LES JUIFS DE CASABLANCA - HISTOIRE
Anfa, le nom qui désigne Casablanca à l'origine, signifie “la colline” en arabe : c’est en effet sur une butte dominant la mer que s’implante la première communauté berbère Barghouata.
Les Phéniciens y avaient antérieurement établi un comptoir, suivis par les Romains et les Berbères qui s'opposeront aux Idrissides et aux Omeyyades.
En 1515, les Portugais baptisent la ville Casa Branca, à cause de la présence d'un fortin blanc qui lui donnera aussi son nom arabe de Dar el-Beïda, tandis que les Espagnols, au XVIIIe siècle, lui donneront le nom de Casablanca.
Casablanca est le débouché naturel de la Chaouïa et du Tadla. Capitale économique du royaume, sa croissance rapide depuis le début du siècle est due à l'activité de son port.
À l'aube de l'an 2000, Casablanca franchira la barre des quatre millions d'habitants. Sa population d'une grande diversité ethnique et culturelle abrite la grande majorité des Juifs marocains.
Le port d'Anfa, prospère et célèbre en Europe pour les lainages cuirs et céréales qui y transitaient, suscite les convoitises.
Ainsi entre le XIIe et le XVe siècle, les Portugais tentent de s'y installer; l'infant Ferdinand du Portugal débarque à la tête de 10 000 hommes pour anéantir les corsaires d'Anfa à la fin du XVe siècle.
En 1515, un deuxième raid portugais en finit avec la cité des pirates. Les Portugais reconstruisent la ville et y installent un fortin blanc, la “Casa Branca”, qui assure la protection de la route d’El Jadida. Une petite communauté juive semble s’ y être installée; elle est dispersée par les Portugais à la fin du XVe siècle.
Des takkanot de Fès sont attribuées à deux Juifs de Casablanca, Moïse et Dinar Anfaoni, tandis qu’une synagogue, celle du Rabbin Elias, y fut construite en 1750.
C'est sur un site détruit par le séisme de Lisbonne (1755) que Sidi Mohammed ben Abdallah décide de rebâtir une ville en 1770. Les Espagnols y installent leur comptoir en 1781, mais Casablanca demeure un petit hameau pendant encore 60 ans, avec ses 700 habitants.
Il faut attendre1830 pour que la ville opère une mutation qui la propulsera un siècle plus tard au rang de mégalopole africaine. Les Européens installent leurs comptoirs et les Marocains, commerçants et artisans, affluent.
La population dans la médina atteint les 20 000 personnes à la fin du XIXe siècle (contre 8 000 en 1850).
C'est au cours de cette période que la communauté juive se développe avec l'arrivée des Juifs d’Essaouira, Tanger, Tétouan et Rabat ainsi que des villages de l'intérieur.
À la suite de l'instauration du Protectorat, l'agrandissement du port, en 1906, détermine son évolution. S'opposant à l'occidentalisation de la région, les tribus berbères se soulèvent et mettent à sac la ville et le mellah, ce qui provoque l'intervention française. Le général Lyautey fait de Casablanca la capitale économique du Maroc.
Dès 1920, Casablanca devient le premier port du Maroc.
La communauté juive connaît le même essor. Le Beth Din est institué dès1918 et le premier journal juif, Or Hamaarav (La Lumière du Maroc) est fondé en 1922, suivi par l'Avenir Illustré et l'Union Marocaine.
Avec ses synagogues, ses talmud Torah et son école de l'AIU, Casablanca accueille une population d'environ 6 000 Juifs (30% de la population de la ville) auxquels se joindront un millier de personnes fuyant les pillages de Settat en 1903. Ce boom démographique entraîne une misère notable dans le mellah surpeuplé de la vieille médina.
Aujourd'hui la communauté est très active avec à sa tête Boris Tolédano et le grand rabbin Aaron Monsonégo. Elle s'appuie sur des institutions dynamiques.
L'organisation sociale communautaire est cependant soutenue par un kahal dynamique qui se charge de la redistribution de taxes prélevées sur les produits cacher, ainsi que de généreuses contributions aux œuvres de bienfaisance (la Maternelle, Aide scolaire, Hôpital juif).
Les nombreuses écoles de l’alliance, les garderies, les dispensaires forment un complexe communautaire imposant. Les mouvements de jeunesse comme le DEJJ contribuent à l’action éducative.
Le home S.D Lévy, foyer pour personnes âgées, financé avec l’aide de l’AJDC et de l’OSE abrite quelque 100 personnes. L'accès à l'école est gratuit pour les enfants nécessiteux.
Les activités variées de cette ville-champignon attirent vers des emplois divers (artisanat, petit commerce, négoce ou industrie) une population venant de toutes les villes du Maroc.
L’attirance de Casablanca ne se démentira pas tout au long du siècle, en dépit de l'épisode de Vichy.
La communauté juive compte 70 000 personnes en 1948 et, entre 1948 et 1968, des milliers d'autres provenant des communautés environnantes viennent s'y installer.
Le mellah de Casablanca connaît, à partir des années 1950, une émigration. L’expansion de l’après-guerre conduit nombre de Juifs à résider dans les quartiers européens, alors que la communauté développe ses clubs de jeunesse, ses journaux, ses centres sportifs, ses institutions médicales et culturelles et son réseau scolaire.
Parmi les figures qui ont marqué l'histoire de la communauté juive de Casablanca, on peut citer :
Moïse et Dinar Anfaoni, Jacob Raphaël Benazéraf, Haim Ben Soussan, Dr Léon Benzaken, Haïm Elmaleh, Moïse Eliakim, S.D. Lévy, Isaac Marache, Élie Nataf, Meyer Obadia, David Ouaknine, Meyer Toledano, Yahia Zagury.
La configuration d'une véritable ville est clairement lisible sur le plan dressé en 1900 par Félix Weisgerber. Bien que le Mellah ne soit aux yeux de Weisgerber "pas aussi strictement limité qu'il l'est dans la plupart des villes marocaines", les Juifs n'échappent pas à leur condition de dhimmi : "les dhimmis ne bâtiront point de maisons plus hautes que celles de Musulmans; leurs synagogues surtout ne devront point s'élever au-dessus des minarets et des mosquées".
La situation des Juifs des villes côtières est décrite comme particulière. Le lieu de résidence des Juifs dans la Médina de Casablanca n'est pas limité par un mur d'enceinte.
Les synagogues y sont nombreuses, une vingtaine au début des années vingt, mais peu monumentales. Les maisons en maçonnerie de couleurs vives forment un dédale de rues composés selon des règles habituelles au monde urbain des pays musulmans avec ses hiérarchies subtiles entre impasses, rues semi-privées et voies publiques.
Casablanca est aussi la ville qui a vu naître ma Grand-Mère
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