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Lourdes. Gad Elmaleh atteint du coronavirus : il revient sur "cette période douloureuse et difficile"

Lourdes. Gad Elmaleh atteint du coronavirus : il revient sur "cette période douloureuse et difficile"

 

Mardi matin, Gare de Lyon à Paris. Avant d’embarquer dans le train qui doit l’emmener à la rencontre de producteurs, l’humoriste en convalescence de Covid19 déguste son café. Téléphone à l’oreille, il nous décrit les gens qui passent devant lui: «Super les visières, c’est entre l’apiculteur et le cosmonaute». Sa voix évoque immanquablement le comédien en scène avec sa gestuelle de clown de charme. Et quand on lui dit Toulouse, il répond Nougaro.

Gad Elmaleh, fou de Nougaro ?

Complètement, j’ai une émission de jazz le samedi midi sur TSF JAZZ et je l’aime tellement que je parle de lui toutes les semaines. C’est même grâce à Nougaro que j’ai découvert certains standards de jazz comme Dansez sur Moi, Harlem, Autour de minuit… J’aimerais beaucoup lui rendre un hommage un jour. Pendant le confinement, on ne pouvait pas aller dans les studios de la radio, j’ai enregistré les émissions en direct de ma chambre ou de celle de mon fils !

D’autant que vous avez aussi été victime du Covid-19 ?

Cela m’a pas mal immobilisé, mais laissez-moi aborder ce thème avec un minimum de retenue et de dignité face aux milliers de gens qui sont décédés et à leurs familles endeuillées. Mais c’est vrai que j’ai été secoué, c’était une période douloureuse et difficile. J’ai eu envie d’être proche des miens, de retrouver mes enfants, certains en ont profité pour lire des grands auteurs, moi je me contentais de choses très simples, allumer le lave-vaisselle, parler à ma mère, partager de la musique… Ce qui est frappant dans ce moment, c’est qu’on était tous dans le même bateau, alors que souvent, on parle des catastrophes dans le monde mais on y échappe.

Les lendemains de la crise sanitaire, c’est l’annulation de la saison culturelle, et notamment de "Bernadette de Lourdes" que vous coproduisez…

Ah, "Bernadette" ! On a été arrêté en plein vol puisque la comédie musicale ne peut pas redémarrer cet été à cause du coronavirus. C’est un très grand regret, parce que je trouve le spectacle extraordinaire, qui pourrait, je suis sûr, être joué aux Etats-Unis. Il y a certes l’aspect spirituel, il est tout de même question de l’apparition de la Vierge ! mais l’histoire est tellement universelle et singulière qu’elle peut se retrouver à Broadway. La mise en scène de Serge Denoncourt est d’une grande élégance. Je suis tombé amoureux de ce personnage et de cette histoire, qui parle aussi de la rumeur et de la calomnie dont la jeune fille a été victime. A l’heure des fake news, on ne peut être qu’interpellé.

Comment vous êtes-vous retrouvé à le coproduire ?

Gilbert Coulier, mon producteur, m’a dit il y a un spectacle qui ne va pas t’intéresser, le sujet ne va rien te dire. Évidemment, je lui ai répondu dis toujours… C’est Bernardette de Lourdes ! A ce moment-là, mes yeux s’allument parce que je suis très curieux de ce genre d’histoire, et je lui demande où ça doit se jouer. A Lourdes ! Incroyable, c’est comme monter un spectacle sur Jésus à Jérusalem, c’est magnifique ! C’était la première fois que j’allais produire un tel spectacle, mais j’ai sauté sur l’occasion, je me suis investi et j’ai investi en temps, en argent, en passion, parce que j’y crois profondément. Evidemment, je ne suis pas seul, il y a Eléonore de Galard et Roberto Ciurleo qui sont mes partenaires… [Un coup de sifflet retentit], vous entendez le chef de gare, il faut que je rejoigne mon train… [Entretemps, Gad Elmaleh a accepté une photo pour un passant].

Quelques mots sur Eyma, la jeune héroïne ?

