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Loi Tal : que veut Netanyahu ? Par Marine Journo

Loi Tal : que veut Netanyahu ? (info # 010307/12) [Analyse]

 

Par Marine Journo © Metula News Agency

La toute jeune coalition, née il y a moins de deux mois, est menacée en Israël. Kadima pourrait en effet la quitter, si M. Netanyahu refuse de soumettre au vote de la Knesset les recommandations du Comité Keshev.

Ce comité, présidé par le parlementaire Yokhanan Plesner (Kadima), est chargé de plancher sur un substitut à la loi Tal, qui sera annulée le 1er août prochain. Cette dernière, en vigueur depuis presque dix ans dans l’Etat hébreu, permet notamment d’exempter les étudiants des yeshivot (écoles talmudiques) de service militaire.

Or les membres de la coalition gouvernementale avaient multiplié, depuis mai dernier, les annonces d’un très prochain remplacement de cette loi ; remplacement censé imposer un traitement équitable pour tous les citoyens face au service militaire.

Jusqu’ici, c’est loin d’être le cas. La loi Tal accorde aux Israéliens ultra-orthodoxes, une fois leur majorité atteinte, la possibilité de choisir entre la poursuite de leurs études dans les écoles religieuses ou l’accomplissement de leur devoir militaire. Pour la plupart des autres citoyens israéliens, servir sous les drapeaux ne relève pas d’un choix mais d’une incontournable obligation.

La majorité laïque israélienne juge le privilège réservé aux religieux totalement inique. Ce, tandis que pour les Juifs pieux, « étudier la Torah est une façon légitime de servir l’Etat », ainsi que l’a encore rappelé aujourd’hui Elie Yishaï, le ministre de l’Intérieur.

Lundi, M. Plesner avait informé Binyamin Netanyahu de ce que le comité était parvenu à des propositions « historiques ». Ses conclusions doivent être présentées demain, mercredi.

 

Le député, confiant dans le travail réalisé par la commission qu’il a dirigée, a déclaré que les recommandations qu’elle proposera fourniront « un cadre (…) permettant de répondre à la demande légitime de plus d’équilibre et d’égalité dans la participation [des Israéliens] à l’effort national ».

 

Afin de rompre définitivement avec la loi Tal – qui avait d’ailleurs été jugée anticonstitutionnelle par la Cour Suprême israélienne en février dernier -, le Comité Keshev préconise des sanctions contre quiconque se soustrairait au service militaire.

 

Ce projet est fort mal accueilli par la communauté religieuse. Les sanctions dans la ligne de mire des membres du Comité Keshev concernent les allocations au logement, les allègements sur les taxes municipales, et bien d’autres aides publiques dont bénéficient aujourd’hui les haredim, littéralement, ceux qui craignent Dieu, les ultrareligieux. Or une part non négligeable des revenus de cette minorité provient de ces allocations étatiques.

 

Une autre recommandation issue du groupe de travail a suscité un véritable tollé dans le monde politique israélien : celle d’instituer, pour la communauté arabe israélienne, un recrutement de six mille soldats par an, d’ici 2016. Actuellement le service militaire n’est pas obligatoire pour les jeunes gens issus de ce segment de la population.

 

Les ultra-orthodoxes s’érigent en faux. « Comment pouvez-vous prévoir des sanctions financières contre les haredim alors que d’autres groupes de la population s’en sortent gratuitement ? » s’est indigné un membre du parti Yahadut Hatorah (le judaïsme unifié de la Torah).

Les représentants des partis Yisrael Beytenu, Israël notre maison, le parti populiste du ministre des Affaires Etrangères Avigdor Liebermann, de Habayit Hayehudi (la maison juive) et de la communauté haredi ont quitté le Comité Keshev, tout en assurant qu’ils ne manqueraient pas de voter contre la proposition de loi lorsqu’elle sera proposée à la Knesset.

 

On se demande désormais si un tel vote aura lieu, Binyamin Netanyahu ayant dissout le comité lundi soir, après le départ de ses membres religieux. Privé des représentants de ce courant, le groupe de travail n’a plus de raison d’être aux yeux du chef de l’exécutif.

 

Par ailleurs, le Premier ministre israélien s’était lui aussi formalisé de la proposition de ne pas étendre le caractère contraignant du service militaire à tous les Arabes israéliens. Jeudi dernier, il avait mis en garde la commission Keshev, qu’à moins que le service (militaire ou civil de remplacement) ne devienne obligatoire pour cette communauté, il pourrait décider de ne pas soumettre au vote les conclusions du comité.

 

Kadima aussi a ajouté son grain de sel à la polémique, par la voix notamment de Tzipi Livni, pour qui tout citoyen israélien se doit d’effectuer son service militaire, qu’il soit juif ou arabe, religieux ou laïc.

 

L’égalité, oui, mais à quel prix ? C’est à croire que l’ancienne patronne de Kadima n’a cure du risque inhérent à l’intégration de certaines communautés dans Tsahal, dont on ignore à qui elles feraient allégeance en cas de conflit d’intérêt.

