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Pour me soigner, je préfère un toubib juif comme moi Par Laurent Sagalovitsch

Pour me soigner, je préfère un toubib juif comme moi

Par Laurent Sagalovitsch

Je dois être un gros raciste mais je me sens plus à mon aise auprès d'un praticien avec qui je partage un héritage commun. N'en déplaise à la Licra.

Moi quand il s'agit de ma santé, je ne plaisante jamais et ne néglige aucun détail. Ce que je cherche avant tout, c'est un docteur accompli, savant, le plus grand de sa spécialité, le top du top, la crème de la crème, un toubib qui collectionne les diplômes comme d'autres les figurines de la Vierge Marie. Du coup, à l'heure d'en choisir un, je n'ai aucune hésitation: j'en prends un dont le nom ne laisse aucun doute sur ses origines. Ashkénaze ou séfarade, peu m'importe du moment qu'il soit né aussi handicapé que moi.

Oh, je sais très bien ce que vous allez me dire. C'est du communautarisme. De la discrimination avec des relents identitaires. Du racisme à l'envers. Du goy bashing. Une atteinte aux fondements de la République. Du suprémacisme hébraïque. Ne s'est-on pas ému l'autre jour quand on a évoqué la possibilité de l'existence d'un annuaire de soignants de couleur? Eh bien, j'assume! Oui c'est du communautarisme. De l'entre-soi, si vous voulez. Entre un Michel Durand et un David Bokobza, mon choix est vite fait. À priori, c'est Bokobza qui toujours remportera la mise.

À dire vrai, je ne vois pas bien où est le problème. Qui saura mieux me comprendre qu'un docteur juif quand je lui aurai expliqué que je souffre d'invincibles maux d'estomac les soirs où ma mère me force à prendre et à reprendre de son couscous, lequel est aussi digeste que dix cassoulets cuits à l'étouffée? Qui d'autre saisira mes tourments intérieurs, mes interrogations sur le silence de Dieu pendant la Shoah, l'origine mystérieuse de mes hémorroïdes, la raison de mes palpitations à l'heure de monter dans un train sinon un bon fils de famille élevé par des parents tout aussi timbrés que les miens?

Un docteur goy, aussi doué soit-il, ne comprendra jamais pourquoi j'ai des attaques de panique sitôt que j'aperçois un berger allemand. Pas plus qu'il ne s'expliquera l'origine de mes problèmes gastriques qui interviennent à chaque fois que je croise un policier dans la rue, surtout si au déjeuner, j'ai bu trop d'eau de Vichy. C'est une question de sensibilité. D'histoire et d'héritage en commun. De complicité naturelle qui ne s'explique pas. Le docteur juif me connaîtra avant même de me voir débarquer dans son cabinet, tout souffreteux et à l'agonie. Il est moi, je suis lui.

Je n'aurai rien à lui cacher, rien à lui expliquer. Il lira en moi comme dans un livre ouvert. La confiance nécessaire entre le praticien et son malade est déjà présente à l'heure où je prends rendez-vous. Pas de temps à perdre, pas de blabla, de questions oiseuses, de présentations qui n'en finissent pas, de savoir qui je suis, d'où je viens, où je vais. «Sois chez toi ici Salomon et déshabille-toi que j'examine de plus près ce cœur inquiet.»

Cela peut-être choquant mais c'est ainsi.

Je comprends tout à fait qu'une personne noire soit plus à l'aise avec un médecin qui l'est aussi. D'instinct elle se sentira plus en confiance que s'il s'agissait d'un docteur blanc comme un linge. Elle sera en terrain connu. Et sera d'autant plus à l'aise pour évoquer la nature de ses maux. Il n'y a rien de choquant dans cette attitude, c'est juste du bon sens, une mesure de précaution.

En même temps, cela ne garantit rien: j'ai déjà croisé dans ma vie des docteurs nés sous une bonne étoile de David qui étaient chaleureux comme des poireaux congelés et cons à en rendre jaloux Jean-Marie Bigard. Si inaptes à leur tâche que je me suis enfui en courant de leur cabinet. Cela doit être vrai aussi des experts-comptables et des avocats.

Il n'empêche...

Ceci dit, mon médecin de famille s'appelle Carvalo; il est portugais et aussi juif que moi adepte des théories du complot.

Je dois être un mauvais juif!

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