qui vont jusqu’ à 90 pour cent de réussite, il leur faudra quelques temps avant d’être approuvés. On s’en fout on attend, ma survie en dépend. En voilà une bonne nouvelle !!!!!
Il aura fallu que je passe chez un poète très sympathique Bob Ore et puis chez un Hassid grincheux pour atterrir ici à ce stade de ma vie. Chez le bon Dieu.

J’ai une confession à faire tout de même, j’ai développé une relation assez spéciale avec ma canne. C’est fou, je sais mais je dirais que nous sommes liés d’une manière transcendantale et spirituelle pour ne pas dire existentielle ou symbiotique. Elle est devenue importante dans ma vie même si je n’en ai plus vraiment besoin dernièrement. Je la laisse trainer un peu et souvent on se perd de vue, je la retrouve accoudée à un mur ou sur le dos d’une chaise, mais dernièrement je l’ai perdue pendant plus de trois jours.

J’étais désespéré et je me sentais nu sans elle. Je l’imaginais, effrayée de tomber dans les mains d’un autre. Elle est tellement belle qu’on n’hésitera pas à me la voler sans un brin de scrupule. Je l’ai retrouvée au Starbucks du coin de chez moi. Le premier endroit que j’aurais dû visiter. El hmar lakhor (espèce d’âne que je suis).

Les retrouvailles étaient franchement émotionnelles. Ma canne avait l’air soulagée et moi aussi. Je jure avoir cru apercevoir une larme ou deux du côté de la poigne. sic
J’avais une canne de rechange mais elle avait mystérieusement disparu, c’est sûrement ma belle qui, dans un moment de jalousie s’en ai débarrassé.

Je revis un peu mais là je la surveille de tout près et je ne la sors plus que très rarement. Je suis fou, allez-y dites-le. En tout cas c’est une bonne nouvelle.
J’ai l’intention d’être à Jérusalem le 26 septembre 2023 BH, Au mur des lamentations le jour de Kippour. Beaucoup de péchés à expier, mais avec le bon Dieu comme colocataire, mes chances sont bonnes.

Le miracle continue et mon ange gardien m’ouvre le chemin.

VICTORASSOULINE48@gmail.com