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Quand Dieu déserte sa demeure !

Quand Dieu déserte sa demeure !

 

Par : Amine ZAOUI

La première fois où j’ai vu Dieu, mon Dieu à moi, je l’ai vu sur les gracieux gestes de ma grand-mère. Elle retournait la terre bénie de son carré du persil. Elle entretenait sa végétation comme elle élevait ses petits-enfants. Elle demandait à Dieu de le protéger du soleil, du froid et de la sècheresse. Et Dieu était là, et je l’ai vu. Il accordait de l’eau et du soleil, juste ce qu’il faut, au carré du persil et procure du bonheur, généreusement du bonheur, à ma grand-mère. Qui à son tour distribue ce bonheur sur nous.

La première fois où j’ai connu Dieu, mon Dieu à moi, ce n’était pas dans une mosquée, ni dans le prêche du vendredi, je l’ai connu dans la maison de notre voisin. Ce soir là, notre voisin s’inquiétait sur l’avenir de son voisin qui venait de perdre sa vache. Dieu se manifestait dans la solidarité du voisin avec son voisin. J’ai aimé Dieu, pour la première fois, mon Dieu à moi, ce jour-là où enfant j’ai assisté à la Touiza dans la dechra. C’était un jour qui ne ressemblait pas aux autres jours, les gens tous, main dans la main, œuvraient toute la journée pour construire une maisonnette pour l’un des leurs. La demeure de ce dernier a été emportée par les crues de la rivière. Dieu était dans les bras des hommes et des femmes. Et personne ne parle de lui. Et je l’ai aimé, ce Dieu à moi. Il était blanc comme le lait. Mielleux comme du miel. Clair comme la lumière. Tendre comme la chanson. Éveillé comme ma mère. Soucieux comme mon père. Souriant comme ma tante. Sage comme mon grand-père. Elégant comme ma bien-aimée du rêve. Il était bon, mon Dieu. Il se réveille dans le bonjour matinal: «S’bah elkheir» sur la langue de ma mère ou sur celle du maçon pointu à son échafaudage. Le soir, confortablement, il s’endorme dans l’expression douce de ma grand-mère: «Tsbah ala kheir». Que du Kheir, que du «bon».

Mon Dieu, celui qui veillait sur nous, veillait avec nous sous la lueur timide d’un bout de bougie, était souriant. Il mangeait avec nous des patates sautées et buvait du même récipient de l’eau de la fontaine. Je n’ai jamais imaginé, qu’un jour, Dieu sera modifié en une propriété privée. Sera transformé en une carte d’adhésion dans un parti. Se métamorphosera en un fond de commerce, comme tous les autres fonds de commerce. A l’image d’une pizzeria. D’une quincaillerie. D’un salon de thé. D’un salon de coiffure. D’une douche publique ! Qu’un jour Dieu vaudra son pesant de bulletin de vote. Ce dieu je ne le vois pas. Je ne connais pas ce Dieu qui se trouve au fond des urnes. J’aime Celui qui se trouver aux fonds des cœurs. Celui qui habite les beaux livres de littérature universelle. Demeure dans les contes merveilleux comblés d’amour. De générosité.

Mon Dieu à moi, celui du voisin, du carré du persil, de Touiza, celui que j’ai connu dans mon enfance a décidé de déserter les mosquées d’aujourd’hui. Sa maison a été squattée par les “haineux”. Par les obsédés du pouvoir. Je le vois en SDF. Et je l’aime. Et je le prie.

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