Mon Souk El Khmiss, film de Izza Génini : Une oeuvre à part
par Abderrahim Bourkia
Avec Mon Souk El Khmiss, la cinéaste nous amène au Maroc de son enfance. Il s’agit d’un lieu visité, une ambiance et des personnes rencontrées. Rencontre avec l’ambassadrice du septième art marocain.
Née à Casablanca en 1942, Izza Genini porte le Maroc dans son coeur. Elle peut s’enorgueillir d’une carrière riche et variée en tant que réalisatrice, productrice et distributrice de cinéma marocain. Tout a commencé lorsque qu’elle a été embauchée dans un club privé de projection de films à Paris : Club 70. « Je m’intéressais beaucoup au cinéma. Je faisais mes premiers pas dans le métier. Après avoir quitté le Maroc à l’âge de 17 ans et en poursuivant ma licence en littérature anglaise. J’allais au Maroc pour le faire connaître à mon mari. Et j’ai fini par le redécouvrir moi-même », rappelle Izza. C’est sa rencontre avec Souhail Benbarka qui annonce la naissance d’une longue carrière dans le cinéma.
Elle va prendre en charge la promotion du film les Milles et une mains. Parallèlement à son travail au sein du Club 70, elle s’occupe de la diffusion internationale du film pour l’inscrire dans les festivales. Peu après, j’ai rencontré Ahmed El Maanouni et Jilali Ferhati. Je me suis occupée de distribution de leurs films. Alyiam, Alyiam a été sélectionné pour la première édition d’Un Certain Regard à Cannes en 1978, et Une brèche dans le mur, dont le titre en darija est Jarha Fi El Hayet, de Jilali Ferhati passait à la Semaine de la Critique. Je faisais la prospection des distributeurs et des festivals de cinéma et pour décrocher des sélections sur international ». Le grand public associe davantage son nom avec la production du film « Transes » ou Al Hal en darija, sorti en 1981.
Rencontre providentielle
Ce film retrace une partie du parcours de Nass El GhiWan, les porte-étendards de toute une génération et du mouvement « El GhiWan ». Izza a confié la réalisation à Ahmed El Maanouni, qui a filmé les concerts et suivi la vie de tous les jours des musiciens. S’ensuit une riche participation à la production, dont on peut citer Zeft ce Tayeb Seddiki, Hadda de Mohamed Abouelouakar, ainsi qu’à la distribution comme Il Bacio di Tosca de Daniel Shcimid ou Ablakon de Roger Gnoan M’Bala dans les années 80. Mon Souk El Khmiss peut s’inscrire dans la même lignée des films realisés par Izza Génini qui puisent dans le patrimoine culturel, traditionnel et artistique marocain : Aïta, Malhoun, Moussem, Gnaouas, Retrouver Oulad Moumen, Voix du Maroc et la liste est encore longue. Et qui sont sortis dans les années 90 et 2000. C’est suite à une tournée avec l’Institut Français qu’on a pu découvrir Mon Souk El Khmiss d’El Gara. « Ce film a une place un peu à part par rapport à ma filmographie. Presque tous les films que j’ai produits et réalisés jusque-là, se faisaient dans un cadre très professionnel de documentaire de création, comme on l’appelle en France, c’est à dire l’élaboration de dossiers, l’attente et les mises en place du plan de financement... etc. Mais comme Mon Souk El Khmiss, est composé essentiellement des rushes que j’ai redécouverts en 2021, tournés en 1994 pour le film « Retrouver Oulad Moumen » j’ai préféré le produire plus modestement.
Ces rushes gardaient un trésor ! La rencontre providentielle avec Hajja El Hamdaouia et les Oulad Bouâazaoui au Souk d’El Gara qui s’appelait dans mon enfance Boucheron » Izza Genini raconte que les musiciens lui ont proposé de venir boire du thé. Et elle ajoute que : « nous avons passé des moments formidables et exceptionnels ensemble. Donc, il me fallait faire quelque chose avec cette matière. Il y a plusieurs cadeaux ce jour-là. « D’abord, la rencontre avec Hajja El Hamdaoui, Paix à son âme, et les musiciens, puis leur musique et leurs chants au cours de cette rencontre et enfin le cadeau de notre cameraman Jean Claude Lubtchansky qui filmait à notre insu, par plaisir personnel sûrement, sans savoir que ces images allaient trouver leur place dans ce film! C’est ainsi que les choses se sont déroulées. J’avais complétement oublié tout ce qu’il avait dans ce tournage jusqu’en 2021. Juste après le covid, j’ai découvert tout cela. J’ai décidé d’en faire un film».
Elle ajoute qu’elle ne savait pas ce qu’elle allait faire de ce matériel. « Est-ce que ce serait un film sur Hajja El Hamdaouia ? Un film sur le Souk ? finalement est au fur et à mesure qu’on travaillait sur les images, je comprenais en fait que ce lieu, El Gara, où mon père m’emmenait enfant, a forgé la Izza si marocaine, qui, sa vie durant a réalisé nombre de films sur le Maroc. C’est en tout cas cette relation au lieu que j’ai tenté de faire passer dans ce film ». Ainsi en explorant les rushs inédits, Izza nous offre un condensé de ses souvenirs d’enfance. Mon Souk EL Khmiss est peut-être l’oeuvre le plus personnelle de sa carrière.
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