 

Quant à Binyamin Netanyahu, il est évident que ce souci d’égalité devant la loi ne justifie pas de se fâcher avec ses alliés traditionnels des formations religieuses et de déstabiliser l’électorat, qui le plébiscite dans les sondages.

 

L’un des proches du vice-Premier ministre Shaul Mofaz, à la tête de Kadima, exprime clairement cette opinion, arguant que « Netanyahu a tout fait pour torpiller le comité depuis le premier jour ».

 

Mofaz de préciser quant à lui, que « Le comité a été formé conjointement par Kadima et le Likoud, et sa dissolution unilatérale par le Premier ministre n’engage pas Kadima.

 

Si un accord n’est pas trouvé entre Netanyahu et Mofaz d’ici demain (mercredi) sur les modalités du service militaire devant remplacer la loi Tal, et que le Premier ministre persiste dans son refus de présenter les propositions du Comité Keshev aux suffrages du parlement, il est probable que Kadima quitte prématurément la coalition gouvernementale.

 

Certains députés de Kadima préparent déjà leurs bagages.

 

Ce moment de tension au sommet de l’Etat a cristallisé les dissensions qui s’étaient faites jour depuis la formation de la coalition. Shlomo Molla, un élu de Kadima, avait enjoint son chef de file, dès la fin du mois dernier, à rester fidèle aux valeurs du parti et à ne pas se soumettre à un compromis dans l’affaire de la loi Tal. Molla ajoutant : « cette histoire tout entière démontre que nous n’aurions pas dû entrer au gouvernement ».

 

Deux autres parlementaires se sont joints à Molla pour faire pression sur Mofaz, le sommant de quitter le gouvernement. Kadima retrouverait alors les bancs de l’opposition.

 

Il faut préciser que Kadima, formé par Ariel Sharon, se veut légitimiste et républicain. Il a toujours prôné la prévalence de l’intérêt national sur celui des minorités ; et Shaul Mofaz, ancien chef d’état-major de Tsahal, peut difficilement accepter que les jeunes israéliens soient inégaux devant le recrutement. Ce, d’autant plus qu’après l’alliance avec le Likoud, les observateurs se demandent s’il existe encore des caractéristiques particulières à Kadima et si ce parti va survivre aux prochaines élections.

 

Quant à Bibi Netanyahu, il rencontre aujourd’hui certains ministres et députés des partis religieux, avec, dans son chapeau, une proposition miracle. On prête à M. Netanyahu l’intention de faire voter au parlement une loi introduisant un « service civil » obligatoire pour toute personne qui n’effectuerait pas son service militaire.

 

Yaïr Lapid, leader du parti Yesh atid (il y a un avenir), avait, dès vendredi dernier, accusé le 1er ministre de leurrer les Israéliens en leur faisant croire que les haredim serviront dans l’armée.

 

Le comportement du chef du gouvernement hébreu face aux questionnements que pose le Comité Keshev laisse effectivement planer les contours d’une nouvelle concession en faveur des orthodoxes. Que cela se fasse au détriment de la présence de Kadima dans la coalition est une chose, et de la soi-disant égalité que Binyamin Netanyahu affirmait vouloir imposer en remplacement de la loi Tal, cela peut aussi se comprendre, à l’aune de la politique politicienne ; mais que tout cela se réalise au détriment de la jeunesse qui défend, les armes à la main, la survie d’Israël, cela passe beaucoup plus mal.

 

Les pirouettes du 1er ministre pourraient même avoir un effet démobilisateur sur le moral de la masse des jeunes israéliens, qui, et je les côtoie quotidiennement, en ont plein les bottes des avantages concédés aux divers tire-au-flanc.

 

Mais si les disputes ne cessent pas et qu’aucune disposition n’est prise légalement pour palier le vide que laissera l’annulation de la loi Tal, eh bien, dès le 1er août prochain, le service militaire obligatoire pour tous entrera en vigueur.

 

De notre promontoire doucement rôti par le soleil d’été, nous observerons avec curiosité la façon dont le funambule Netanyahu se sortira de ce cul de sac. Entre Kadima, un parti en perte de vitesse et un concurrent potentiel du Likoud, d’une part, et les ultrareligieux, très souvent antisionistes, de l’autre, nous savons qu’il n’hésitera pas à se séparer de Mofaz.

 

Le problème auquel le 1er ministre pourrait avoir à faire face prochainement devrait le préoccuper bien davantage. Les Israéliens n’apprécient visiblement pas ses façons de vendeur de bestiaux, et ils reprochent au maquignon de s’occuper majoritairement des soucis des religieux de droite et d’extrême-droite, plutôt que de leurs préoccupations quotidiennes. Beaucoup d’Israéliens modérés en viennent à se demander si Bibi sait exactement où il veut aller et où il les emmène. A la veille d’une année électorale, le chef du gouvernement ferait bien de regarder l’horizon au-delà de la loi Tal, et de ne pas négliger les attentes d’équité devant la loi qui préoccupent tous les jeunes avec lesquels je vis.

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