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Mon Hassid bien aimé, par Victor Assouline

Mon Hassid bien aimé, par Victor Assouline

 

La synagogue du Rav Miller était pleine ce soir-là. Je ne sais plus pour quelle occasion.

Dans mon coin, je me faisais un petit bilan en fredonnant la chanson de Léonard Cohen, composée juste avant sa mort.

Hineni, Hineni. I’m ready my Lord(me voilà je suis prêt).

J’ai bientôt 75 ans, un Cancer incurable, pas un sou en poche (ni en banque d’ailleurs), les amis se faisant rares. Je me retrouvai seul dans une ville que j’avais quittée depuis plus de dix ans. Et pour comble, je devais trouver un logement le plus vite possible sinon je risquais le Sheriff à ma porte..

(Aucune pitié ces propriétaires terriens.)

À ma grande surprise, le Rabbin Shlomo Miller s’est levé en me montrant du doigt, et a annoncé à la congrégation :

- Notre ami Victor Assouline souffre d’un Cancer et a besoin d’un « guest house » ou d’une chambre à louer le plus vite possible.

Un homme d’une cinquantaine d’années est venu s’asseoir près de moi.

-          J’ai une chambre en plus, si ça t’intéresse.

Le lendemain j’emménageai chez lui.

Le loyer un peu cher pour mon budget mais, au moins, j’ai où poser ma tête.

Nous partageons un modeste appartement en plein dans une enclave mexicaine dans le sud de Los Angeles et encerclé par des centaines de jeunes familles orthodoxes récemment installées.

Le Chabbat c’est un vrai plaisir à les voir déambuler dans tous les sens, une ribambelle d’enfants de tous âges, poussettes a l’appui, se diriger vers leur synagogues respectives. Il y en a pour tous les goûts. Sépharade, Chabad, Yéménite ...

Il s’avère que mon colocataire est un Hassid de chez Hassid qui a fait Techouva (repentance)

Ceux-là sont les plus fervents. Il m’a donné les consignes dès le premier jour.

L’évier de gauche pour le lait (holov Israël) et l’évier de droite pour la viande. Ditto pour la vaisselle.

Tout passe au peigne fin niveau Cashrout. Rien ne rentre à la maison si il n’y a pas de U ou de K ou je ne sais plus quoi.

Quelque temps après mon arrivée chez mon Hassid, je commençais à avoir des douleurs à l’épaule. J’étais sûr que c’était dû à mon cancer. J’allais en parler à mon docteur. Mais je me suis aperçu qu’il y avait tellement de Mezouzot dans cette maison, qu’après quelques vas et viens de ma part, les douleurs commençaient.

Ce passage est forcément une blague donc je passe à un sujet sérieux et surtout insolite. Mais, croyez-le ou pas, mon voisin d’en bas a le même cancer que moi. Multiple Myélome. Les mêmes infusions chimio (Daratumumab). Les mêmes pilules chimio (Pomalyst et revlimid). La seule différence est qu’il a eu sa greffe il y a deux ans mais son cancer revient. Donc il repart à Zéro. C’est la nature de ce cancer, il ne guérit jamais.

En ce qui concerne ma maladie, la possibilité d’une greffe a été écartée par les docteurs. J’arrive a l’âge limite et mon système immunitaire est sérieusement compromis. Par contre, il y’a du nouveau venu d’Europe. CAR-T thérapie. On me dit qu’il y a des effets secondaires assez sévères mais bon…

Pour revenir à mon Hassid bien aimé, tous les jeudis, il m’attend au salon, un livre ouvert à la Paracha de la semaine. En l’occurrence la Paracha Va Yetsé.

Dès que j’émerge de ma chambre il me saute dessus.

J’essaie de lui échapper en prétextant un problème aux jambes. Ce qui est vrai en plus(Neuropathy). Il me suit jusque dans ma chambre. Fatigué, j’écoute à moitié ce qu’il me dit. C’est une histoire d’échelles et de rêves, et d’anges qui montent et qui descendent.

Esaü est dans les parages. Il a l’intention de tuer Jacob en chemin. Jacob, plus malin, refuse de faire le voyage.

Mon hassid me dit que le Mashiah arrive bientôt. C’est drôle car, il y a quelque temps, il m’a dit qu’il était déjà là. Faudrait savoir!!

Il me parle de Guematria. D’après mon Hassid, elle démontre, après des contorsions farfelues, que le nom OBAMA est bel et bien écrit dans la Torah.

Il me dit aussi que quand le Mashiah viendra, les Juifs n’auront plus besoin de travailler. Chouette!!

En tout cas, finies les soirées infusées de Verlaine et Baudelaire. Maintenant c’est Rambam et le Zohar.

Si j’avais besoin de spiritualité, entre la Shul du Rav Miller et mon Hassid bien aimé, j’en ai à Gogo.

Autre chose, mon Hassid est très à cheval sur la propreté. Tout doit être net. Il fait les parterres. Si je cuisine, il me suit avec des petites serviettes et nettoie le four et les comptoirs. Il faut dire que je suis de nature bordélique. Cela dit, il est très serviable et il prie pour moi. Que demande le peuple ?

Mon souhait serait de faire un petit voyage pour voir les gens que j’aime avant que je ne m’affaiblisse encore plus ou que je commence un nouveau traitement. Mes Docteurs m’ont donné le feu vert du moment que ce ne soit pas de long trajets. Financièrement c’est une autre paire de manches.

Mais le Miracle continue et mon Ange gardien m’ouvre le chemin.

victorassouline48@gmail.com

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