Sondage : est-ce qu'Israël a vraiment changé ?
par Daniel Pipes
Un changement radical s'est produit au lendemain du 7 octobre 2023, jour où le Hamas a massacré environ 1 400 Israéliens. Jusqu'alors marginale et périphérique, l'idée d'une victoire d'Israël sur les Palestiniens a acquis le statut de position dominante faisant consensus. Le monde politique et les sondages vont dans ce sens. Les Israéliens semblent être un peuple transformé. Mais le sont-ils vraiment ?
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a fait de la victoire son exhortation constante : « La victoire prendra du temps. ... Désormais, nous nous concentrons sur un seul objectif, celui d'unir nos forces et d'avancer très rapidement pour parachever la victoire. » Il a déclaré aux soldats : « Le peuple d'Israël tout entier est derrière vous et nous porterons des coups durs à nos ennemis pour remporter la victoire. À la victoire ! » Et aussi : « Nous en sortirons vainqueurs ».
Le ministre de la Défense Yoav Gallant a lui-même déclaré avoir informé le président Joe Biden que la victoire d'Israël « est essentielle pour nous et pour les États-Unis ». À ses soldats, Gallant a déclaré : « C'est à moi qu'incombe la responsabilité d'apporter la victoire ». Bezalel Smotrich, le ministre des Finances, a annoncé l'arrêt « de toutes les dépenses budgétaires pour les réorienter vers un seul but : la victoire d'Israël ». Selon ses termes, la guerre entre Israël et le Hamas a pour objectif « une victoire écrasante ». Benny Gantz, membre du Cabinet de guerre, a estimé que c'était « le moment de la résilience et de la victoire ».
Même si ces hommes politiques représentent ce qu'on qualifie généralement de « gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël », les personnes d'autres tendances dans le pays sont nombreuses à marquer leur accord sur le fait qu'il faut éliminer le Hamas :
Naftali Bennett, ancien Premier ministre : « Il est temps de détruire le Hamas. »
Amir Avivi, général de brigade (de réserve) : « Nous devons détruire le Hamas. Nous devons le priver complètement de ses capacités. »
Chuck Freilich, ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale (dans Ha'aretz) : « Israël doit maintenant infliger une défaite sans équivoque au Hamas. »
Tamir Heyman, ancien chef du renseignement de Tsahal : « Nous devons gagner. »
David Horovitz, rédacteur en chef du Times of Israel : « Il y a une guerre à gagner. »
Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale : le Hamas « doit être liquidé et détruit. »
Meir Ben Shabbat, ancien conseiller à la sécurité nationale : « Israël doit détruire tout ce qui est lié au Hamas. »
Et qu'en est-il de l'ensemble de la population israélienne ? Pour le savoir, le Middle East Forum a commandé le 17 octobre un sondage effectué auprès de 1086 Israéliens adultes et qui montre un soutien massif en faveur de la destruction du Hamas, pour une opération terrestre afin d'y parvenir et pour une absence de concessions en échange de relations officielles avec l'Arabie Saoudite.
(Réalisé par Shlomo Filber et Zuriel Sharon de Direct Polls Ltd., ce sondage comporte une marge d'erreur de 4 %)
À la question de savoir « quel doit être l'objectif principal d'Israël » dans la guerre actuelle, 70 % des personnes interrogées ont répondu « l'élimination du Hamas ». En revanche, seulement 15 % ont répondu « la libération inconditionnelle des otages détenus par le Hamas » et 13 % « le désarmement complet du Hamas ». Il est à noter que 54 % des Arabes israéliens (ou, sur un plan plus technique, des électeurs qui ont soutenu la Liste arabe unie, un parti arabe antisioniste radical), ont fait de « l'élimination du Hamas » leur objectif principal.
Face au choix proposé entre une opération terrestre à Gaza en vue d'éradiquer le Hamas et l'absence d'opération terrestre au profit d'une autre façon de traiter avec le Hamas, 68 % optent pour le premier choix et 25 % pour le second. Sur cette question, 52 % des Arabes israéliens sont d'accord avec la majorité.
Un nombre similaire des personnes interrogées – 72 % – rejette l'idée de faire des « concessions significatives à l'Autorité palestinienne » comme prix à payer pour des relations officielles alors que seulement 21 % l'acceptent. Ici, 62 % des Arabes israéliens sont d'accord avec la majorité.
Bref, un climat farouchement anti-Hamas et anti-AP domine la politique israélienne où seules les deux formations de gauche (le parti travailliste et le Meretz) sont dans l'opposition. Les Arabes israéliens eux-mêmes reconnaissent dans leur majorité le danger que le Hamas et l'AP représentent pour leur sécurité et leur bien-être.
Dès lors se pose cette grande question : une telle férocité est-elle le signe d'un changement fondamental de mentalité parmi les Juifs et les Arabes israéliens ou simplement une charge émotionnelle passagère ?
En tant qu'observateur de longue date et historien du conflit israélo-palestinien, j'ai tendance à considérer cette dernière option comme la plus probable. Depuis 1882, les deux parties au conflit adoptent des attitudes d'une continuité remarquablement stérile. D'un côté, les Palestiniens ne cessent d'entretenir une mentalité de rejet (c'est non, définitivement non à tout ce qui est juif et israélien). De l'autre, les sionistes s'en tiennent à une position de conciliation (acceptez-nous et nous ferons de vous des gens riches). Les deux tournent en rond, sans changer ni progresser.
Par conséquent, je m'attends à ce que l'humeur israélienne enflammée du moment s'estompe avec le temps jusqu'au retour progressif des vieilles méthodes et du train-train habituel.
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