Portrait de Mr Samy El Maghribi
Son cœur vibre et fait vibrer. Sa voix charme et porte en elle toute l'émotion où se confondent les deux amours de Samy El Maghribi, la religion et la musique créant entre eux un lien, paradoxal à première vue, mais riche quand on tonnait l'homme et son itinéraire.
La chanson créée il y a quelques années par Samy, «Salouni Ennas, Salouni» — «les gens perplexes m'interrogent sur le fait apparemment contradictoire d'être un chanteur de charme et en même temps ministre officiant de synagogue» — donne tout le sens profond du cheminement de Salomon Amzallag, depuis son enfance jusqu'au retour aux sources sans rien renier de son attachement profond aux objectifs qui guident son existence : la musique, le chant oriental, la liturgie.
Nous avons donc devant nous l'homme polyvalent aux multiples facettes qui miroitent et rayonnent pour se confondre dans l'artiste, le poète, le Hazzan, dans une symbiose harmonieuse et équilibrée de créativité musicale profane et de ferveur religieuse.
Né en 1922 à Safi (Maroc), issu de la famille bien connue Amzallag, le jeune Salomon a perdu sa mère, décédée très jeune, et qu'il n'a presque pas connue. Il lui a dédié plus tard l'émouvante chanson «Omrimaneussak Ya Mamma» (je ne t'oublierai jamais maman), tant son souvenir est demeuré lancinant dans le cœur de l'enfant.
Il fut élevé à l'ambre de son père, homme pieux qui lui apprit l'amour et le respect d'autrui, dans la tradition de la famille et de la Torah.
La famille s'installa à Rabat, ville où Samy grandit, fit ses études et se prépara à faire ses premiers pas dans la vie d'homme moderne muni d'un bon métier.
Mais sa vocation veillait. Il sentait en lui, monter la flamme de la musique. Tout le monde déjà appréciait sa jeune et belle voix à la synagogue et dans les fêtes. Tout ce qui était musique l'attirait : chanteurs, musiciens, concerts, instruments. Il étudia jusqu'à apprendre à jouer du «Oud» (luth) pour s'accompagner, ainsi que d'autres instruments. Il aimait aller écouter les maîtres de l'époque et mémoriser les paroles, les sons, les rythmes. Il menait de pair une vie de famille heureuse après son union avec Messody Cohen, union bénie de plusieurs enfants.
Puis Amzallag, dont la notoriété grandissait au Maroc, vint s'installer pour achever sa consécration, à Casablanca. Il prit le nom d'artiste de «Samy El Maghribi» et créa sa propre marque d'édition de disques, Samyphone, après avoir été longtemps édité par Pathé.
À Casablanca, il développa ses connaissances et ses talents. Il donna toute la mesure de son savoir. Il a rehaussé la valeur et le prestige de la profession de musicien en dirigeant avec sérieux et fermeté ses orchestres. Les familles se l'arrachaient pour leurs mariages et autres fêtes.
Toujours strict, ponctuel, sobre, sa présence était une garantie de succès grâce à son amabilité, sa prestance et, ce qui ne gâte rien, un physique agréable.
Il fit les beaux soirs des cabarets de Casablanca et devint une vedette connue et célèbre de la radio et de la télévision marocaines.
Samy a également animé de prestigieuses soirées et a eu l'honneur de se produire devant feu Sa Majesté Mohammed V et sa Majesté Hassan II.
Dans tout ceci, Samy ne manqua jamais d'officier régulièrement dans les synagogues.
La période à Casablanca des années 50 fut la plus féconde en créations. Le nombre de disques édités est impressionnant. Le métier de Samy allait en s'affirmant. Il a toujours continué d'apprendre auprès des anciens tels Rabbi David Bouzaglo Z «L», Cheikh Zouzou, ou Cheikh Larbi Ben Sar, et Mohammed Bel Khadir Boudrov, paroles, musiques, chants anciens, musiques andalouse, algérienne, égyptienne, arabe, espagnole, française et israélienne.
Il a donné une nouvelle vie et de la vigueur à des musiques et des chants qui tombaient dans l'oubli.
Il a solfié et créé des partitions pour des morceaux classiques qu'on n'apprenait, pendant des générations, que par l'ouïe. Les gens fredonnaient ses chansons et nombreux étaient ses imitateurs, mais Samy El Maghribi reste unique. Possédant une très belle calligraphie, maîtrisant l'arabe, le judéo-arabe, le français, l'espagnol, l'hébreu et maintenant l'anglais. Il est à l'aise dans tous les aspects de son métier et avec tout le monde.
Si Samy doit beaucoup à la musique et au chant, on peut dire aujourd'hui que la musique, le chant, les Piyyoutims, lui doivent beaucoup.
