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Rencontre entre Macron et le Hezbollah au Liban: le «Parti de Dieu» désormais fréquentable?

Rencontre entre Macron et le Hezbollah au Liban: le «Parti de Dieu» désormais fréquentable?

Par Hakim Saleck

Pourquoi les révélations par un journaliste français d’une rencontre entre un dirigeant du Hezbollah et Emmanuel Macron ont-elles mis le Président français hors de lui? Avec François Costantini, spécialiste du Proche-Orient, Sputnik tâche d’y répondre.

«Ce que vous avez fait là, compte tenu de la sensibilité du sujet, compte tenu de ce que vous savez de l’histoire de ce pays, est irresponsable! Irresponsable pour la France! Irresponsable pour les intéressés ici et grave d’un point de vue déontologique!» Mais qu’a fait le grand reporter du Figaro Georges Malbrunot pour mériter une telle soufflante, en public, du Président de la République? A priori, son métier.

Le journaliste a en effet révélé les dessous d’une rencontre très discrète entre Emmanuel Macron et Mohammed Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah. Des échanges lors d’une rencontre qu’Emmanuel Macron, au vu de sa réaction, aurait préféré garder secrets. Mais pourquoi?

Le Hezbollah, un lourd historique de violences

Si la publication du journaliste du Figaro dérange autant le Président français, c’est parce que le Hezbollah n’est pas un acteur comme les autres au Liban. Ainsi le «Parti de Dieu» est-il une entité considérée comme terroriste par des alliés proches de la France, notamment l’Allemagne ou les États-Unis, que ce soit sa branche politique ou militaire. Seule cette dernière est d’ailleurs jugée comme une organisation terroriste par l’Union européenne.

Aujourd’hui parti politique ancré au Liban, le Hezbollah détient toutefois un lourd passif d’activités terroristes, en particulier à l’égard de la France: le 23 octobre 1983 à Beyrouth, l’attentat suicide dit «du Drakkar», revendiqué par un groupe affilié au Hezbollah, a tué 58 parachutistes français. Entre 1985 et 1986, l’organisation a mené une série d’attentats sur le sol français qui a fait une dizaine de victimes.

​Difficile donc pour un Président français de discuter en toute transparence avec les dirigeants du Hezbollah. Et ce, même si de l’eau a coulé sous les ponts depuis cette époque. Comme l’explique François Costantini, auteur de Le Liban: Histoire et destin d’une exception (Éd. Perspectives libres, 2017), le fondamentalisme sunnite, après le 11 septembre, a pris le pas sur le chiite qui est désormais perçu comme «moins» ultra-violent et sanguinaire.

Seulement voilà, le Hezbollah reste le Hezbollah, un parti dont la branche politique et militaire est fondamentalement hostile à l’existence d’un État israélien dans sa forme actuelle.

​Pourtant, au Liban, il est presque impossible de composer sans lui. C’est un véritable État dans l’État. D’abord dans sa représentation politique:

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    «Il a une représentation importante, il représente une majorité de chiites, il peut faire la pluie et le beau temps dans cette communauté même si les chiites ne sont pas tous favorables au Hezbollah», souligne le spécialiste du Proche-Orient.

Du fait de l’argent dont le parti dispose, grâce notamment à son parrain iranien, le Hezbollah irrigue certaines communautés en services –en eau ou en électricité par exemple– que l’État libanais n’est pas toujours en mesure de fournir. Mais là n’est pas leur plus grande force.  
Un parti incontournable

Si le Hezbollah est devenu un acteur incontournable, c’est surtout du fait de sa domination militaire au pays du Cèdre.

    «Le Hezbollah est beaucoup plus fort que l’armée libanaise et on ne peut pas le désarmer donc on est obligé de composer avec. Il tient tous les postes clés d’un point de vue sécuritaire. Il a notamment nommé Abbas Ibrahim au poste de directeur de la sécurité générale qui contrôle les ports et les aéroports. Le Hezbollah contrôle donc tout ce qui rentre et qui sort du Liban.»

Il est même si puissant que Georges Malbrunot a révélé que le chef de l’État français aurait donné, au cours de ses discussions avec la branche politique, des gages à la branche militaire, indiquant en substance que le Hezbollah ne serait pas inquiété sur la question de la réduction de son arsenal.

Alors, le Hezbollah, un interlocuteur fréquentable? «Pas vraiment», selon François Costantini. Mais lui et Emmanuel Macron font le même constat: «Le Hezbollah a des députés élus par les Libanais, il fait partie de la scène politique», assurait en effet le Président français.

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