Eyma, qui vient juste d’avoir 18 ans, est un ange doté d’un grand charisme. Au-delà d’être une bonne chanteuse, elle a quelque chose de plus pour le rôle : quand elle apparaît en scène, car c’est une apparition, son côté ingénu va laisser place à une profondeur surprenante. J’ai hâte de la revoir. J’espère de tout cœur qu’on va avoir la possibilité de reprendre ce show.

Vous dites universel ?

Pour faire un parallèle : je me rappelle qu’à l’école de théâtre, en étudiant Tchekhov et ce qu’il racontait des gens et des petits villages dans "La Mouette" ou "La cerisaie", moi qui venait du Maroc, à des milliers de kilomètres de la Russie du XIXe siècle, je comprenais tout comme s’il me parlait de mon quartier et de ma famille. Il y a quelque chose de cet ordre dans Bernadette, même si bien sûr les spectateurs croyants adhèrent d’office, elle parle à tous.

Et c’est vous, juif marocain, qui voulez le révéler ?

Beaucoup de gens se posent la question, de ce que je fais avec "Bernadette de Lourdes", moi qui suis bercé par la culture judéo-arabe. Tout simplement, l’histoire me touche en tant qu’artiste et elle m’anime en tant que producteur. Je motive les troupes en leur disant qu’on va faire le tour du monde. Le rêve américain, je vais peut-être plus l’atteindre avec Bernadette qu’avec moi-même !

Vous l’avez déjà vécu, le rêve américain…

Oui, j’ai fait mon Nougayork. Mais ce qui m’a étonné dans cette expérience, alors que je m’attendais à vivre un choc, c’est qu’elle ressemblait à tous les décalages que j’avais pu vivre avant, en partant du Maroc pour aller au Québec, puis du Québec pour partir en France. Le fait d’être d’ailleurs ne concerne pas seulement la géographie, mais aussi le milieu dans lequel on arrive.

D’ailleurs, qu’en est-il de vos projets de scène ? Vous deviez être le 2 décembre au Zénith de Toulouse, cela se fera ?

Je devais démarrer la tournée de mon nouveau spectacle, "D’ailleurs" le 26 avril, mais nous avons dû reporter compte-tenu du contexte sanitaire. J’attends le feu vert d’Edouard Philippe et j’espère qu’on va pouvoir reprendre bientôt. Je ne peux pas dire que je vais jouer en terrasse, je ne peux pas faire mon spectacle en télétravail ou sur Zoom. Le cœur et l’ADN de mon métier, c’est l’échange, sans public, c’est hors de question. C’est tellement organique, la comédie.

Retour en 2021

« Salué par la presse internationale », suivant l’expression consacrée, « Bernadette de Lourdes » a réalisé lors de sa première saison l’été dernier 70 000 entrées en 13 semaines. Porté par la voix d’Eyma, qui a quitté l’univers des Voice Kids pour le rôle inspirant d’une jeune paysanne promise à un destin extraordinaire, le spectacle mis en scène par Serge Denoncourt sur la partition de Grégoire est l’aboutissement de neuf ans d’efforts pour les producteurs Eléonore de Galard et Roberto Ciurleo, rejoints par Gad Elemaleh. « Lancer une telle comédie musicale à 10 millions d’euros loin de Paris, c’est un cas d’école », résume Roberto, déjà à l’origine de « Robin des Bois », et qui a conquis l’enthousiasme du sanctuaire lourdais. « On va tout faire pour revenir l’an prochain et la saison suivante, espère le producteur, alors que « Bernadette » est à l’arrêt pour cause de coronavirus. Les organisateurs de pèlerinages ont déjà prévu les réservations de groupe. « Ils sont enthousiastes envers un spectacle accessible notamment à des centaines de personnes à mobilité réduite, voire très réduite, en fauteuils et brancards », pour lesquels l’espace Robert Hossein a été aménagé. Destiné à une carrière internationale quand le monde sera de nouveau accessible, « Bernadette de Lourdes » a parfois rencontré sur place le même scepticisme que Bernadette Soubirous au XIXe siècle… « Mais il faut voir le spectacle pour y croire !», affirme Roberto Ciurleo. www.bernadettedelourdes.fr

    

Interview Pierre Mathieu

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