Il les a revivifiés, chantés, diffusés, répandus, transmis. Ses disques, ses cassettes, ses concerts, ses disciples ont contribué à maintenir et à développer la musique orientale, le folklore et la liturgie.
Reconnu comme un des plus grands maîtres que le Maroc ait connu, il se fait l'apôtre de cette musique qu'il aime passionnément.
Le Maroc, pays du «Shir Yedidoute», des piyyoutims, de musiques si variées, le «Moual», la «Quassida», la «Gla», le «Berbère», le «Chaâbi», a été pour lui un terrain fertile de culture.
Les années 60 furent sa période parisienne pendant laquelle Samy, tout en exerçant son métier, voyageant beaucoup, continua de perfectionner ses connaissances.
On connaît ses qualités d'intégrité et de perfectionnisme. Il ne joue jamais un morceau avant de le connaître parfaitement, les paroles complètes et leur sens.
À partir des années 60, la communauté d'origine marocaine prit de l'ampleur à Montréal et commença à se restructurer. Une personnalité comme celle d'Amzallag ne pouvait qu'apporter une contribution extraordinaire à son essor.
C'est pour cela qu'il fut accueilli ici en 1967 par ses admirateurs, par les responsables communautaires et par ses amis, avec joie et reconnaissance.
D'emblée, il fut engagé comme premier Hazzan à la Congrégation Spanish and Portuguese. Ici commence une nouvelle épopée glorieuse de la vie du Cantor Amzallag.
Son éducation de base hébraïque profonde, sa connaissance des rites, sa belle voix, son maintien digne, sa diction parfaite du texte, ont tôt fait de l'imposer au respect de tous, fidèles, clergé, dirigeants et public en général.
LE RETOUR AUX SOURCES
C'était saisissant de l'écouter et l'admirer aux offices du chabbat. Lorsqu'il s'inclinait devant l'Arche pleine de Sépharims avec une intense «Kavvana», tout vêtu de blanc, dans une Teba décorée de blanc, devant des Sépharim habillés de blanc, il concluait le service sacré par la sonnerie impressionnante du Chofar, le visage rayonnant.
Écouter sa lecture de la Torah est un régal. De partout on venait assister à ce festival du Samedi, et les touristes nostalgiques venaient se retremper dans leur ambiance, le Révérend Cantor Amzallag ayant introduit plusieurs airs orientaux dans son service et particulièrement dans le Keter, recréant ainsi l'ambiance sépharade.
Il n'a jamais refusé son concours et il a été présent dans les réceptions communautaires données en l'honneur des personnalités de passage pour lesquelles il a chanté. Il a formé des chorales. Bref, il a poussé à fond, avec conscience et doigté, toutes les possibilités de son être.
Comme il se doit, il ne manque pas d'amis et on peut citer en particulier l'affection que lui porte le prestigieux Enrico Macias.
La maison de Samy est le témoin de réceptions fastueuses où il traite ses invités dans un cadre oriental, musique de choix, et mets de choix, grâce aux talents culinaires de son épouse.
À partir de Montréal, Samy sillonne les continents et les pays. De France au Maroc, d'Israël au Vénézuéla, des USA à l'Ontario, il réveille partout la fierté de nos origines et il apporte sa contribution musicale et religieuse au renouveau de notre culture et à la prise de conscience des Sépharades.
Il est à noter que ce ne sont pas seulement les Juifs originaires du Maroc qui lui vouent un culte admiratif. On ne compte pas ses admirateurs chez les Juifs algériens, tunisiens, égyptiens, irakiens, israéliens, etc.
Les Musulmans, surtout les Marocains, l'aiment beaucoup et sont fiers de son «El Maghribi» (le Marocain). Les amateurs algériens lui ont toujours manifesté leur préférence, depuis ses galas à Alger et à Paris.
Et maintenant, dans les années 80, le Cantor Amzallag, ayant derrière lui un passé riche et brillant, s'est engagé dans la voie de la réalisation de ses aspirations d'origine : plonger dans le service du culte pour le plus grand bien de ses compatriotes.
Il prend la direction de la Congrégation du Centre Rabbinique Maghen David dont il assure le complet fonctionnement, tout en aidant puissamment à son financement et à sa consécration.
Ainsi, le cercle est presque refermé pour Salomon Amzallag, Samy El Maghribi, Cantor Amzallag, commencé dans la tradition, continué dans la musique, l'art et la création, aboutissant à la foi et à la propagation religieuse et à la liturgie. Les gens ne s'interrogent plus, ils comprennent maintenant les motivations de leur idole pour qui il n'y a pas d'incompatibilité, ni de double sens, mais une existence riche de plusieurs aspects complémentaires.
Salomon BENBARUK
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