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LES PREMIÈRES ALIYOTES DES JUIFS DU MAROC EN ISRAËL par Thérèse Zrihen-Dvir

LES PREMIÈRES ALIYOTES DES JUIFS DU MAROC EN ISRAËL par Thérèse Zrihen-Dvir

Extrait de l’œuvre : Il était une fois… Marrakech la juive – Lacoursière Editions – Français – anglais et hébreu – en vente chez l’auteur aussi

Il fallait voir la tête de cette femme assise à mes côtés dans le bus d’Egged qui nous menait vers notre nouvelle demeure en Eretz Israël, pour comprendre l’idée préconçue des vétérans israéliens concernant les juifs du Maroc.

« Le lendemain de leur arrivée, après un sommeil réparateur, ils étaient tous prêts à prendre le chemin de leur nouvelle demeure, à Rishon-Le-Zion. Yvonne les guida vers l’arrêt de bus, lequel était exceptionnellement bondé. Marie et Rébecca voyagèrent debout jusqu’à Hadera, la première étape de leur voyage. Quelques soldats descendirent du véhicule, laissant leurs sièges vacants, que Marie et sa sœur s’empressèrent d’occuper. À sa droite, une femme d’âge mûr l’aida à ranger ses paquets.

– Êtes-vous une touriste ? lui demanda-t-elle en anglais.

– Non, répondit Marie dans la même langue, nous sommes de nouveaux immigrants venus du Maroc (Morocco). 

– D’Amérique du Nord ? 

– Non, sourit Marie, du Maroc. Nous sommes venus de l’Afrique, pas de l’Amérique

– Ce n’est pas possible, répondit la femme, stupéfaite.

– Et pourquoi ne le serait-ce pas ? répliqua Marie, piquée au vif.

– Vous êtes tous habillés à la dernière mode, vous avez la peau et les yeux clairs et vous parlez correctement l’anglais. Vous vous payez ma tête, ma parole. Les marocains que nous connaissons sont bizarres et ne parlent rien d’autre que leur affreux patois !

– Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? Vous faites sûrement erreur.

– Mais pas du tout ! J’en connais plusieurs ! C’est vous qui cherchez à me dérouter, rétorqua la femme, offensée.

– Je n’oserais jamais ! Navrée que vous le preniez sur ce ton, mais, croyez-moi, tout ce que je vous ai dit jusqu’à présent n’est que pure vérité. Voici mon passeport ! Lisez vous-même ! Il est bien écrit Royaume du Maroc, en français, lança Marie en lui remettant le document.

– Oui, en effet, je vois. Je vous prie de me pardonner ma réaction excessive. Vous savez, tous les marocains que nous avons rencontrés jusqu’à présent étaient des barbares et des analphabètes !

– Je crois savoir de quels marocains vous parlez. Si je ne m’abuse, il s’agit de berbères. Certaines communautés juives patriarcales vivaient depuis des siècles dans les montagnes de l’Atlas marocain, au sein les arabes. Personne n’a jamais pu définir avec précision leurs origines ! Au Maroc, nous les appelons les Chleuh. Ce n’est pas leur faute s’ils sont demeurés si primitifs ! Leur isolement dans les montagnes et dans le désert, leur cohabitation avec les nomades, les moyens de communication et de transport extrêmement réduits, ont amplement contribué à leur inculture et à leur dédain de la civilisation urbaine. Je ne cite là que les facteurs principaux de leur analphabétisme, il faudrait y ajouter certains particularismes locaux, comme l’indifférence du colonialisme français et la pauvreté. Les agents sionistes venus les chercher entre 1948 et le début des années cinquante ont pourtant réussi, contre toute attente, à les regrouper et à les amener en Israël ! 

– C’est un vrai cours d’histoire ! s’exclama la femme. Mon nom est madame Golup, et j’habite à Rishon-le-Zion. Quelle est votre destination ? 

 Rishon-Le-Zion, répondit Marie en souriant.

À leur descente du bus, Marie et madame Golup avaient déjà beaucoup bavardé et échangé de multiples informations.

La route menant à leur quartier, appelé Shikun Harushim (conçu à l’origine pour les immigrants russes), était encore en construction. Pour y accéder, il fallait faire de nombreux détours. Une fois devant l’immeuble, ils déchargèrent leurs bagages et les déposèrent à côté de la cage d’escalier. Perché au quatrième étage, leur appartement dans un building flambant neuf, manquait d’ascenseur.

Ils signèrent un nombre infini de documents à l’agence avant d’emménager. Sitôt ces fastidieuses formalités achevées, deux jeunes hommes installèrent sur place des lits en métal, une petite table en bois et des chaises, quelques couvertures et des marmites. En somme, les articles de base nécessaires à leur survie lors de leurs premiers pas dans le pays. C’était évidemment, très loin de répondre à leurs besoins immédiats. Fanny sortit une liasse de devises françaises qu’elle avait réussi à faire passer clandestinement du Maroc, et la remit à Marie. Anne et Prosper s’attelèrent à la répartition dans l’appartement du peu de meubles qu’ils venaient de recevoir, tandis que Marie et Fanny se rendaient à l’épicerie la plus proche pour acheter des victuailles. Sans réfrigérateur, il était hors de question de stocker des denrées périssables.

Il faudra s’armer de beaucoup de patience et de courage avant de pouvoir nous adapter à cette chute brutale de notre train de vie, se dit Marie ».

  • Cinquante ans plus tard – ces dits juifs berbères marocains et de seconde classe, sont de fiers et patriotiques israéliens qui occupent avec une grande dignité des positions importantes dans tous les domaines.

Thérèse Zrihen-Dvir

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