Par Martine Gozlan
Dans le nuit du 3 au 4 avril dernier, Sarah Halimi, 66 ans, a été torturée et défenestrée par son voisin Kada Traoré, 27 ans. Entre deux coups, selon les témoignages des voisins, l'assassin psalmodiait des sourates du Coran.
Elle était la seule juive du 26, rue de Vaucouleurs, à quelques pas du boulevard de Belleville, dans le XIe arrondissement parisien. Sarah Halimi, 66 ans, médecin de formation et directrice de crèche jusqu'à sa retraite récente, habitait depuis trente ans au troisième étage d'un petit immeuble HLM. Au deuxième étage, Kada Kobili Traoré, 27 ans, Français d'origine malienne, vivait avec sa mère et ses sœurs. Quand les sœurs Traoré croisaient Elisheva, la fille de Sarah, venue rendre visite à sa mère, elles crachaient par terre et criaient « Sale juive ! ». Sarah, sa famille et ses petits-enfants qui portaient kippa étaient des juifs visibles. Traoré avait un casier judiciaire chargé. Mais, avec une vingtaine de condamnations pour violences et vols, aucun psychiatre ne l'avait catalogué comme malade mental.
Dans la nuit du 3 au 4 avril dernier, il sonne à la porte d'une famille amie, les Diara, d'origine malienne comme lui. Son excitation leur fait peur, il crie « Allah Akbar ! » mais ce n'est pas eux qu'il agresse. Il s'introduit sur le balcon contigu. Celui de l'appartement de Sarah Halimi. Il force la porte-fenêtre, la surprend dans son sommeil, la frappe, « la massacre » avant de la défenestrer, selon les termes de Me Jean-Alex Buchinger, avocat avec Me David-Olivier Kaminski des trois enfants et du frère de la victime. La tempête de coups, le calvaire de cette femme empoignée et jetée par la fenêtre ne se déroulent pas dans la solitude.
C'est une nuit de sang, mais non une nuit de silence. Les Diara, affolés lors de l'irruption de Traoré, ont appelé la police. Trois hommes arrivent à 4h28, les Diara leur jettent les clés dans la cour avant de retourner se barricader au fond de leur cuisine. Quelques minutes plus tard surgissent d'autres renforts de la brigade anticriminalité 75, la BAC. Jusqu'à 5 heures du matin, durant l'agonie et l'assassinat de Sarah, la police est donc là, les voisins sont massés aux fenêtres. Certains enregistrent les incantations de Traoré, les « Sheitan ! » , « Satan ! » que lance le bourreau à la femme qu'il torture et tue. En parfaite maîtrise de lui-même, en « surstimulation », relate le rapport d'enquête, Traoré hurle à l'attention de la police qui a braqué un projecteur : « Attention, une femme va se suicider ! » avant de la jeter du haut des trois étages.
La police arrêtera Traoré quand il aura regagné l'appartement des Diara, très calme. Il ne s'énervera que beaucoup plus tard, au cours de la garde à vue. Il faudra alors huit hommes pour le maîtriser. Ce comportement permettra à l'assassin d'être interné à l'hôpital psychiatrique de Saint-Maurice.
La non-intervention de la police, qui aurait redouté un terroriste dangereux pour le voisinage, et la non-qualification de crime antisémite ont tissé la toile d'une omerta que veulent briser la famille et les institutions juives. « Nous n'avons jamais été alarmistes , résume Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France, nous espérons seulement en la justice de notre pays pour que soit retenue contre Traoré la cause aggravante d'antisémitisme. Qu'on nous explique comment on peut torturer et défenestrer une femme juive en scandant le Coran et pourquoi, à cette horreur, succède un tel silence… »
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