Lettre ouverte à Manuel Valls à l’occasion de sa visite en Israël , par Daniel Haik
Monsieur le Premier ministre,
Vous serez dimanche en Israël. Les Israéliens qui ont, selon la tradition d’Abraham, le sens de l’hospitalité vous y accueilleront avec joie, respect et honneur, car ils savent que vous êtes un véritable ami d’Israël et du peuple juif.
Toutefois, vous n’êtes pas sans savoir que votre visite intervient dans un climat de méfiance tant de la part des dirigeants israéliens que ce celle de la population israélienne et parmi elle des milliers de nouveaux immigrants qui ont récemment quitté la France, entre autres, parce qu’ils ne s’y sentaient plus en sécurité.
Beaucoup ne comprennent l’objectif réel de l’initiative que la France tente de promouvoir dans l’espoir de relancer les pourparlers de paix israélo-palestiniens. Ils ne comprennent pas pourquoi alors que le chaos le plus total règne au Moyen-Orient, la France se focalise sur le conflit israélo-palestinien. Certains mettent cela sur le compte d’une forme de naïveté, mais d’autres de plus en plus nombreux prétendent qu’au bout du compte, votre gouvernement n’a pas d’autre intention que celle de reconnaître un État palestinien indépendant dans le seul objectif de récupérer les voix de l’électorat arabo-musulman de France en perspective des présidentielles de 2017.
Le fait est qu’au cours des derniers mois, la diplomatie française s’est plus distinguée par ses égarements envers Israël que par ses démarches bénéfiques.
Monsieur le Premier ministre,
On n’a pas compris à Jérusalem, pourquoi en annonçant son initiative le 29 janvier dernier, votre chef de la diplomatie de l’époque Laurent Fabius avait cru judicieux de l’assortir d’une menace dirigée uniquement contre Israël selon laquelle si cette conférence internationale échouait, Paris reconnaîtrait malgré tout, un État palestinien indépendant. Il ne faut pas être fonctionnaire au quai d’Orsay pour comprendre qu’une telle mise en garde faisait admirablement le jeu des Palestiniens et transformait l’initiative française, pour eux, en une démarche « gagnante-gagnante ». Premier égarement, certes rattrapé en mars par Jean Marc Ayrault, après que l’on ait compris à Paris, l’incohérence d’une telle menace. Mais égarement, tout de même qui est resté dans les esprits israéliens.
Mais surtout, cette méfiance israélienne s’est considérablement accrue, Monsieur le Premier ministre, à la suite de l’énorme bévue commise par la délégation française à l’UNESCO, le 14 avril. En votant cette stupéfiante résolution niant tout lien entre le peuple juif et le Mur occidental, la France ne s’est pas seulement fourvoyée, contribuant à une diabolique réécriture de l’histoire : elle a prouvé à quel point elle n’avait pas la moindre connaissance de la réalité dans cette Jérusalem complexe où Juifs, Musulmans et Chrétiens parviennent tout de même à vivre ensemble, en dépit des terroristes palestiniens qui poignardent militaires et civils israéliens. Certes, là encore, lorsque vous avez mesuré la gravité de ce vote, vous vous en êtes publiquement et courageusement démarqué, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale. Mais même la réponse, plus laconique, du président Hollande aux lettres des présidents du CRIF et du Consistoire, prouve qu’à l’Élysée des gens sérieux continuent de croire que la liberté de culte n’est pas vraiment accordée dans cette Jérusalem qui tient tant au cœur des croyants monothéistes, mais vers laquelle les prières des Juifs sont dirigées depuis plus de 2 000 ans.
Voilà pourquoi Monsieur le Premier ministre, si vous souhaitez persuader les dirigeants israéliens d’adhérer à l’initiative française, votre mission prioritaire sera de dissiper ce nuage opaque de méfiance qui obscurcit les relations entre nos deux pays.
Comment dissiper ce nuage ? Comment réparer les malentendus de ces dernières semaines? Comment lever ce voile de scepticisme qui enveloppe aujourd’hui les Israéliens lorsqu’on leur parle de l’initiative française ? Comment persuader que la France, celle de Chateaubriand, de Mendes-France, et de Mitterrand reconnaît ouvertement et non en catimini, le lien intrinsèque existant entre le peuple juif, le Mur occidental et Jérusalem ?
La réponse est simple:
Monsieur le Premier ministre, cher Manuel Valls, demandez à vos conseillers et à l’ambassadeur de France en Israël, Patrick Maisonnave d’insérer, dans votre programme à Jérusalem, une visite devant le Mur Occidental, le Kotel. Venez palper ces pierres qui, selon la tradition juive, portent depuis deux millénaires la Providence divine. Vous y ressentirez sans aucun doute le lien historique entre le peuple juif, Israël et le Temple de Jérusalem qui résidait là jadis.
Je suis persuadé qu’un tel geste, si fort, si hautement symbolique, pourrait dissiper toute méfiance et restaurer un climat de confiance entre la France et Israël. Il pourrait tellement marquer les consciences qu’il suffirait, peut-être à lui seul, à modifier l’approche d’Israël envers toute initiative conduite par la France.
Certes, pour cela, il faudra faire montre de courage et accepter d’affronter de retour à Paris, les hordes antisémites qui sévissent sur la Toile et les critiques de certains de vos collègues…
Mais Monsieur le Premier ministre, du courage, vous en avez et vous l’avez toujours prouvé. Alors pourquoi pas cette fois encore, lorsque tant de défis sont en jeu ?…
La décision est entre vos mains.
Soyez le bienvenu en Israël, Monsieur le Premier ministre
Daniel Haïk
Journaliste
Rédacteur en chef Haguesher
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